Arno Klarsfeld convoqué par un juge pour avoir dit qu’une partie des jeunes de banlieue étaient antisémites : "des généralités, non, dire les choses telles qu’elles sont, oui"<!-- --> | Atlantico.fr
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L'avocat revendique le droit d'exposer la réalité dans son plus simple appareil, sans détour.
L'avocat revendique le droit d'exposer la réalité dans son plus simple appareil, sans détour.
©Reuters

Justice aveugle

Ces propos tenus en janvier 2014 à la télévision doivent à l'avocat d'être convoqué par le juge d'instruction le 3 février prochain. Il revendique le droit d'exposer la réalité dans son plus simple appareil, sans détour.

Arno Klarsfeld

Arno Klarsfeld

Arno Klarsfeld est avocat. 

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Atlantico : Vous avez été convoqué pour première comparution devant le juge d'instruction le 3 février, pour avoir "porté des allégations ou imputations d'un fait portant atteinte à l'honneur et à la considération des 'jeunes de banlieue'" le 9 janvier 2014 sur la chaîne I-Télé. Qu'avez-vous dit pour être ainsi mis en examen ?

Arno Klarsfeld : J'ai déclaré, comme le rappelle ma convocation : "Non la France n'est pas antisémite, il y a le noyau dur de l'extrême droite qui l'est vigoureusement, une partie de l'ultra gauche et les islamistes et une partie des jeunes de banlieue". Ce qui est désigné comme "discours, avis ou menaces proférées dans un lieu ou réunions publics" dans cette convocation, ce ne sont ni plus ni moins que des propos modérés, qui ne stigmatisaient pas une population, et qui montraient une réalité. Comme il ne faut jamais généraliser, j'ai pris soin de préciser que seulement une partie des jeunes de banlieue étaient antisémites. Certains le sont violemment, d'ailleurs. Je n'ai rien apporté de plus au débat que ce qui est déjà attesté par de nombreux articles de presse, des sociologues et le Premier ministre… J'ai déjà été convoqué par la police à deux reprises, me voilà mis en examen par le procureur : cette situation est raisonnablement qualifiable d'anormale.

Lire la réaction de Benoît Rayski : Un tribunal va juger d'un nouveau délit : "atteinte à la considération et à l'honneur des jeunes de banlieue"

Où en est la liberté d'expression en France ?

La liberté d'expression en France est totale, mais ne doit pas inciter à la haine raciale. C'est pourquoi je trouve que les propos de Philippe Tesson sont condamnables lorsqu'il dit que "c'est les musulmans qui mettent en cause la laïcité, […] qui amènent la merde en France aujourd'hui", car ils incitent à la haine. Il oublie que lors des derniers événements autour de Charlie hebdo, un policier musulman s'est fait tuer. Il oublie tous les musulmans qui défendent la laïcité. De telles généralités ne sont pas tolérables. Par contre, je ne crois pas faire de généralités lorsque je dis que des jeunes de banlieue sont antisémites, au point que cela me vaille de me déplacer au  commissariat, et au tribunal pour être mis en examen !

Diriez-vous que vous faites l'objet d'un acharnement ?

Je ne saurais dire. Les juges non plus ne doivent pas faire l'objet de généralités ! La France est un pays où la liberté d'expression est totale, sauf si elle sert à alimenter la haine raciale. Il se trouve que parfois des exceptions malheureuses sont faites, cependant je ne suis pas d'accord pour dire que la liberté d'expression est en danger aujourd'hui en France. C'est comme les autoroutes : elles sont plutôt sûres dans notre pays, même si de temps en temps des accidents se produisent. Je ne veux pas céder à la paranoïa, même si je ne vous cache pas que cette convocation est désagréable.

Vous avez déjà déclaré en mai 2014 que vos "propos étaient d’une grande modération et d’une grande évidence". Pensez-vous qu'il faut aujourd'hui faire particulièrement attention à la manière dont on explique des réalités, en l'occurrence l'inculture qui prédomine chez une partie des "jeunes de banlieue" ?

Il n'est pas nécessaire selon moi d'être particulièrement précautionneux, il faut dire les choses comme elles sont. Ce à quoi il faut faire attention, c'est à ne pas se laisser aller à des généralités, à se faire plaisir par vanité. Essayer d'être le plus proche de la vérité, cela empêche de dire des bêtises. C'est ce que j'ai fait lorsque j'ai expliqué qui étaient les personnes antisémites aujourd'hui en France.

En 2011, je déclarais dans Atlantico qu'une vague fondamentaliste touchait le monde musulman, mais aussi la France par certains endroits. Toute la gauche m'a conspué, et peu de gens à droite m'ont défendu. Or ce que je disais était vrai. J'ai été mis à l'index pour avoir eu raison trop tôt, c'est pourquoi les politiques, eux, sont très précautionneux : ils ne disent les réalités que lorsqu'elles sont perçues unanimement.

La réalité sociale en France est telle que les populations des banlieues dont font partie les "jeunes" que vous dénonciez pourraient mal vivre votre observation, car cette dernière vient d'une personne qui n'a pas connu les mêmes difficultés…

Je ne pense pas. Les conditions de vie difficiles ne conduisent pas nécessairement à l'antisémitisme et à la délinquance, autrement cela signifierait que nous sommes privés de libre-arbitre. J'ajouterai que les juifs ont toujours été en lutte contre les discriminations faites aux populations immigrées ou issues de l'immigration. Par contre lorsque les musulmans entendent quelqu'un dire qu'ils "amènent la merde en France", alors que certains travaillent 12 heures par jour à des tâches que les autres ne veulent pas accomplir, que beaucoup sont policiers, médecins et j'en passe, évidemment qu'ils se sentent mis à l'index.

Propos reccueillis par Gilles Boutin

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