Dette, déficit, chômage : la virtuosité française à manipuler les chiffres<!-- --> | Atlantico.fr
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Comment on joue avec les chiffres du chômage
Comment on joue avec les chiffres du chômage
©Reuters

Abracadabra

Le ministre du Travail a usé jeudi d'un artifice statistique grossier pour tenter de montrer que la progression du nombre d'inscrits en février à Pôle emploi cachait en fait une baisse du nombre de chômeurs. Il n'est pas le seul au gouvernement à essayer de jouer avec les chiffres pour leur faire dire l'inverse de ce qu'ils montrent.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Croissance, le gand jeu de bonneteau

Tous les gouvernements travestissent les taux de croissance pour plusieurs raisons. Au moment de l’élaboration des projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale, il faut autant que possible doper le taux de croissance pour réduire le montant des déficits. Certes, l’Europe veille maintenant pour éviter de trop fortes dérives mais cela n’empêche pas les maquillages de chiffres. Une fois cet exercice passée et sous pression de la Commission européenne, il est de bon ton de revoir à la baisse ses prévisions avec le secret espoir que cet accès de pessimisme débouchera sur un petit gain en fin d’année. Ainsi, en 2014, nous sommes passés de 1 à 0,3 % pour aboutir à 0,4 % tout en retenant l’idée que ce taux aurait pu être inférieur. Avec les élections qui se profilent, le Gouvernement aura tendance à minorer le taux de croissance initial pour le réviser à la hausse en cours d’année afin de dégager des plus-values. C’est ce qu’avait tenté de faire Lionel Jospin entre 2000 et 2002 avant de se prendre les pieds du piège de la cagnotte fiscale que lui avait tendu Jacques Chirac.

Le Gouvernement se réjouit de la réduction du déficit public

Certes, le déficit public a été moins élevé que prévu en 2014 avec un taux de 4 % quand les dernières prévisions tablaient sur un déficit de 4,4 %. Néanmoins, ce résultat ne peut pas être qualifié de bon voir même de passable. La France enregistre un des plus importants déficits publics de la zone euro. L’Allemagne est en excédent et la moyenne des déficits publics des Etats membres se situe en-dessous de 3 %. Si la France avait respecté son programme, le déficit aurait du être ramené à 3,5 % afin d’être à 3 % cette année. Le léger mieux dans l’exécution en fin d’année est avant tout le produit d’une petite accélération de la croissance. Ce n’est donc même pas une amélioration de la gestion des dépenses. Il est à noter que ces dernières poursuivent leur progression. Elles sont passées de  52,9 % à 53,2 %. Les dépenses de fonctionnement ont augmenté de 1,3 % en 2014. Il est à signaler que la Cour des Comptes a considéré que l’Etat était loin du compte en matière d’économies.

Le taux de prélèvements obligatoires demeure à un niveau très élevé à 44,7 % du PIB. La dette publique a poursuivi sa progression en atteignant 95 % du PIB. Elle s’est accrue de 84,4 milliards d’euros en 2014 contre une hausse de 84,3 milliards d’euros en 2013.

Chômage, le compte n’y est pas

Avec le chômage, les pouvoirs publics ont toujours pris quelques libertés avec les chiffres. A maintes reprises, le thermomètre a été changé afin d’empêcher les comparaisons. Il n’est pas rare de recourir à des artifices comptables, des radiations aux stages en passant par les contrats aidés ou les erreurs informatiques afin de peser sur les chiffres. Il est possible d’affirmer que les résultats sont bons en soulignant que la progression des demandeurs d’emploi faiblit par rapport à une période donnée… Vieille technique pour expliquer que tout va bien ou presque, Madame La Marquise, c’est de faire du lissage de statistique. François Rebsamen, ministre du Travail, a ainsi transformé une augmentation du chômage en baisse en agglomérant les mauvais résultats du mois de février avec ceux du mois de janvier qui étaient meilleurs. Pour couronner le tout, il a comparé la somme ainsi obtenue avec celle des mois de janvier et février de l’année 2014 qui était particulièrement mauvaise. Habile tour de passe-passe mais qui ne fait guère illusion…

La balance commerciale, comment une amélioration du résultat n’en est pas une

Le Gouvernement s’est félicité de la réduction du déficit commercial en 2014 qui a été ramené, il est vrai à 53,8 milliards d’euros soit une baisse de11 % par rapport à 2013. Mais, cette amélioration est en trompe l’œil. Hors énergie, le déficit commercial s’accroît de 35 %. C’est la chute de 60 % du prix du baril qui a permis contraction du déficit et non l’amélioration supposée de la compétitivité de l’économie française. Ce ne sont pas les exportations qui progressent mais les importations qui diminuent…

Le Gouvernement affirme que les impôts n’augmenteront plus mais les Français constatent l’inverse et l’INSEE aussi…

Au quatrième trimestre de l’année dernière, le revenu disponible brut des ménages a a baissé de 0,1 % et cela malgré la hausse des salaires de 0,3 %. Ce sont les impôts sur le revenu et le patrimoine qui ont réduit à néant ce gain. Ils ont augmenté sur le dernier trimestre de l’année dernière de 3,8 % en raison des mesures nouvelles pour 2014 sur l’impôt sur le revenu (suppression de certaines exonérations et abaissement du plafond du quotient familial). Les réductions exceptionnelles en faveur des contribuables modestes ne font plus illusion. De toute façon, en 2014, le taux des prélèvements obligatoires est resté à 44,7 % du PIB soit un niveau historiquement élevé. Les impôts ne baissent pas ; au mieux les pouvoirs publics ont trouvé de nouvelles poches dans lesquelles il fallait glisser la main du percepteur…

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