Pourquoi il est temps de regarder la vérité en face : s’il existe des musulmans modérés, il n’existe pas d’islam(isme) modéré<!-- --> | Atlantico.fr
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L'islamisme peut-il vraiment être modéré?
L'islamisme peut-il vraiment être modéré?
©Reuters

Appeler un chat, un chat

En combattant la lecture privée de la religion au profit d'une visée politique totalitaire, l'islamisme ne peut être que radical.

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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  • L'islamisme est une idéologie totalitaire
  • Les non-croyants ne sont pas tolérés
  • Toute vision privée de la religion est rejetée

Atlantico : A chaque attentat terroriste, toujours la même distinction : il y a les islamistes radicaux, qui les revendiquent, et ceux qui se disent modérés. Mais l'islamisme peut-il vraiment être modéré ?

Alexandre Del Valle : Je pense qu'il ne peut pas y avoir « d'islamisme modéré » dès lors que l'on définit l'islamisme comme une idéologie extrémiste visant à exporter une idéologie théocratique et expansionniste fondée sur une lecture totalitaire, et littéraliste de l’Islam. Il utilise la violence comme moyen de  conquête et prône l'extermination physique de ses ennemis. Il existe, certes, des différences de degrés, entre d’une part les factions islamistes terroristes les plus folles comme Al-Qaïda ou Daech,  et de l’autre les islamistes soi-disant « modérés » à la Erdogan ou comme les Frères musulmans européens ou tunisiens sans oublier les Tarik Ramadan, apparemment modernes et ouverts. Mais tous luttent contre les lectures les plus libérales de l’islam, tous s’opposent à la laïcité au sens que nous retenons de ce terme, et tous prônent au minimum le communautarisme, le mépris des « infidèles » et des « apostats » et se posent en victimes de « l’islamophobie » pour faire taire toute critique de l’islam, devenu la seule religion « intouchable ». Leur but est ni plus ni moins que de terroriser physiquement ou psychologiquement ceux qui oseraient critiquer cette religion ou freiner son expansion.   

Il n'y a donc pas de différence entre les islamistes radicaux et ceux qui se veulent modérés ?

Quand vous voyez que même des islamistes soi-disant modérés comme Tarik Ramadan déclarent que des actes terroristes perpétrés par des groupes comme le Hamas ou d'autres sont des actes de « résistance », on constate déjà, à ce stade, l'acceptation et la justification d'une violence aveugle terroriste sous couvert de « résistance » aux « sionistes » ou aux « ennemis » des musulmans. Par exemple, Youssef Al-Qardaoui, qui co-dirige l'Instance Européenne des Frères Musulmans, et qui est l’ami et le maïtre spirituel du « modéré » Ramadan,  a carrément édicté des fatwas pour autoriser des attentats terroristes contre des Américains, des Israéliens, des homosexuels, des juifs civils y compris en envoyant des kamikazes handicapés ou femmes se faire sauter, etc… Quand on sait que l’UOIE, le Conseil européen de la Fatwa et de la Recherche dirigé par Qardaoui, puis l’Institut de formation d’imams européens de Saint Léger du Fourgeret et tant d’autres instances reconnues légalement en Europe comme « représentant l’islam européen » diffusent les idées de leur prédicateur vedette (Qardaoui) qui leur explique dans son livre Le licite et l’Illicite comment tuer les apostats, les Blasphémateurs ou battre sa femme, cela fait froid dans le dos… Mais Qardaoui et les Frères musulmans qui fanatisent tant de jeunes musulmans européens apparaissent comme des « modérés » par opposition aux Terroristes de Daech, car en Europe, ils prônent le « jihad de la parole » et condamnent le terrorisme violent qu’ils réservent à la Palestine, à l’Irak ou d’autres pays où la force serait la seule solution possible. En revanche, en Europe (devenue « terre de prédication » selon le même Qardaoui), la démocratie leur permettrait d’étendre leur vision totalitaire de l’islam en toute tranquillité et même avec l’aide des Etats démocratiques ouverts à tous les vents au nom du « multiculturalisme », donc la violence terroriste y serait « contre-productive »… Autre exemple de double discours et de fausse modération : le Président turc Recep Taiyyp Erdogan, qui est le leader de la réislamisation de son pays depuis son accès au pouvoir en 2002, a toujours été présenté comme un « modéré » par les médias occidentaux jusqu’à sa dérive autoritaire en 2013, or non seulement il met les journalistes et opposants laïques en prison, non seulement il a récemment accueilli en Turquie le leader du Hamas et soutenu le terrorisme de ce mouvement à Gaza contre Israël, mais il a même soutenu, entre 2012 et septembre 2014, les troupes de Daech… qu’il préfère de loin aux nationalistes Kurdes marxisants et à l’Etat syrien alaouïte considérés comme des « mécréants » ou des « apostats ». La Turquie néo-islamiste d’Erdogan et de son parti l’AKP a donc, comme les Etats schizophrènes du Qatar, du Pakistan, du Koweït ou de l’Arabie saoudite, à la fois un bras dans l'OTAN ou l’alliance avec les démocraties occidentales, et un autre dans le soutien au totalitarisme islamiste... Qu’il s’agisse de l’aile islamiste « modérée » à la Erdogan ou à la Frères musulmans, ou de l’aile terroriste à la Al Qaïda ou à la Da’ech, ces deux mamelles du totalitarisme vert ont les mêmes objectifs à long terme : soumettre progressivement l’Humanité à leur vision politique et obscurantiste de l’islam, ce qui implique l’instauration progressive ou radicale de la Charià puis, à terme, d’un Califat sunnite qui fait autant rêver les Frères musulmans, les Salafistes que Erdogan et ses partisans…. Il n’y a donc pas de différence de nature mais seulement de degrés entre les deux.

Mais l'islamophobie, elle, existe bien. N'y a-t-il pas un risque d'amalgame ?

Si l'islamophobie désigne la haine ou la persécution envers les musulmans juste parce qu'ils sont nés musulmans, bien sûr que c'est condamnable et que cela mérite d’être combattu et pris au sérieux. Mais soyons sérieux ! l’islamophobie dont on nous parle en permanence en Europe ne prend pas cette forme dans nos démocraties ou personne ne tue ou n’agresse des musulmans régulièrement juste parce qu’ils sont musulmans. Par contre, des Infidèles « juifs sionistes » sont souvent agressés ou même tués par des islamistes à la Mérah, et en Australie, au Canada, en Europe, on a chaque semaine des cas d’islamistes tentant de passer à l’acte pour tuer des chrétiens croisés ou des juifs. La deuxième définition de l’islamophobie, selon moi totalement contestable, consiste à considérer comme « raciste » ou « islamophobe » le fait de se moquer de l’islam ou de critiquer cette religion. Or lorsque de nombreux occidentaux hurlent avec les loups islamistes en dénonçant une soi-disant « islamophobie » qui se limite soit à des caricatures plus ou moins grossières, ou à une critique voltairienne de la religion musulmane, ils tombent selon moi dans le piège tendu par les instances et Etats islamistes mondiaux qui tentent depuis des années de justifier leur intolérance et leur obscurantisme, notamment leur objectif d’imposer une censure islamique et une pénalisation du « blasphème », sous couvert de « droit à la différence » et d’antiracisme ». Or dans nos sociétés ouvertes et dans nos démocraties, surtout dans la France Laïque de Voltaire et de la République, le droit de critiquer une religion est un droit fondamental, non négociable. Si l'on fait passer des gens qui ne font que critiquer une religion pour des « racistes », ce qui implique qu’on les fait taire ou qu’ils soient sanctionnés, ceci constitue selon moi une très grave confusion qui vise purement et simplement à limiter la liberté d'expression. Cette régression est déplorable et on la constate depuis des décennies dans tous nos pays occidentaux culpabilisés et vulnérables face à la stratégie des islamistes fondées sur le victimisme culpabilisateur et la terreur psychologique. Au final, il va sans dire que le problème n'est donc pas l'islam vue comme une religion comme les autres dans sa pratique intimiste, mais cette lecture totalitaire et paranoïaque de l'islam qui se développe de plus en plus en Europe et notamment en France et qui fanatise toujours plus de jeunes désoeuvrés et en perte de repères.

L'islam serait kidnappé par les radicaux ?

Oui, bien sûr ! Les musulmans sont les premières victimes de l'islamisme décrit précédemment. Un certain nombre d'Etats riches comme l'Arabie Saoudite ou le Qatar, qui ont des positions clé dans l'islam, développent un islam totalitaire qui depuis une cinquantaine d'années combat l'islam modéré, c'est à dire la lecture privée de la religion, séparée de la vie politique. L’islam mondial est, depuis des décennies, pris d’assaut et kidnappé par l’islam totalitaire des Frères musulmans, du Pakistan et de nos drôles d’alliés du Golfe qui diffusent partout et financent le salafisme/wahhabisme. On pourrait nous rétorquer que ceci n’est qu’un islam minoritaire, et certains observateurs disent même que l’islam des terroristes salafistes est « hérétique » et qu’il n’a « rien à voir avec l’islam ». Mais c’est oublier que cet Islam salafiste wahhabiste n’est pas venu de nulle part : il est venu du « Vatican de l’Islam » qu’est l’Arabie saoudite et continue d’y être distillé très officiellement … L’islam salafiste totalitaire gère les lieux saints de l’islam mondial (La Mecque et Médine), le pélérinage (Hajj), les grandes instances de représentation/lobbies de l’islam mondial comme l’OCI ou la Ligue Islamique mondiale, sans oublier les banques islamiques, etc… Bref, accuser les salafistes jihadistes de l’Etat islamique ou d’Al Qaïda de ne « rien à voir avec l’islam » est tout simplement inexact.

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