La "guerre des changes" est (re)déclenchée... ! <!-- --> | Atlantico.fr
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Un dollar
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Bras de fer

Le Japon est intervenu lundi sur le marché pour affaiblir le Yen face au Dollar, la Chine rechigne toujours à réévaluer le Yuan, les États-Unis ripostent... La crise ne semble pas avoir changé les us et coutumes monétaires mondiales. Derrière la question du protectionnisme se cache le grave problème des déséquilibres monétaires

Alain Madelin

Alain Madelin

Alain Madelin a été député, Ministre de l'Economie et des Finances et président du Parti Républicain, devenu Démocratie Libérale, avant d'intégrer l'UMP.

Il est l'auteur de Faut-il supprimer la carte scolaire ? (avec Gérard Aschieri, Magnard, 2009).

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Atlantico : Depuis les primaires PS, il n’est question que de protectionnisme, mais le problème à régler n’est-il pas en réalité celui de la « guerre des changes » ?

Alain Madelin : Il est vrai qu’historiquement, des poussées protectionnistes se font sentir lorsqu’il y a des déséquilibres monétaires. De ce point de vue, la surévaluation relative mais persistante de l’Euro encourage les idées protectionnistes.
Ainsi, les différentes propositions de TVA sociale ne sont en réalité que des mécanismes artificiels de dévaluation, puisqu’elles aboutissent à « renchérir » les importations et à alléger le coût des exportations. Ce qui constitue très exactement l’effet d’une manipulation monétaire.

Le Président de la République a depuis longtemps souhaité inscrire les questions monétaires à l’ordre du jour pour le G20. Bien qu’il s’agisse d’une nécessité, il est fort probable que le G20 se montre incapable d’apporter des réponses.

La première question posée par le Président était celle de la volatilité des changes. Celle-ci n’a rien de surprenant car les changes catalysent la complexité du monde, et ses incertitudes. Quelques exemples… Le dispositif du Sommet européen sera-t-il de taille à apporter une solution au problème des dettes souveraines ? Les Chinois vont-il cesser d’acheter du Dollar pour acheter de l’Euro ? La croissance américaine va-t-elle repartir ou replonger ? Ce sont quelques unes des multiples questions qui se croisent à chaque instant sur les marchés financiers. Et il n’existe aucune instance plus apte que les marchés financiers pour gérer ce flux d’informations, et décider de la juste valeur d’une monnaie.

La seconde question à l’ordre du jour, pour le G20 et le commerce international, est celle des manipulations monétaires. Les ajustements des marchés fonctionnent, à condition qu’il y ait une vérité du prix des monnaies, et qu’il n’y ait pas de manipulations.


Justement, quelles sont les manipulations monétaires à l’œuvre dans le monde actuel ?

Deux grandes manipulations sont à l’œuvre dans le monde aujourd’hui.

D’un côté, celle des taux courts aux États-Unis. La Federal Reserve américaine fixe ses taux courts en fonction des considérations portées à la politique intérieure américaine. Elle abaisse les taux à zéro au lendemain de la crise Internet pour éviter la récession, puis les remonte ensuite pour éviter une bulle immobilière, au risque de créer la crise des subprimes.
Le problème se résume au fait que le Dollar est la monnaie de réserve et d’échange internationale, et donc que ces manipulations monétaires ont un effet mondial. S’il n’y pas assez de Dollars, le commerce se rétracte, s’il y en a trop, les matières premières flambent.

De l’autre, la monnaie chinoise, le Yuan.
La Chine freine la réévaluation du Yuan sur le marché d’échange, et empêche le bon fonctionnement du mécanisme d’autorégulation qui encadre le lien fixe entre des monnaies. Un exemple de lien fixe entre des monnaies… S’il existait un lien fixe entre Dollar et Yuan, ceci devrait contraindre le pays excédentaire - la Chine - à voir sa masse monétaire s’accroître, et donc à augmenter le niveau général de ces prix. Or, elle freine à la fois la réévaluation de sa monnaie, et l’augmentation de sa masse monétaire et de ses prix.

C’est le deuxième grand désordre monétaire international. Même si les Chinois se sont engagés dans une réévaluation de leur monnaie de l’ordre de 3 à 5 % par an depuis 2005, et une réévaluation de leurs salaires de quelques 70% durant les cinq dernières années. Pour être franc, il est peu probable que la question de la sous-évaluation du Yuan puisse se régler par un rapport de force au G20. De surcroît, dès lors que l’Europe se place en position de solliciteur de l’épargne chinoise.

La réalité, c’est que la Chine s’oriente vers une convertibilité de sa monnaie, et qu’elle pense que préalablement à cette convertibilité, elle doit moderniser son secteur financier. Dans les faits, elle va réévaluer lentement sa monnaie, et dans le même temps, le coût du travail va être réapprécié. De telle sorte que la question de la compétitivité que l’on adresse à la Chine, au regard du faible coût de sa main-d’œuvre, ne durera pas éternellement. Sa compétitivité ne sera plus celle de la chine atelier du monde, mais celle de la chine laboratoire du monde, au regard des efforts faits en matière d’éducation et de recherche.


Au niveau européen, que dire de la valeur de l’Euro, aujourd’hui bénéfique pour la compétitivité allemande, mais surévaluée pour la survie grecque ?

Il n’est plus question ici de la « guerre des changes », mais celle de l’ajustement des différences de compétitivité entre les pays, à l’intérieur de la zone Euro. Cet ajustement, pour ce faire, exigeait dans l’esprit du traité de Maastricht une stricte discipline budgétaire, dont la France et l’Allemagne se sont affranchies en 2002-2003 (donnant ainsi le mauvais exemple aux autres États membres), et une très grande souplesse de l’économie pour permettre l’ajustement par les prix relatifs.

Autrement dit, l’Allemagne compétitive, aurait dû voir ses salaires augmenter, et la Grèce qui l’est moins, voir son coût du travail stagné. Ce fut le contraire, et cela a conduit à s’en doute trop d’usines en Allemagne, trop d’immobilier en Espagne, trop de fonctionnaires en France et de trop de « social-clientélisme » en Grèce. A cette question de l’ajustement des compétitivités au sein d’une même monnaie, l’Euro reste devant nous…


Le gouvernement japonais est intervenu lundi sur le marché des changes pour affaiblir le Yen, qui venait de battre un nouveau record de vigueur face au Dollar. Peut-on parler d’une manipulation monétaire « principale » ?

Le japon a longtemps pratiqué la manipulation de sa monnaie. C’est un peu un retour aux sources pour empêcher une réévaluation artificielle du Yen. De même que les Suisses, intervenus il y a peu pour empêcher la flambée de leur monnaie (Franc Suisse) qui, compte tenu des incertitudes monétaires, devenait une valeur refuge.

Mais il ne s’agit là que de manipulations collatérales dans le système monétaire actuel.


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