Loi sur le vieillissement : un manque d’ambition que nous paierons cash<!-- --> | Atlantico.fr
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Les personnes à domicile ne bénéficieront pas d’aides financières plus importantes.
Les personnes à domicile ne bénéficieront pas d’aides financières plus importantes.
©Reuters

Le strict minimum

En dépit du volontarisme de l’exécutif sur l'adaptation de la société aux populations âgées, les propositions débattues mercredi 16 septembre au Sénat pourront au mieux que rattraper un retard important en la matière.

Romain Gizolme

Romain Gizolme

Romain Gizolme dirige l'AP-PA (l'association des directeurs au service des personnes âgées). 

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Atlantico : Mardi 15 septembre, le projet de loi concernant l'adaptation de la société au vieillissement est passé en deuxième lecture au Sénat. A l'issu de la séance, professionnels et politiques ont critiqué son manque d'ambition. Pourtant, cette loi prévoit une augmentation des moyens attribués aux personnes dépendantes via l'allocation personnalisée d'autonomie, la prévention de la perte d'autonomie, une lutte plus aiguisée contre les suicides... Ne représente-t-elle pas pourtant une certaine avancée ?

Romain Gizolme :Ce projet apporte en effet quelques améliorations (adaptation de logements, droit aux répit des aidants…). Celles-ci restent néanmoins extrêmement modestes au vu des enjeux et attentes des personnes âgées, de leurs familles et des professionnels.

La revalorisation de l’APA (allocation personnalisée d'autonomie) par exemple peut paraitre aller dans le bon sens. Cependant compte tenu de l’augmentation de la part de population pouvant y prétendre, cette dite revalorisation ne va en fait que quasi permettre de couvrir les demandes. Ainsi les personnes à domicile ne bénéficieront pas d’aides financières plus importantes (selon certains calculs cela représentera au mieux pour les personnes les plus fragilisées 2.5h de plus d’accompagnement par mois !). Simplement, plus de personnes percevront l’APA ; mais elles ne seront quasi pas mieux accompagnées qu’aujourd’hui.

La rapporteuse socialiste du texte de loi l'a qualifié "d'intellectuellement frustrante" bien qu'elle constitue une "jolie loi". Un certain nombre d'enjeux ont-ils été écartés du texte ? Ces failles seront-elles d'ores et déjà visibles à court terme ?

Compte tenu des moyens qui y sont alloués, ce projet n’a d’ambitieux que son titre. A moyens modestes, effets modestes. Il ne traite en rien le problème majeur que constitue le coût payé par les personnes âgées et leur familles, à domicile comme en établissement, alors que c’est l’une des principales préoccupations.

Il ne règle pas plus la crise majeure que subit actuellement le secteur de l’aide à domicile qui, sous tarifé par les pouvoirs publics, se voit obligé de salarier des personnels peu qualifiés (souvent à temps partiel, dont les salaires sont gelés depuis plusieurs années), voire de cesser leur activité alors que la France connait une courbe du chômage toujours croissante.

D'après les professionnels de la santé, afin d'être complet, le budget de la loi aurait dû avoisiner les 3 milliards d'euros. Or, les fonds qui y sont consacrés sont bien inférieurs. S'agit-il d'un manque de volonté ou bien est-ce en lien avec les manques de moyens des départements et de la sécurité sociales, les deux principales sources de financement ?

Couvrir les besoins et répondre aux attentes des personnes âgées représenterait un investissement de 3 à 9 milliards...Des possibilités de financements existent. En 2011, le Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) avait, à l’unanimité, dégagé des pistes de financements (instauration d’une taxe sur les successions).

En 2013, une nouvelle taxe, la CASA (Contribution Additionnelle Solidarité Autonomie), a été créée et depuis payée par les personnes âgées. Celles-ci n’en ont d’ailleurs pas bénéficié puisque depuis 2013 cet argent est détourné de son but initial l’aide à l’autonomie pour abonder le minimum vieillesse. Additionné aux sommes reprisent chaque année à la CNSA depuis sa création au bénéfice de l’assurance maladie, l’ensemble de ces crédits représentent pas moins de 4,5 milliards d’euros qui n’ont pas été investis dans l’aide aux personnes âgées. L’AD-PA, de son côté, a proposé aux pouvoirs publics un Plan Emploi Autonomie (PEA) représentant 7 milliards d’euros (cf doc joint)

Ces éléments montrent bien qu’il s’agit de choix politiques et non de moyens.

Un deuxième volet concernant l'adaptation des établissements hébergeant les personnes âgées a été abandonné pour le moment. Sans ce deuxième volet, la loi peut-elle avoir un impact sociétal ? Au-delà du projet de loi en lui-même, la thématique du vieillissement n'est-elle pas régulièrement mise de côté par les politiques tout comme les citoyens ? N'est-ce pas la raison même pour laquelle les financements sont limités ?

Notre société, volontiers jeuniste, fait en effet souvent preuve de trop peu d’attention à l’égard des personnes âgées. L’âgisme, discrimination par l’âge, à l’inverse du sexisme, du racisme, de l’homophobie, …, reste encore très banalisée et acceptée.

Petites améliorations à domicile, vit en établissement laissée de côté, ce projet laisse penser que l’Etat qui accumule, des retards depuis plus de vingt ans dans ce secteur, n’a pas pris la mesure du potentiel que représente l’aide aux personnes âgées.

Alors même que le chômage est croissant, un investissement significatif dans ce secteur pourrait créer plusieurs centaines de milliers d’emplois au bénéfice de nos concitoyens les plus âgées qui seraient ainsi mieux accompagnés comme des plus jeunes qui se verraient proposer des possibilités de postes pérennes.

Parce qu’un investissement social dans le secteur serait un puissant facteur de cohésion social, l’AD-PA a proposé son PEA aux pouvoirs publics : 7 milliards d’euros pour 200.000 emplois créés.

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