Gilad Shalit : le Hamas plus efficace que Mahmoud Abbas pour défendre la cause palestinienne ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une manifestation de soutien israëlienne pour la libération du soldat Gilad Shahit.
Une manifestation de soutien israëlienne pour la libération du soldat Gilad Shahit.
©Reuters

Libération prochaine

Israël et le Hamas ont annoncé un accord : le soldat franco-israëlien sera bientôt libéré en échange de 1027 prisonniers palestiniens. Le Hamas pourrait faire de cet événement une arme politique contre Mahmoud Abbas.

Julien Salingue

Julien Salingue

Julien Salingue est Doctorant en science politique à l'Université Paris 8 et enseignant à l'Université d'Auvergne.

Ses recherches portent sur le mouvement national palestinien et sur les dynamiques politiques, sociales et économiques en Cisjordanie et à Gaza.

Il a notamment publié A la recherche de la Palestine : Au-delà du mirage d'Oslo.

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Atlantico : Qui est Gilad Shalit, et dans quel contexte a-t-il été enlevé par des groupes armés palestiniens ?

Julien Salingue : Il possède la citoyenneté israélienne et la nationalité française par son père, puisque sa grand-mère paternelle était française. Mais c’est quelqu’un qui est né, et a grandi en Israël, qui servait dans l’armée israélienne en tant que caporal. Il a donc la nationalité française, mais sa vie est celle d’un citoyen israélien.

A l’occasion d’une opération coordonnée par plusieurs groupe armés palestiniens - dont les militants du Hamas - depuis la bande de Gaza, une colonne de blindés de l’armée israélienne qui patrouillait devant Gaza a été attaquée. Gilad Shalit a alors été enlevé par les militants palestiniens, et retenu pendant plus de 5 ans dans la bande de Gaza.


Pourquoi n'est-il libéré que maintenant alors que son enlèvement date de 2006 ?

A partir du moment où il a été enlevé, il est devenu pour la direction du Hamas une monnaie d’échange dans le cadre de négociations conduites avec l’État d’Israël. Le Hamas a d’ailleurs annoncé dès le début qu’il souhaitait échanger Gilad Shalit contre des prisonniers politiques palestiniens.

Israël a longtemps refusé toute négociation, puis, avec les années, des contacts ont été noués, et on a eu à deux reprises l’aboutissement d’un quasi accord pour un échange. Le contexte interne palestinien a notamment constitué un élément déterminant.

Depuis les accords signés par le Hamas et le Fatah au Caire il y a 6 mois, la réconciliation sur le terrain n’a pas eu lieu. Et l’initiative prise par Mahmoud Abbas à l’ONU a été vécue par une partie du Hamas comme une instrumentalisation de la réconciliation pour mettre en avant la direction de l’OLP (organisation de libération de la Palestine) et la direction de l’Autorité palestinienne.

Avec cette libération, le Hamas cherche-t-il donc à soigner son image ?

Depuis de nombreuses années, le Hamas s’est engagé dans une nouvelle voie, même si les gens ne l’ont pas relevé.

Le Hamas a décidé de se présenter aux élections, il a fait le choix de s’intégrer au jeu politique palestinien, tel qu’il a été dessiné par les accords d’Oslo. En tant que mouvement politique, le Hamas s’est donc déclaré prêt à jouer le rôle d’une autorité politique légitime à l’intérieur du territoire palestinien mais aussi à l’extérieur, et donc à être reconnu comme un interlocuteur priviligié pour la communauté internationale.

Avec cette libération, le Hamas essaye de contrebalancer la place qu’occupe Mahmoud Abbas sur la scène internationale, en démontrant à la population Palestinienne qu’il est capable d’obtenir des résultats concrets.

Le fait que cette libération intervienne après la demande de Mahmoud Abbas à l’ONU pour la reconnaissance d’un État palestinien n’est donc pas un hasard ?

Ce n’est pas un hasard. La démarche entreprise à l’ONU par Mahmoud Abbas lui confère une posture internationale de représentant des Palestiniens, qui peut avoir des répercussions à l’intérieur du territoire palestinien.

A partir du moment où il semble reconnu par la communauté internationale, la population peut penser qu’il vaut mieux un Mahmoud Abbas reconnu qu’un Hamas isolé. Mais avec ce que le Hamas obtient aujourd’hui, il peut reprendre la main. Contrairement à Abbas, il obtient quelque chose de concret, la libération de plus de mille prisonniers palestiniens. Cela représente beaucoup plus pour la population locale qu’un discours à l’ONU.

Peut-on parler d'un échec des négociations diplomatiques israéliennes, puisqu’elles libèrent plus de mille prisonniers contre un seul homme ?

Dans l’histoire de l’échange des prisonniers, cette disproportion a toujours été. Mais là, c’est la première fois que pour un seul homme, autant de prisonniers sont libérés.

Le gouvernement Netanyahou est fortement contesté de l’intérieur (mouvements sociaux des jeunes, etc.), et donne à l’extérieur l’image d’un État intransigeant vis-à-vis du Hamas. Cette démarche pourrait donc être une tentative pour redonner l’image d’un gouvernement israélien prêt à négocier, à lâcher du lest.    

Ensuite, ce gouvernement doit faire face à 300 prisonniers politiques palestiniens en grève de la faim depuis 15 jours, suivis de manière intermittente par 3 000 autres, pour protester contre leurs conditions de détention. Dans ce contexte, la libération de plus 1 000 prisonniers politiques n’est peut-être pas un hasard, mais un contre-feu par rapport à la mobilisation actuelle.

La France a-t-elle fait pression sur le gouvernement israélien pour qu'il accepte cet accord avec le Hamas ?

Sans être dans les arcanes diplomatiques, on sait que la France a signifié à Israël qu’elle souhaitait obtenir la libération de Gilab Shalit. Toutefois, si pression il y eu, elle a dû être effectuée sur les Palestiniens.

Contre exemple à l’appui, le Franco-Palestinien Salah Hamouri est retenu dans les prisons israéliennes depuis de longues années. Et pourtant, malgré les démarches entreprises par ses parents auprès des autorités françaises, il n’est toujours pas libéré.

En comparant ces deux cas, on obtient des éléments de réponse sur les pressions qui sont exercées sur Israël. Qui plus est, il aurait été assez maladroit d’expliquer, à un État qui essaie de libérer l'un de ses ressortissants, les moyens de parvenir à ses fins.

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