L’immigration, chance ou menace pour la France ? 10 choses qu’on oublie un peu vite quand on essaie de répondre à la question<!-- --> | Atlantico.fr
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L'immigration, un phénomène mal connu.
L'immigration, un phénomène mal connu.
©Reuters

Sans tabou, ni peur ni reproche

François Hollande a livré son premier discours sur l’immigration lundi 15 décembre, à l'occasion de l'inauguration du Musée national de l’histoire de l’immigration à Paris. Pas d'effet d'annonce, assure-t-on à l'Elysée, malgré une prise de position pro Schengen. Attention toutefois aux raccourcis et bonnes intentions parfois antagonistes aux réalités géographiques, sociales et économiques.

Olivier Marteau

Olivier Marteau

De formation universitaire franco-britannique, Olivier Marteau a occupé diverses fonctions commerciales (grand compte et direction de filiale) au sein de PME et de sociétés multinationales dans plusieurs pays européens. Il est actuellement consultant export. Olivier Marteau met à disposition des lecteurs le blog http://echoalpha.fr/ qui reprend toutes les sources, articles et documents des quatre parties de son livre, L'étrange défaite de la France dans la mondialisation, paru sur Atlantico éditions

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Jean-Marc Zaninetti

Jean-Marc Zaninetti

Jean-Marc Zaninetti est professeur de géographie à l'Université d'Orléans. Il est l'auteur de "Géographie des peuplements et des populations" (PUF, 2011).

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Alexis Théas

Alexis Théas est haut fonctionnaire. Il s'exprime ici sous un pseudonyme.

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Michèle Tribalat

Michèle Tribalat

Michèle Tribalat est démographe, spécialisée dans le domaine de l'immigration. Elle a notamment écrit Assimilation : la fin du modèle français aux éditions du Toucan (2013). Son dernier ouvrage Immigration, idéologie et souci de la vérité vient d'être publié (éditions de l'Artilleur). Son site : www.micheletribalat.fr

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Guylain Chevrier

Guylain Chevrier

Guylain Chevrier est docteur en histoire, enseignant, formateur et consultant. Ancien membre du groupe de réflexion sur la laïcité auprès du Haut conseil à l’intégration. Dernier ouvrage : Laïcité, émancipation et travail social, L’Harmattan, sous la direction de Guylain Chevrier, juillet 2017, 270 pages.  

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  • De quoi parle-t-on ? Selon la définition adoptée par le Haut Conseil à l'Intégration, un immigré est une personne née étrangère à l'étranger et résidant en France. Les personnes nées françaises à l'étranger et vivant en France ne sont donc pas comptabilisées. À l'inverse, certains immigrés ont pu devenir français, les autres restant étrangers. Les populations étrangère et immigrée ne se confondent pas totalement : un immigré n'est pas nécessairement étranger et réciproquement, certains étrangers sont nés en France (essentiellement des mineurs). La qualité d'immigré est permanente : un individu continue à appartenir à la population immigrée même s'il devient français par acquisition. C'est le pays de naissance, et non la nationalité à la naissance, qui définit l'origine géographique d'un immigré.
  • Combien d'immigrés vivent en France ? 5,5 millions d'immigrés, soit 8,7% de la population française totale. On observe une légère accélération de l'immigration depuis le tournant du siècle, au recensement général de 1999, on ne comptait encore que 4,3 millions d'immigrés, soit 7,4% de la population résidente recensée.
  • Quelles sont les origines géographiques des immigrés ? 37% des immigrés sont originaires d'Europe. Les grandes vagues d'immigration Polonaise, Italienne, Espagnole et même Portuguaise sont largement révolues, mais la libre circulation au sein de l'Union Européenne a favorisé plus récemment l'installation de nombreux ressortissants européens d'origine diverse, dont un nombre substantiel de Britanniques. Cette immigration européenne ne correspond pas aux clichés que l'on colle trop facilement à la figure de l'immigré. 30% des immigrés recensés en France autour du 1er Janvier 2011 sont originaires du Maghreb et 13% viennent d'Afrique Subsaharienne, un apport qui est appelé à se développer au vu de la démographie de cette partie du monde et de l'importance de la communauté Francophone en Afrique. 14% des immigrés viennent de divers pays asiatiques. Outre les pays de l'ancienne Indochine Française (Cambordge, Laos, Vietnam), deux communautés ont fortement renforcé leur présence dans les 15 dernières années, les Turcs et les Chinois.
  • Combien d'immigrants en France chaque année (flux) ? De 2004 à 2012, 200 000 immigrés sont entrés chaque année, en moyenne, sur le territoire français. Compte tenu des décès et des départs, la population immigrée a crû en moyenne de 90 000 personnes par an. Début 2013, elle représente 8,8 % de la population française. De 2004 à 2009, les entrées en France sont restées stables, puis ont augmenté, de 2009 à 2012, en raison essentiellement de l’afflux d’Européens.
  • Combien de descendants (directs) d'immigrés ? Définition, au moins 1 des 2 parents est immigrés, total 6,7 millions en 2008 (estimation Insee basée sur l'Etat Civil), soit 11% de la population totale. C'est l'une des proportions les plus élevées d'Europe, du fait de l'ancienneté de l'immigration en France.

Jean-Marc Zaninetti

1. L'immigration n'est pas répartie de façon homogène sur le territoire : parler en moyenne homogène de sa perception est un non sens, voire une hypocrisie

Jean-Marc Zaninetti :Selon l'INSEE, près de 3,9 millions d'étrangers résident en France au voisinage du 1er janvier 2011. Près de 40% des étrangers résidant en Métropole résident en Ile-de-France. Alors que les étrangers ne représentent en moyenne que 6% de la population résidente en France métropolitaine, cette même proportion s'élève à 21,4% en Seine-St-Denis et 14,8% à Paris.

Hors métropole, la Guyane est le département où la présence des étrangers est la plus visible, 34,9% de la population en 2011. Inversement, les étrnagers ne représentent que 1,2% de la population résidente dans les départements du Cantal et de Vendée.

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Michèle Tribalat : En France, les concentrations ethniques se sont considérablement accrues dans les communes de plus de 10 000 habitants entre 1968 et 2009. Elles ont peu varié en dessous, comme l’indique l’évolution de la proportion de jeunes d’origine étrangère (0-17 ans) suivant la taille des communes.

En 1968, elle allait de 5 % dans les communes de moins de 1000 habitants à moins de 15 % au-dessus de 10 000 habitants, quelle que soit la taille de la commune. Les concentrations ont plus que doublé en 40 ans dans les communes d’au moins 30 000 habitants. Les villes du grand Ouest de la France, autrefois épargnées par l’immigration connaissent maintenant, elles-aussi, des concentrations ethniques importantes. Ainsi, 40 % des jeunes à Blois étaient d’origine étrangère en 2009. Les stratégies résidentielles des autochtones sont différenciées selon leur classe sociale. Les ouvriers maximisent leur environnement social dans les petites communes.

>> Lire également  La France n'a pas besoin d'immigration et
autres enseignements sur l’emploi que révèle l’étude de notre démographie à horizon 2030

C’est tout l’inverse pour les cadre et personnes occupant une profession intellectuelle ou supérieure. Ils ont les moyens de la frontière dans les grandes agglomérations qui manquent aux catégories populaires. Ils donnent des leçons et recommandent la mixité pour les autres. Entre le 6ème arrondissement de Paris et Clichy-sous-Bois, c’est le jour et la nuit. Il ne coûte pas grand-chose aux habitants du 6ème d’être favorable à l’immigration étrangère, à la mixité sociale… car ils sont protégés par les prix de l’immobilier.

Alexis Théa : Ce qui caractérise la situation de l'immigration en France c'est effectivement la concentration des population migrantes ou issues de l'immigration dans les banlieues des grandes métropoles de la région parisienne, lyonnaise, marseillaise, strasbourgeoise. Un rapport de la cour des comptes de novembre 2004 sur l'accueil et l'intégration des étrangers a dénoncé "la concentration d'une part importante des immigrants dans des zones dont les difficultés connaissent un développement quasi exponentiel".

En effet ces quartiers sont souvent frappés de plein fouet par l'exclusion, des taux de chômage qui dépassent les 40%, un échec scolaire considérable, des situations de "non droit". Les populations qui accèdent à la classe moyenne tentent d'en fuir par tous les moyens, cette fuite aggravant les phénomènes de ghettoïsation des plus précaires.

Il est trop facile d'en appeler à l'ouverture des frontières sans tenir compte de la réalité de la ghettoïsation, dont ces populations sont aussi les premières victimes. Le plus grave est de constater que le phénomène ne cesse de s'amplifier avec les nouvelles vagues d'arrivées. Il est impossible de réussir l'intégration de ces populations tant que l'on aura pas réussi à organiser une meilleure répartition des populations sur le territoire français. Lutter contre ces phénomènes est extrêmement couteux, cela passe par les destructions d'immeubles et des solutions de relogement. Cela n'est concevable que si l'on parvient à limiter le flux de entrées de nouveau migrants.

Guylain Chevrier :  L’impact de l’immigration dans les représentations tient aussi compte des médias. Ils créent une vision modélisée de celle-ci, dont la réception se fait à différents degrés selon les milieux, qu’ils soient urbains ou ruraux, connectés ou isolées. Ce qui peut déclencher des réactions très négatives de la part de ceux qui n’ont pas ou peu d’immigrés dans leur population environnante. L’effet de loupe donné par les médias, spécialement audiovisuels, de difficultés de l’immigration alimentées par des images dégradées voire de violences auxquelles on veut donner le caractère de victimisation, se retourne contre l’intention induite au départ, en peur de l’autre. L’exagération et la simplification ont toujours des effets secondaires peu ou pas attendus. Les mêmes médias ont beau jeu de présenter ensuite ces Français comme racistes.

Mais plus encore, d’emblée, les fondements de l’analyse sont comme truqués. La notion même "d’immigration" pour analyser l’impact chiffré du phénomène migratoire, que ce soit sur sa présence territoriale ou dans d’autres domaines, est largement biaisée. "L’immigration", comme notion, recouvre ceux nés étrangers hors de France et vivant sur le territoire national qu’ils aient ou non acquis la nationalité française depuis leur arrivée. Les difficultés d’intégration viennent aussi pour beaucoup, d’enfants nés sur le territoire français de parents étrangers et devenus par là-même naturellement Français, n’entrant dont pas dans les chiffres de l’immigration et donc de l’analyse. Quel angle mort incroyable ! La pression en faveur de cette lecture biaisée se trouve résumée dans la formule, "il faut arrêter de parler de ceux issus de l’immigration", entendue comme une expression raciste, alors que sans avoir recours à une analyse qui en tienne compte, on ne peut être en mesure d’analyser un certain nombre de phénomène sociaux. Exemples : le regain identitaire constaté dans nombre de quartiers où l’immigration et ses descendants sont fortement présents, qui tend à freiner le processus d’intégration ; la prise en compte des discriminations selon l’origine ou la consonance du patronyme d’enfants d’immigrés nés en France et donc Français; la délinquance qui touche aussi les enfants d’immigrés, quitte ainsi à passer à côté de son traitement social et éducatif où l’itinéraire identitaire des individus à aussi son importance.

Les grands médias institutionnels eux-mêmes sont finalement dans une injonction qu’ils ne maîtrisent même plus, tant les idées qui se dégagent du mouvement d’ensemble actuel convergent dans une seule lecture possible, à éluder le principal, la cause systémique à tout cela.

2. La victimisation systématique des immigrés a contribué à les déresponsabiliser dans l'échec d'intégration

Michèle Tribalat : La victimisation est le choix déresponsabilisant par excellence. Il résulte de l’abandon de toute exigence des politiques en matière d’intégration théorisé dans l’éloge de la diversité. La notion même d’intégration a été retournée, comme l’ont montré les rapports successifs commandés par le gouvernement actuel sur la question.

Il faudrait maintenant inclure les populations immigrées et d’origine étrangère telles qu’elles sont. C’est donc à la société d’accueil de s’amender pour accueillir favorablement tous ces modes de vie dépaysants. Les principes d’intégration adoptés à l’échelle européenne définissent un modèle multiculturaliste qui ne se voit d’autre objectif que moral : respect et tolérance.

On reprochait à l’assimilation, longuement pratiquée en France, son asymétrie en faveur de la société d’accueil, le multiculturalisme vers lequel on s’oriente en génère une autre. Il encourage les minorités à cultiver les particularismes et l’entre-soi, sans pouvoir en faire de même avec les autochtones, sous peine de favoriser des discriminations. La préférence pour des autochtones pour eux-mêmes serait socialement désastreuse. Comme l’écrit Paul Collier, "la conjonction de politiques de séparatisme culturel appliquées aux migrants et de lois antidiscriminatoires appliquées à la population autochtone enfreint la règle d’or. Un groupe reçoit un traitement qui ne peut pas être concédé à l’autre." (1)

Immanquablement, les autochtones perçoivent ce traitement différentiel pour ce qu’il est, ce qui favorise leurs revendications identitaires...


(1) Paul Collier., Exodus, Osford University Press, 2013.

Guylain Chevrier : Il y a ce que l’on refuse de voir, comme le reportage de John Paul Lepers1 l’a fait, il y a maintenant quelques semaines sur France 2, présenté comme révélant au grand jour qu’il n’y avait aucun lien entre "immigration et délinquance". Comme si il n’y avait pas de difficultés spécifiques concernant les populations qui ont non seulement à trouver leurs places sociale et professionnelle, mais aussi doivent s’adapter culturellement parfois avec des écarts énormes entre un pays d’origine et la France.

Le journaliste nous disait qu’il n’existait aucun chiffre pour venir contredire le postulat avancé par lui, alors qu’il suffit d’aller sur le site du ministère de l'Intérieur pour en trouver et apprendre que 18,7% des écroués sont étrangers (2) , et sont donc là sur-représentés, puisque selon l’INSEE ils ne représentent que 6% de la population française. En creusant un peu plus, une enquête relayée par la revue Sciences humaines (3) montrent que dans "51 % des cas, le père d’un détenu est né hors de France et plus généralement en Afrique". Le mensonge est énorme et l’énormité est faite pour donner tout son crédit à la chose, culpabilisant au passage ceux qui pensent qu’il peut il y avoir un lien, désignés alors comme racistes puisque cela ne serait de leur part qu’un préjugé s’il n’y en a pas. Les immigrés et leurs descendants sont dans ce jeu totalement déresponsabilisés au lieu de les interpeller, de les solliciter à se mobiliser.

Si ce journalisme idéologique, qui ne doit rien à une démarche d’investigation rigoureuse mais à la propagande, peut choquer, il est surtout suicidaire pour les concernés, car comment intervenir dans des champs sociaux que l’on refuse de correctement diagnostiquer derrière cet écran de fumée ? On joue contre ceux que l’on prétend protéger en nuisant à des prises de conscience salutaires qui doivent s’opérer pour pouvoir intervenir dans le sens de la résolution de certaines difficultés au regard desquelles il faut aussi absolument impliquer les populations concernées et leur donner tout leur rôle, leur place dans l’action sociale et politique, comme acteur de leur condition, de son évolution. C’est le prix d’une émancipation d’une victimisation qui annule la capacité à agir en poussant au repli sur soi-même. Pour aller de l’avant, il faut parler vrai, situer les choses d’égal à égal, que ce soit en droits et libertés, mais aussi en responsabilités.

3. La France attire une immigration de peuplement plus que de travail : le pays se condamne ainsi à accueillir une population qu'il ne peut occuper professionnellement

Jean-Marc Zaninetti :La France a fait le choix de l'immigration familiale au détriment de l'immigration de travail en 1974, lorsque la montée du chômage et la crise pétrolière ont conduit le gouvernement de l'époque à décider de stopper l'immigration de main d'oeuvre et de ne plus maintenir que la politique de regroupement familial comme critère d'entrée sur le territoire.

Ce choix n'a jamais été remis fondamentalement en cause, en dépit des tentatives de Nicolas Sarkozy qui, a lancé sans succès la polémique sur "immigration choisie contre immigration subie". Actuellement, 45% des premiers titres de séjour délivrés le sont pour un motif familial. Pour les pays tiers (hors UE), cette proportion s'élève à 72%. C'est une différence majeure entre la France et d'autres pays comme, par exemple, le Canada qui sélectionne ses candidats à l'immigration en fonction de ses besoins économiques.

Ce choix politique a resserré les liens "impériaux" avec les pays de l'ancienne Afrique Française (Maghreb, Afrique de l'Ouest, Afrique Centrale, Madagascar) et autres pays francophones (Congo ex-belge). C'est sans doute ce qui explique une immigration plus jeune (âge médian de 32 ans contre 40 ans pour l'ensemble de la population française), plus féminine (52% des entrées) et moins éduquée que dans la moyenne européenne, et partant une plus faible participation au marché du travail des immigré(e)s (femmes immigrées taux d'activité de 58% contre 68% pour les femmes nées en France, dans la moyenne de l'OCDE, l'écart n'est que de 2 points 65% contre 67%), et une pauvreté beaucoup plus marquée que dans la population française de souche (37% de pauvres contre 14%).

Ces caractéristiques expliquent en partie la concentration des immigrés et de leurs enfants dans les logements HLM (33% des ménages d'immigrés résident en HLM contre 14% pour le reste de la population).

Ces faits expliquent le sentiment qu'il s'est formé des ghettos dans certaines cités de banlieue, en particulier au Nord et à l'Est de Paris. Cette ségrégation est subie, non choisie, et ne peut en aucun cas être interprétée comme un refus d'intégration.

Pour plus d'information sur les flux d'entrées en France - INSEE

Guylain Chevrier : Il est évident que proportionnellement, la population immigrée et ses descendants directs bénéficient des protections et soutiens du système social français, plusieurs fois plus que ce qu’elle représente dans notre pays et bien au-delà aussi des autres groupes sociaux. Une réalité qui n’a rien d’étonnant si on regarde les situations de départ. Mais justement, on doit s’inquiéter de ne pas pouvoir mieux équilibrer les flux migratoires dans le sens d’une immigration dont la condition de départ ou les compétences faciliteront leur intégration au regard des autres plus démunis. Il en va d’une toute autre politique de coopération avec les pays d’origine, entre soutien au développement et accords sur les migrants, que celle des frontières européennes dont chaque pays a sa conception plus ou moins poreuse à l’immigration. L’Espagne est de ce point de vue une véritable passoire. Des associations humanitaires qui accueillent dans ce pays les clandestins, leurs donnent toutes les indications nécessaires pour venir en France et ce qu’ils vont y trouver, jusque parfois le billet de train pour la capitale. Le gouvernement Français serait-il ignorant de ce fait relativement à un cadre européen censé réguler les flux migratoires ? Une vaste plaisanterie ! On y indique que la France est très favorable par exemple aux mineurs isolés étrangers, souvent majeurs, mais qui savent les failles de la France dans ce domaine, pour se faire prendre en charge dès leur arrivée comme mineur par l’Aide sociale à l’enfance. Un système qui explose depuis la circulaire Taubira de mai 2013 réorganisant le dispositif de tri et de prise en charge qui, par ses facilitations, a créé un énorme appel d’air. Personne ne peut en chiffrer le multiplicateur, qui est en train de fragiliser toute la protection de l’enfance avec une explosion de son coût financier et un détournement du travail social au service d’une immigration économique déguisée qui lui fait perdre tout son sens. La prise en charge d’un mineur placé par l’Aide sociale à l’enfance est de 180 à 300 euros par jour, sans compter avec les salaires dédiés des institutions de suivi et de tutelle ainsi que leurs budgets de fonctionnement.

Autre problème, le nombre de bénéficiaires de l’Aide médicale d’Etat, 264.000, personnes qui se trouvent sur le territoire français depuis plus de trois mois et ne cotisent pas à la sécurité sociale mais grâce à ce système en bénéficient, et donc ne travaillent pas. Un chiffre qui reflète le degré d’inemployabilité des clandestins. Il y a aussi les anciens demandeurs d’asile qui ont été déboutés après avoir bénéficié d’une allocation versée par l’Etat d’au moins trois cent quarante euros par mois, parfois pendant deux ans dans l’attente du traitement de leur dossier. La France, terre d’accueil, devient une sorte d’usine à gaz qui ne sait plus où donner de la tête qui atteint ses limites économiques du point de vue des aides, et entre dans une zone qui pourrait devenir explosive socialement et politiquement. Il faudra sans doute faire des choix et corriger les excès, à moins que l’on cherche du côté de la classe politique, à tirer son épingle du jeu derrière cet état de fait et son aiguisement.

4. Les talents que la France a perdu du fait des discriminations à l'égard de l'immigration

Jean-Marc Zaninetti :La France n'attire guère les "talents" d'informaticiens Indiens contrairement au Royaume Uni, c'est un fait. Mais c'est plus la barrière de la langue que les discriminations qui comptent, car l'Allemagne qui cherche à attirer ces mêmes "talents" n'y réussit pas non plus.Le bénéfice économique réel de l'immigration est une notion discutable, il faut la placer dans une perspective de long terme.

Compte-tenu de sa longue histoire d'immigration, la France tire un avantage substantiel de cet apport équivalent à presque 1/4 de sa population totale sur 3 générations. Imaginez une France de 48 millions d'habitants au lieu de 65 millions s'il n'y avait eu aucune immigration au 20e siècle ! La population immigrée est aussi sensiblement plus jeune que la population française de souche, ce qui se traduit aussi par une contribution significative à la fécondité. Depuis 2007, 23% des enfants nés en France (hors Mayotte) ont au moins un de leurs deux parents qui est né en-dehors de l'Union Européenne. Sur la période 1998-2012, cela représente un apport de plus de 2,5 millions de naissances.

>>Lire également : Qui sont les immigrés les plus victimes de discrimination à l’embauche ?
Le classement pays par pays selon l’OCDE

Le véritable enjeu de l'immigration est donc celui de la formation et de la qualification de cette population, condition sine qua non de son adhésion aux valeurs et au modèle de la République et de la laïcité. Le bénéfice économique en sera d'autant plus grand à long terme que le niveau de qualification des populations issues de l'immigration s'élève.

Par ailleurs, les fortes circulations migratoires entre la France et son ancien empire africain contribuent à ancrer ces pays dans la Francophonie, à relayer l'influence de la France et à favoriser le développement d'un commerce multiforme. Il convient de ne pas négliger l'importance économique de l'Afrique en dépit de la pauvreté qui y sévit encore, car l'Afrique est le continent de l'avenir, alors que la Chine et l'Asie entière vieillissent très vite.

Guylain Chevrier : Les discriminations peuvent décourager parfois les candidats à l’intégration sociale et professionnelle en France, c’est un fait, et inciter à faire partir ceux que l’on a formés, y compris pour aller dans d’autres pays où les controverses dans ce domaine sont moins criantes. Mais pour bien lutter contre ces discriminations, il faudrait commencer par ne plus dénier les enjeux voire les problèmes qui accompagnent toujours l’intégration de populations étrangères qui touchent de façon transversale tous les secteurs : emplois, logement, santé, éducation… On n’a pas le droit à l’erreur dans ce domaine, et l’image de victimisation exagérée à l’extrême que l’on donne généralement de l’immigration et de ses descendants, d’exclusion sociale et de ségrégation, mise en quarantaine dans des banlieues déshéritées et sinistrées, est pour le moins dévalorisante et ne donne pas envie de s’y identifier pour rester.

L’immigration existe véritablement comme phénomène de société depuis la fin du XIXe siècle en France. Il n’est donc pas d’hier et est un phénomène resté depuis nécessaire à condition toutefois d’être un minimum contrôlé. Cela va de soi, si l’Etat veut pouvoir jouer son rôle régulateur relativement à une unité de la nation amenée à prendre en compte un certain degré de mélange, dans le cadre d’un maintien de la cohésion sociale. Il y a tout un monde de représentations à changer qui passe par une toute autre politique de l’immigration de haute teneure, qui considère l’immigration comme positive parce que le fait d’une politique maitrisée et encadrée, selon des accords internationaux concernant les pays de départ, qui aura bien du mal a existé dans le cadre européen aux milles intérêts divergents dans ce domaine et qui y fait obstacle. Il faut garantir aux Français leur capacité à exercer leur souveraineté et cela passe par le sentiment que les frontières de leur pays ont un sens.

5. Les nombreux biais dans le calcul des bénéfices économiques de l'immigration

Atlantico (d'après Acrithène) : Sur un plan purement financier, la question de savoir si l'immigration coûte au contribuable ou permet en fait de dégager un excédent budgétaire n'a pas fini de diviser. Le premier problème est celui des critères retenus pour les calculs, les partisans de l'immigration ayant tendance a faire le solde des cotisations qu'ils versent en rapport des prestations qu'ils reçoivent. La population immigrée étant de fait assez jeune, il est ainsi facile de "démontrer" que l'immigration rapporte, puisque ces derniers ne sollicitent que très peu de cotisations retraites.

Par cette stratégie, Xavier Chojnicki (chercheur à Lille 2) trouve que les cotisations nettes des prestations d’un immigré étaient de 2 250€ en moyenne (2011). Pourtant, une fois l’ensemble du cycle de vie pris en compte, le même auteur aboutit à une perte de 8 700€ par immigré. Seul le raisonnement intégrant l’ensemble du cycle de vie est économiquement valide, mais le raisonnement en comptabilité instantanée a au moins le mérite d’apporter une nuance utile.

>> Lire également Aucun lien entre immigration et délinquance ? Une France peu généreuse avec ses immigrés ?
Radiographie de quelques clichés “bien pensants” à la peau dure

Cependant, même en adoptant la démarche de la comptabilité instantanée, l’OCDE conclut quant à elle que l’immigration représente déjà un coût pour la France. D'après l'institut les ménages immigrés auraient déjà en France une contribution fiscale nette négative de 1 450€. La question centrale reste celle de du décalage temporel, car si la France est déjà dans le rouge selon l’OCDE, c’est à cause de l’ancienneté moyenne de son immigration. D’après les chiffres de l’'institut, si elle avait accueilli davantage d’immigrés sa situation budgétaire de long terme serait davantage dégradée, mais sa situation budgétaire présente serait peut-être meilleure, car l’immigré moyen serait plus jeune.

Pour résumer, tout est une question de la logique que l'on adopte : lorsqu’un immigré entre en France pour travailler, il vient partager avec les natifs le poids du système social et de la dette, et donc réduit les cotisations et taxes. Donc  le coût du travail et encourage l’emploi.  Si on s’en tient à la logique économique (qui est réductrice), il faudrait accueillir le plus possible de ces gens.Inversement, un immigré entrant en France et présentant un coût net pour le système social crée du chômage, car ce coût se répercute sur l’imposition de l’activité économique et en particulier le coût du travail. Il vaudrait mieux pour la collectivité des natifs que ces gens restent chez eux.

Dans ce système absurde, il faudrait s’inquiéter au moins autant de l’émigration des plus créatifs et productifs d’entre nous qui, ayant une contribution sociale nette excessivement positive, choisissent de s’expulser eux-mêmes.

6. L'Etat, principal bénéficaire d'une immigration qui a conduit à créer ou entretenir des emplois qui n'ont pas de rationnalité économique

Olivier Marteau : L'état et ses agents économiques, fonctionnaires et entreprises publiques et para-publiques sont les seules réelles bénéficiaires de l'immigration. La raison tient à la nature de l'immigration organisée par l'état français depuis 1974, à savoir familiale et non professionnelle. Si les entreprises privées ont pu bénéficier initialement d'une demande intérieure accrue, elles voient depuis leur profitabilité se réduire fortement pour payer le coût d'une immigration économiquement irresponsable. En effet, les coûts associés à la venue de 100 à 200 000 immigrés annuels depuis 40 ans a été largement assumé et masqué par le recours à la dette publique. Arrivé à 100% d'endettement et à 30% de déficit public annuel, l'Etat français est aujourd'hui contraint de faire payer aux entreprises privées comme aux particuliers le vrai coût de sa gabegie idéologique.

Aussi, dans les faits l'augmentation massive d'une population immigrée issue d'une culture exogène (Afrique noire, Maghreb) à celle de la France mais surtout à celle de l'économie de marché a créé une forte demande en services publics: école, infrastructures, logement, justice, police. Cet afflux de populations pauvres peu intégrées économiquement a donc servi les intérêts de la haute fonction publique qui y voyait le rôle de l'état renforcé et donc sa légitimité accrue alors même que les économies compétitives de l'OCDE appliquaient elles des réformes libérales visant à réduire au contraire l'intervention étatique.

>> Lire également : Immigration et intégration : qui sont les véritables gagnants
et perdants du système français (et ceux qui instrumentalisent le sujet) ?

Au final, le rôle assigné aux immigrés par l'élite politique et administrative au pouvoir a consisté d'abord à augmenter continuellement l'offre nécessaire en services publics et non à s'intégrer. Ce phénomène a bénéficié à deux catégories d'agents économiques imperméables au changement de paradigme imposé par la mondialisation de l'économie : les fonctionnaires et les entreprises publiques et para-publiques en situation de monopole/oligopole dans les secteurs du BTP, de l'énergie, des telecoms, des utilities, ou dans des secteurs protégés comme l'automobile, la banque ou la défense.

Concrètement, l'immigration de peuplement a enrichi la fonction publique d'état, territoriale et hospitalière ainsi que Vinci, Bouygues, Veolia, Suez, Edf, France Telecom, Vivendi, BNPP, Dassault, PSA, Renault. Ces sociétés sont aujourd'hui clairement dépendantes de leur rente de situation obtenue sur le marché intérieur hexagonal puisqu'elles ont assis leurs revenus sur le recyclage de la dette publique et des impôts. En conséquence, leur puissance intérieure est inversement proportionnelle à leur accès aux marchés compétitifs extérieurs où elles sont dominées par des acteurs américains, chinois, coréens, allemands, suédois, japonais, suisses, beaucoup plus compétitifs. Inversement, L'Oréal, Accor, LVMH, Schneider, Pernod-Ricard, Technip ont assis elles leur développement sur la conquête de marchés hautement compétitifs mais aussi hautement rémunérateurs.

Aussi, alors que le CAC40 para-public continue à vivre artificiellement au dessus de ses moyens, le CAC40 mondialisé s'interroge sur la pertinence de maintenir en France sa base fiscale puisque l'essentiel de ses revenus est tiré des autres marchés. Parallèlement, alors qu'effectifs et rémunérations de la fonction publique sont toujours autant déconnectés de la productivité attendue dans une société moderne, les salariés du privé sont eux pressés fiscalement et s'interrogent sur la légitimité à entretenir un système dont ils anticipent l'échec.

En conclustion, l'étatisation-socialisation du pays orchestrée par la classe politique au pouvoir depuis 40 ans a déconnecté la France de la réalité à tel point qu'elle est devenue le véritable homme malade de l'Europe. Plus grave, la bulle du marché intérieur artificiellement créée par l'immigration de peuplement, a autant distordu la  société civile que l'économie française. Aussi, la chute du modèle socialiste français multiculturel et multiracial pourrait se faire de manière beaucoup moins pacifique et plus violente que celle des Pays de l'Est en 1989.

7. L'hypocrisie des secteurs économiques qui tirent profit de l'immigation irrégulière

Guylain Chevrier : Des filières criminelles organisent le trafic des clandestins sur lequel elles s’enrichissent. Elles concernaient 70% d’entre eux déjà en 2002 selon "Home Office" Britannique. Les clandestins débordent le contrôle des flux migratoires pour ensuite se retrouver mis au travail au noir par des patrons qui les utilisent sans scrupule sur notre territoire, avec certains secteurs de prédestination relayés par des agences d’intérim. Les syndicats passant par là, qui font leur travail, mobilisent régulièrement ces travailleurs clandestins pour exiger qu’ils soient déclarés par leur patron, avec une chance de régularisation à la clé selon des tractations organisées avec les préfets. C’est en ce moment même ce qui se passe selon un scénario presque réglé comme du papier à musique. Rien n’est fait pour s’attaquer réellement à ces filières, en reflet des consignes données aux préfets qui peuvent régulariser de nombreux clandestins au cas par cas, selon des situations listées qui ont été produites par le ministère de l’Intérieur du gouvernement actuel. Il y a comme un consensus entre ces différentes parties en quelque sorte, par agencement de circonstances, où chacun y trouve son rôle et à sa place, son intérêt. Mais aucun travail n’est fait sur la réalité des conséquences de cette immigration clandestine où on se contente de chercher à savoir, dans le meilleur des cas, si elle coûte plus qu’elle ne crée de richesses.

Une immigration à dominante maghrébine et africaine, l’immigration chinoise étant loin derrière avec celle de l‘Est de l’Europe.Si cette réalité pose des problèmes humains, la question migratoire ne saurait être ramenée à une question économique et encore moins uniquement humanitaire car dans ce cas, il n’y a plus de règle que celle de l’accueil sans condition. L’immigration relève pourtant bien d’une grande politique de l’Etat, qui a ses responsabilités, y compris au regard de notre cohésion sociale dont dépend le maintien d’un certain nombre d’aspects du cadre général qui compte pour tous, Français ou étrangers. D’un côté, on trouve des clandestins qui passent pour l’essentiel à travers les mailles du filet sans avoir aucune exigences d’intégration, pendant que d’autres, qui eux arrivent légalement, ont à s’astreindre au Contrat d’accueil et d’intégration qui exige un niveau minimum en français avec un volume d’heures dédié à son enseignement, l’appréhension obligatoire des valeurs de notre République… Le seul Contrat d’accueil et d’intégration suffit à lui-même à souligner combien le développement d’une immigration clandestine de plus en plus importante devrait être prise autrement au sérieux en termes de conséquences sociales et culturelles, d’intégration et de cohésion sociale, à moins de ne pas craindre des explosions sociales inévitablement au rendez-vous de cet aveuglement.

8. Perturbation de la gestion des flux migratoires par les juges des libertés

Alexis Théa : La maîtrise de l'immigration suppose que l'on parvienne à faire respecter les règles sur l'entrée et le séjour, donc à faciliter l'installation et l'intégration des personnes qui sont autorisées à résider en France mais aussi à raccompagner dans leur pays les migrants en situation irrégulière. Or, l'Etat se montre, depuis toujours dans l'incapacité de faire respecter les lois sur l'immigration illégale.

Ainsi, on ne parvient à appliquer qu'une seule mesure d'éloignement sur quatre décidées par les préfets. Pourquoi ? Les causes sont multiples: une partie des migrants illégaux sont introuvables. Les consulats des pays d'origine refusent dans 60% des cas de délivrer des laissez-passer consulaires sans lesquels il est impossible de reconduire une personne dans son pays.

En outre, les juges des libertés se montrent souvent réticents à prolonger au-delà de 5 jours la durée pendant laquelle les préfets peuvent garder un étranger en rétention afin de le renvoyer dans son pays. Cette impuissance n'est pas propre à la France mais se retrouve dans tous les pays européens et aux Etats-Unis. La lutte contre l'immigration illégale est d'autant plus efficace qu'elle se déroule en amont, avant l'arrivée sur le territoire, par exemple grâce à la coopération des polices dans les aéroports d'embarquement pour détecter les passeports et visas frauduleux. Ce type de mesures est la seule jusqu'à présent qui ait fait la preuve de son efficacité.

9. Refus des statistiques, dont ethniques : les vrais problèmes sont occultés, les mauvaises solutions sont apportées

Jean-Marc Zaninetti : C'est un regret réel. L'absence des statistiques de la diversité comme il convient de les appeler résulte du traumatisme historique du régime de Vichy. Essentialiser les identités sur la base de la naissance rappelle trop douloureusement la politique raciale et la complicité de la France dans l'entreprise nazie d'extermination des juifs en Europe. Conséquence, c'est un tabou que l'on ne saurait lever facilement.

Par ailleurs, la France entretient également deux mythes jumeaux républicains qui lui sont chers. Celui de l'assimilation des immigrants, c'est à dire de leur acculturation complète qui doit les conduire à adopter intégralement l'individualisme des Français et à rejeter la religion et les traditions qu'elle impose, comme nous l'avons fait nous même au terme d'un combat douloureux entre 1789 et 1944. Les populations originaires du continent africain ne partagent pas cette histoire de lutte anti-religieuse ni la culpabilité historique de l'antisémitisme. Ne serait-il pas temps de tourner la page d'une histoire trop lourde et de considérer les statistiques de la diversité, notamment sur les minorités visibles, la diversité confessionnelle et les origines comme un levier de lutte contre les discriminations ?

C'est en tout cas l'approche nord-américaine et singulièrement canadienne dont la France pourrait éventuellement s'inspirer. Il ne suffit pas de proclamer l'égalité de chacun, il faut encore promouvoir l'égalité réelle, et on ne peut pas le faire sans objectiver les discriminations par des statistiques appropriées. Les américains l'ont compris depuis près de 1/2 siècle, nous pourrions nous en inspirer. Le refus français des statistiques de la diversité s'apparente de plus en plus à une politique de l'autruche qui en dit long sur un pays paralysé qui est incapable de se mettre à l'heure de la mondialisation.

>> Lire également : Régularisation massive d’immigrés clandestins : pourquoi les Etats-Unis peuvent se permettre ce que l’Europe ne peut pas

Michèle Tribalat : La collecte de données ethniques, au sens de la filiation (immigrés, enfants d’immigré(s)) a fini par entrer dans les moeurs statistiques françaises, avec la systématisation du recueil d’informations sur le pays et la nationalité de naissance des parents dans les grandes enquêtes de l’Insee.

Un rapport du Sénat recommande que cette collecte s’étende aux enquêtes annuelles de recensement. Ce serait une bonne chose, notamment pour mieux évaluer les concentrations locales. Accroître la connaissance, c’est toujours bien. Mais cela ne peut se substituer aux décisions et orientations politiques.

L’orientation vers un modèle multiculturaliste, qui est la nôtre aujourd’hui, décide de l’usage dominant des statistiques – mettre en évidence racisme et discriminations – car le multiculturalisme renvoie sur la société d’accueil toutes les causes des inégalités qui subsistent. Les cultures des minorités existent puisqu’il faut les reconnaître et, à la fois, elles n’existent pas car rien dans les systèmes culturels des immigrants n’est censé avoir d’impact. On l’a vu avec la réception du livre d’Hugues Lagrange sur le déni des cultures qui, à elle seule, justifiait rétrospectivement le titre de l’ouvrage.

Alexis Théa : Il me semble évident que la question de l'immigration ne comporte pas de solution miracle mais doit être traitée de manière pragmatique. L'essentiel se joue toujours dans les pays d'origine.

Il faut combattre de manière impitoyable les filières criminelles qui prospèrent sur la misère et organisent un véritable trafic d'esclavagisme. Les véritables solutions de fond passent toutefois par le développement économique et social des pays d'origine de manière à permettre à leur jeunesse, victime de taux de chômage gigantesque, parfois 60%, de trouver des raisons d'espérer autres que dans la seule migration.

C'est pourquoi l'aide au développement, à la création d'emplois locaux, la coopération en matière d'infrastructures économiques, de santé, d'éducations sont des leviers absolument vitaux pour permettre de mieux contenir les flux migratoires.

L'immigration est aussi le résultat du non respect des pays industrialisés de leurs engagements pris dans les années 1970 à consacrer 0,7% de leur PIB au développement des pays les plus démunis. C'est ue réalité que l'on a rop tendance à négliger, mais rien de solide ne pourra se faire dans ce domaine sans une prise de conscience à cet égard.

Guylain Chevrier : Il est un fait que la diversité de l’immigration ne peut conduire à une politique indifférenciée si elle veut être pleinement responsable et se doter des moyens d’aboutir à certains buts communs. Nul besoin d’en passer par les statistiques ethniques, il suffit d’inscrire les parcours d’intégration dans un processus lisible et exigeant qui ne lâche pas sur les valeurs communes et le contrat social à teneur républicaine.

La Feuille de route sur l’immigration voulue par le Monsieur Ayrault lorsqu’il était Premier ministre, prévoyait une refonte de l’intégration qui rompait avec l’égalité de traitement de tous, pour entrer dans une logique de discrimination positive incluant les communautés ethnico-identitaires comme relais de l’intégration sociale. On sait que derrière la logique des communautés peut disparaitre la liberté de choix des individus, auxquels se substituent des représentants qui négocient le poids social et politique de celles-ci, selon une logique concurrentielle entre groupes identitaires rivaux. On a à ce moment donné un très mauvais signe aux étrangers vivant en France et à ceux issus de l’immigration à travers ce dévoilement par l’Etat d’une volonté de rupture avec notre modèle républicain les concernant. Plus loin, c’était aussi la rupture avec une certaine idée de la liberté qui n’était soudain plus la même que l’on soit Français ou non, qui a fragilisé et troublé encore un peu plus la perception de "l’intégration à la française", même si cette Feuille de route a été, sous la pression, retirée.

Par cette immigration facilitée, n’alimente-t-on pas volontairement une société de plus en plus composite, divisée, qui pousse dans le sens de l’affaiblissement de l’idée de nation, alors que la construction politique à tendance fédérale de l’Union européenne actuelle, passe par le retrait de l’intervention régulatrice des Etats dans les affaires du marché ?

La polarisation idéologique vendue par les médias, entre des espaces urbains occupés par les classes moyennes pointées du doigt comme les riches, par opposition avec les autres, dont ceux des ghettos constitués d’immigrées et de leurs enfants supposés emblématiques de la condition du pauvre, tend à déconstruire toute référence à une nation commune (4). On entend aussi justifier toute idée de penser la société en classes, les mouvements sociaux étant subsumés par cette lecture morale de la société qui fait de la lutte contre les discriminations le seul schéma acceptable. Les autres enjeux voulant prendre le pas sur ce schéma risquant l’accusation infamante de racisme, ainsi soumis à cette vision hiérarchisée d’un monde où l’icône de l’immigré a pris le pas idéologique sur toute autre analyse susceptible de remettre en cause le système.

L’urgence humanitaire, telle qu’elle est théâtralisée par les médias et une large frange du monde politique, relève de la main tendue à celui qui se noie, dans un sens littéral, faisant passer toutes les autres urgences pour ringardes. On le voit dans cette façon de mettre en scène les morts des embarcations de fortune hyper-médiatisées où s’entassent une partie des candidats à l’exil, dues à un trafic directement motivé par une attraction des pays développés qui, si elle tient de l’illusion d’un eldorado, tient aussi et pour beaucoup de ce discours victimaire qui passe la méditerranée pour devenir un véritable passeport moral à l’encouragement au départ de centaines de milliers d’individus. Une idéologie dominante qui souffle ainsi dans le sens d’une invitation à venir, perdant tous sens critique de ce qui se fait là. Cela est vrai, que ce soit en termes de trafic humain passant inaperçu ou des conséquences sociopolitiques des migrations faisant le lit des extrémismes et du nationalisme qui trouvent de façon rêvé, dans ce contexte, tous les arguments propres à un développement dont on ne voit pas le bout autant que les risques. L’immigré bouc-émissaire de tous les maux est offert sur un plateau.

10. La justice administrative face aux immigrés ou problématiques connexes (laïcité, allocation vieillesse, etc.) : une politique du deux poids, deux mesures...

Guylain Chevrier : Si, lorsque l’on évoque le lien possible entre immigration et délinquance, on est immédiatement taxé de racisme, il en va aussi de même du lien entre immigration et laïcité. Osez dire que les deux sont liés serait déjà de la stigmatisation, parce que ce serait dire que l’immigration pose problème à la France, comme s’il était spontané de s’adapter à une société française souvent très éloignée des sociétés de départ où la démocratie n’est parfois qu’un mot, lorsque la dictature ne domine pas, et la religion indissociable de l’Etat. Sans compter même parfois avec des migrants venus d’ex-colonies françaises, qui viennent avec un passif et une histoire arrêtée à une vision transmise où la France a été enseignée comme l’ennemi, avec des préjugés qui sont loin de n’appartenir qu’à ceux de la population d’accueil, avec même parfois des comptes à régler. C’est ce qui se révèle lors des matchs de foot de l’Algérie par exemple, avec des débordements de supporters qui, drapeau de leur pays d’origine en exergue s’attaquent à des bâtiments publics, à des boutiques, brûlent des voitures jusqu’à des drapeaux français.

La laïcité n’advient pas sans éducation et parfois, l’on part de très loin. C’est encore plus vrai lorsque sous prétexte de difficultés sociales liées à une économie de sous-emploie, on rabat celles-ci sur l’idée de discriminations massives qui seraient le fait de la France et des Français pour se conforter dans des mises à part, un rejet de tout mélange au-delà de la communauté de croyance, pouvant conduire au rejet de la société d’accueil et de l’intégration.

Evidemment, la laïcité comme principe républicain, séparation de l’Etat des religions, qu’aucun pays musulman par exemple ne connait, n’est pas rien à partager. Mettre au-dessus de la foi le bien commun, l’intérêt général, la politique, la démocratie, les libertés et droits individuels, l’égalité hommes-femmes, cela s’apprend et peut-être un long chemin. Ceux qui crient systématiquement à la stigmatisation sont les pires ennemis de ceux qui vivent en France venus d’ailleurs et veulent trouver toute leur place parmi les autres, sans que personne ne leur demande d’oublier une culture ou une croyance, mais d’adopter les principes qui nous permettent de vivre ensemble pour ne faire qu’un seul peuple, car aucune société ne peut être qu’une simple addition de différences. Il en est de la possibilité de se sentir tous appartenir à une même communauté de destin et d’agir ensemble dans le sens des mêmes progrès humains.

1-INFRAROUGE : IMMIGRATION ET DELINQUANCE L’ENQUETE QUI DERANGE SUR FRANCE 2, Une enquête menée par JohnPaulLepers, Programme écrit par Christophe Nick et Gilles Cayatte. Diffusion le mardi 25 novembre sur France 2.

 2-Ministère de l’intérieur : (http://www.justice.gouv.fr/art_pix/juillet_publication_ppsmj_1980_2012.pdf)

3-Sciences Humaines -Les Grands Dossiers n°18 France 2010, les grands défis, Mars-avril-mai 2010. Cité par Philippe Combessie, In Martine Herzog-Evans (dir.) La prison dans la ville, Erès, 2009.

4-Christophe GUILLUY, Fractures françaises, Champs essais, 2010

Propos recueillis par Franck Michel / sur Twitter

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