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Une étude de Natixis sur les différents plans d'austérité menée récemment en Europe montre que la politique poursuivie doit s'adapter à la structure économique de chaque pays.
Une étude de Natixis sur les différents plans d'austérité menée récemment en Europe montre que la politique poursuivie doit s'adapter à la structure économique de chaque pays.
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Austérité mode d'emploi

Une étude de Natixis sur les différents plans d'austérité menée récemment en Europe montre que la politique poursuivie doit s'adapter à la structure économique de chaque pays.

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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Alors qu’à Athènes, le parlement grec, cerné par des manifestants exaspérés, vote un énième plan d’austérité, plan dont plus personne ne comprend le contenu, le pays s’enfonce dans la récession : le remède aggrave le mal.

Face à cette situation, tout le monde s’interroge sur les marges de manœuvre réelles dont dispose un pays pour redresser ses comptes. En effet, les politiques d’austérité, qui réduisent la demande publique par contraction des dépenses, et privée par hausse des impôts, conduisent à une baisse de la croissance et donc in fine à une baisse des rentrées fiscales, c'est-à-dire à l’inverse du but recherché. Certains économistes keynésiens n’hésitent pas d’ailleurs à prolonger le raisonnement jusqu’à ses conséquences extrêmes pour expliquer que pour réduire la dette, il faut d’abord …l’augmenter ! En effet, la croissance qui résulte de la relance ainsi permise apporte les recettes fiscales salvatrices.

Dans cette logique de préservation indispensable de la croissance, certains économistes, -notamment récemment ceux de Natixis- ont étudié des plans d’austérité passés pour voir comment agir de façon fine et limiter le plus possible les contractions d’activité. Le résultat aboutirait sur une austérité moins nocive pour les pays ayant encore un tissu industriel important, car ceux-ci pourraient, grâce à des gains de compétitivité, maintenir leurs parts de marché notamment à l’export et donc garantir une certaine croissance.

Le problème de ce genre de raisonnement est qu’il confond déficit extérieur et déficit intérieur. Les plans servant de référence ont été mis en place par des pays subissant un déficit extérieur récurrent. La dévaluation, la contraction de la demande par hausse des impôts ou baisse des dépenses publiques correspondent à la nécessité de réduire le déficit commercial pour arrêter l’hémorragie de devises. S’il en est ainsi, c’est que jusqu’à présent, les déficits publics et les accumulations de dette devenus insupportables comme ceux nés des guerres (1815, 1945) ont été soldés par une combinaison de croissance et d’inflation qui n’a rien à voir avoir la structure de l’économie mais qui repose sur la capacité du pays à se donner du temps. Et ce temps, depuis que les Anglais ont inventé la Banque centrale en tant que prêteur en dernier ressort, c’est elle qui se charge de le donner et indirectement de le gérer.

Réclamer la dévaluation, regarder comment les pays peuvent préserver des parts de marché, c’est  répondre aux problèmes de l’Argentine de 2001 en manque de dollars, mais pas de la Grèce ou de l’Italie de 2011 en manque d’euros.  La situation des comptes extérieurs de la Grèce ne cesse de s’améliorer-parce que l’on mène une politique d’austérité qui répond à ce problème et pas celui plus immédiat du pays- alors même que la récession y devient dramatique.

La bonne rigueur est celle qui ne se trompe pas de solution et donc de problème : un déficit interne n’est pas un déficit extérieur. Il est  souvent le fruit du refus de la population, explicite ou implicite, d’assumer les conséquences financières de décisions politiques. La bonne austérité dans ces cas là repose sur le temps, sur la remise en cause des fonctions de l’État notamment au travers des privatisations et sur une baisse régulière et organisée des dépenses dont l’impact sur la croissance sera décompensée par la baisse du taux d’épargne des ménages- ce que les économistes appellent des effets ricardiens. 

Pour la France, il ne s’agit donc pas de se perdre en considérations diverses sur la compétitivité -elle est nécessaire mais ce n’est pas l’enjeu de nos 85% d’endettement- mais bel et bien de réfléchir aux contenus des dépenses publiques pour supprimer le déficit structurel. Dans  un pays où la dépense représente 56% du PIB, on peut réduire la voilure en maintenant le cap sur les réductions d’effectif, en respectant la proposition du rapport de Michel Pébereau sur la dette de 2005 de maintenir en euros courants sur la durée du prochain quinquennat le montant des dépenses et en engageant un vaste programme de privatisation. Quant aux moyens d’aider les entreprises à être compétitives pour faire de la croissance, il faudrait simplement rappeler la réponse faite à Colbert par les négociants bordelais à qui il demandait ce qu’il pouvait faire pour les aider. Ils lui répondirent : « laissez faire, laissez passer »…

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