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Vote à l'Onu : la France se soucie plus des Etats-Unis que de la Palestine
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Le dessous des cartes...

L'ONU tranche ce vendredi sur l’adhésion de la Palestine. Lors des débats à New-York, face aux réticences des Etats-Unis et d'Israël, la France avait avancé l'idée d'un statut d'observateur pour l'autorité palestinienne... Décryptage de l'étonnante diplomatie française...

Jean-Paul  Chagnollaud

Jean-Paul Chagnollaud

Jean-Paul Chagnollaud est professeur de sciences politiques à l'université de Cergy-Pontoise, et spécialiste de la question palestinienne.

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Atlantico : L’Onu devrait officialiser son refus vendredi de faire entrer la Palestine parmi les pays membres. La France a une diplomatie difficile à suivre dès qu’il s’agit de Palestine à qui elle souhaite un statut d’observateur à l’Onu mais qu’elle admet à l’Unesco… Etes-vous étonné par les changements de caps du président Sarkozy et du Quai d’Orsay ?

Jean-Paul Chagnollaud : La politique française a sensiblement changé depuis le début de l’année. Cela correspond au départ de Michèle Alliot-Marie – dont on se souvient qu’elle appelait l’envoi de CRS en Tunisie au secours de Ben Ali… C’est l’arrivée de Juppé qui a modifié de manière radicale la diplomatie française en Méditerranée. A partir de là, la diplomatie française laisse apparaître ses contradictions. D’un côté, elle essaie de se rattraper par rapport à sa politique antérieure et elle a donc beaucoup appuyé les sociétés civiles à la recherche de leur démocratie. D’un autre côté, lorsqu’on arrive à la question Israël-Palestine, d’autres jeux de contraintes interviennent – et en particulier avec les Etats-Unis qui ne veulent pas entendre parler du moindre règlement sérieux du conflit israélo-palestinien et sont pour le statuquo. Et ce, malgré les récents discours de Barack Obama qui laissait entendre une certaine inflexion de la politique américaine. Mais Obama est piégé par le système politique américain dans lequel le Congrès a le dernier mot.

Qui oriente la diplomatie française, est-ce toujours Jean-David Levitte ou est-ce Alain Juppé dont on pouvait attendre une tendance chiraquienne au dialogue avec la Palestine ?

En dernier instance, c’est toujours le président de la République qui est pris dans des contradictions. En effet, la France ne veut pas s’opposer aux Américains sur ce dossier. Mais en même temps, elle ne souhaite pas abandonner la relation privilégiée qu’elle essaie de renouer avec le monde arabe après tant d’erreurs et de contresens (l’an passé). Ceci explique la position de Nicolas Sarkozy aux Nations unies il y a quelques semaines qui, s’il n’a pas botté en touche, croyait avoir trouvé une voie médiane en demandant un statut d’observateur privilégié pour la Palestine. Ce dont les Palestiniens ne se satisfont pas.

Comment interpréter le « Oui » de la France pour admettre la Palestine à l’Unesco ?

Le vote positif à l’Elysée à l’Unesco est une manière de faire un geste vis-à-vis des Palestiniens et de faire accepter plus facilement l’abstention de la France au Conseil de sécurité vendredi. C’est une manière de préparer l’abstention de la France au conseil de sécurité. Il faut distinguer le vote au Conseil de sécurité qui concerne l’admission de la Palestine en tant qu’Etat à part entière. Ce que voulait Nicolas Sarkozy c’est que les Palestiniens n’aillent pas au Conseil de sécurité mais devant l’Assemblée générale lors duquel la France soutiendrait un vote pour l’entrée de la Palestine en tant qu’Etat observateur… Mais les Français n’ont maintenant d’autre choix que de s’abstenir au Conseil de sécurité… La Palestine échouera donc…

Y-a-t-il eu un changement diplomatique de la France depuis l’arrivée d’Alain Juppé au Quai d’Orsay ?

On a incontestablement pour la première fois dans l’ère Sarkozy un vrai ministre des Affaires étrangères. Alain Juppé a du poids dans la réflexion du chef de l’Etat. Quand on parle avec des diplomates du Quai d’Orsay, ils le reconnaissent officieusement. Alliot-Marie n’a fait que de l’intérim et Kouchner ne faisait pas le poids… Jean-David Levitte, Claude Guéant ou Nicolas Sarkozy imposaient leurs choix. Alain Juppé de fait, est de tous les voyages présidentiels.

Mais le gouvernement reste coincé vis-à-vis des Etats-Unis. Il a peur –dirait-on- que le train diplomatique déraille si les Etats-Unis impose un véto au Conseil de sécurité. C’est sans doute pour cette raison qu’il devrait essayer -en coulisse- de faire en sorte que les Etats-Unis n’aient pas besoin d’user de leur véto en empêchant qu’il y ait les neuf voix de majorité…

On comprend la ligne des Etats-Unis, soutien indéfectible d’Israël. Mais qu’est-ce qui se joue pour la France dans cette question palestinienne ?

Il faudrait le demander à Nicolas Sarkozy ! Je crois que la France aurait tout intérêt à franchir le pas en votant pour l’admission de la Palestine à l’Onu, comme elle l’a fait à l’Unesco. La France serait en pointe, comme elle l’a été pour la Tunisie, pour la Libye et la Syrie…

Mais dès qu’on aborde la question de la Palestine, rien ne va plus car elle sait qu’elle se heurterait aux USA. Et ni la présidence, ni le Quai d’Orsay ne le veut. Alors qu’une très large majorité dans le monde pour la reconnaissance de la Palestine. Même en France, toutes les formations politiques sont en faveur de la reconnaissance de l’Etat de Palestine. Même le Parti socialiste qui, pendant très longtemps, fut à la traîne sur cette question. Le gouvernement jouerait donc sur du velours…

Dès qu’on arrive sur le terrain Israël-Palestine, les attitudes reviennent à certains fondamentaux : Israël est considéré – à tort ou à raison – comme une partie de l’Occident. Historiquement, Israël est une création des Européens. Il n’est donc pas question pour Nicolas Sarkozy, d’aller affronter les Etats-Unis sur ce terrain-là… Sauf surprise. Mais je n’y crois pas.

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