Thierry Baudet : pourquoi l’idée de la création d’une nation européenne est déconnectée de la réalité<!-- --> | Atlantico.fr
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"L’idée de la création d’une nation européenne est déconnectée de la réalité".
"L’idée de la création d’une nation européenne est déconnectée de la réalité".
©Reuters

Bonnes feuilles

Depuis près de trois quarts de siècles en Europe, les Etats-nations sont progressivement démantelés. En démontrant, sur la base de l’Histoire et du Droit, que ces changements asphyxient les principes démocratiques, Thierry Baudet nous alerte vigoureusement sur la catastrophe qui approche. Extrait de "Indispensables frontières", de publié aux Editions du Toucan (2/2).

Thierry  Baudet

Thierry Baudet

Thierry Baudet est hollandais. Il enseigne les sciences politiques et le droit à l'université de Leyde. Il est anglophone et francophone.

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J’ai néanmoins voulu démontrer – notamment dans les chapitres 1, 3 et 9 – que la création du sentiment d’appartenance nationale, nécessaire à la démocratie représentative et à l’état de droit, ne va pas sans difficultés. Il est certain que les loyautés nationales qui existent aujourd’hui – bien que de manière imparfaite – ont été forgées au prix d’efforts considérables, sur de longues périodes, et que les États européens ont payé un lourd tribut à leur construction. L’idée de la création d’une nation européenne me semble frivole et déconnectée de la réalité. Les difficultés rencontrées au moment de la réunification allemande dans les années 1990 illustrent bien ce propos : si l’unification de deux pays partageant la même histoire, la même langue et la même culture s’est révélée si compliquée à mettre en place après seulement un demi-siècle de séparation, comment serait-il possible d’y parvenir à l’échelle européenne ? Et si plus de cent quatre-vingts années d’existence en tant qu’État n’ont pas suffi à donner naissance à un sentiment d’identité belge partagé, que pouvons-nous espérer, très concrètement, d’un regroupement des Polonais, des Espagnols, des Néerlandais, des Français et des Bulgares ?

Il existe, du reste, de nombreuses alternatives intergouvernementales à l’Union européenne telle que nous la connaissons aujourd’hui en tant qu’organisation supranationale. Les pouvoirs de l’UE pourraient être considérablement réduits, en réinterprétant par exemple les dispositions relatives au marché commun, aux accords de Schengen sur la libre circulation ou à la monnaie unique. Un démantèlement progressif de la structure politico-économique de l’Union européenne et un retour à une organisation sous forme de zone de libre-échange pourraient aisément s’envisager en tant que cadre stable pour la coopération européenne.

Cette Europe intergouvernementale hypothétique, réseau ouvert d’États hautement coopératifs, bien que souverains, serait une solution attrayante. Un retour au contrôle des frontières faciliterait considérablement la coopération avec les pays non européens. Une conséquence directe pourrait être l’ouverture du Vieux Continent aux vastes marchés du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. En donnant à ces pays – parmi lesquels nous pourrions trouver la Turquie, l’Égypte, le Maroc, la Russie, et même le Turkménistan et le Kazakhstan – un statut de « pays périphériques bienveillants », les États d’Europe (occidentale) les plus riches et les plus avancés technologiquement pourraient avoir accès à des moyens de production à moindre coût, tout en gardant le contrôle de leur économie nationale et de leur immigration. Avec la restauration de la souveraineté nationale, les États européens n’auraient plus l’obligation d’harmoniser leurs différentes politiques étrangères. Les relations internationales seraient à nouveau déterminées sur la base des loyautés historiques, des intérêts nationaux et des décisions politiques des gouvernements nationaux élus.

L’argument principal contre une Union européenne intergouvernementale semble reposer sur le fait que, les politiques étrangères des pays européens pouvant diverger, l’Europe serait incapable d’assurer à long terme ses intérêts mondiaux « communs » (à supposer qu’ils existent). Certains craignent que les États européens, en se privant d’une structure politique globale, puissent faire l’objet de stratégies de divide et impera863 menées par de grandes puissances telles que la Russie, la Chine et les États-Unis, ce qui réduirait le poids politique du continent européen sur la scène internationale. Des événements récents semblent en effet aller dans ce sens : les contrats gaziers avec la Russie qui ne seront accordés qu’à un nombre limité de pays européens ; la dénonciation des accords sur les tarifs douaniers et le commerce chinois, en réponse aux critiques de certains États européens sur les comportements géopolitiques internationaux de la Chine ; les voix peu audibles des leaders politiques européens sur les conflits militaires mondiaux, et ainsi de suite.

Extrait de "Indispensables frontières - pourquoi le supranationalisme et le multuculturalisme détruisent la démocratie", de Thierry Baudet, publié aux Editions du Toucan, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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