Nissim Zvili, l’ancien ambassadeur d’Israël qui voterait la résolution sur la reconnaissance d’un État Palestinien<!-- --> | Atlantico.fr
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Nissim Zvili.
Nissim Zvili.
©Reuters

Diplomatie

En France, l'Assemblée nationale doit se prononcer le 2 décembre sur une proposition de résolution socialiste portant sur la reconnaissance de l'Etat palestinien. Jeudi 27 novembre, c'est l'Union européenne qui se penchait sur la même question.

Nissim Zvili

Nissim Zvili

Ancien Ambassadeur d'Israel à Paris de 2002 à 2005.

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Atlantico : En France, l'Assemblée nationale doit se prononcer le 2 décembre  sur une proposition de résolution socialiste portant sur la reconnaissance de l'Etat palestinien. Si cette résolution est adoptée par le parlement français, il ne s'agira que d'une reconnaissance symbolique car c'est le gouvernement et non le parlement qui décide de la reconnaissance formelle d'un Etat. Qu'est-ce que peut apporter une telle reconnaissance symbolique de la  part de l'Assemblée nationale ?

Nissim Zvili : On essaie de minimiser les rôles des symboles dans l'histoire du monde. Or les symboles ont énormément d'influence sur la réalité. L'Etat d'Israël, tout comme l'Etat Palestinien, étaient eux aussi, à un moment donné dans l'histoire, des symboles.   

Pour moi, si chaque parlement, qu'il soit européen, américain, asiatique, ou africain, reconnait le droit du peuple palestinien, cela permettra d'exercer une pression supplémentaire sur la communauté internationale afin qu'elle soit plus active dans ce conflit.

Vaudrait-il mieux, comme le suggèrent certains parlementaires d'opposition, attendre qu'un accord de paix ait été trouvé avant de reconnaître officiellement l'Etat palestinien ?

Nous attendons que la situation s'améliore depuis la guerre des six jours en 1967. Cela veut dire que durant ces 47 dernières années, les palestiniens vivent sous occupation israélienne et l'Etat d'Israël, qui est pourtant un état démocratique, occupe et domine un autre peuple.  J'interroge donc les parlementaires qui refusent ce vote au parlement français : combien de temps devront nous encore attendre avant que la situation ne s'améliore ?

Lorsque j'étais ambassadeur d'Israël en France, j'étais contre une intervention internationale active qui forcerait les deux pays à arriver à un accord. Mais aujourd'hui, je me rends compte un peu tardivement, que c'est la seule solution, surtout lorsque je constate que les états d'esprit des peuples et des dirigeants des deux camps se radicalisent.

Plus largement, quels effets la reconnaissance officiel de l'Etat palestinien par la communauté internationale pourrait-elle avoir sur le processus de paix ? 

Depuis la guerre des six jours, nous avons tout essayé : L'ONU reconnaissant le droit du peuple palestinien à avoir un état indépendant le 18 décembre 1988 ; les accords d'Oslo en 1993 et beaucoup d'autres accords entre la Palestine, Israël et la communauté internationale. Malgré ces efforts, on se rend compte que nous sommes en train de patauger depuis plus d'une décennie dans une situation qui n'évolue guère.

Tout le monde commence à s'habituer à l'idée de la séparation d'un état palestinien aux côtés de l'état d'Israël. Mais ce qui se passe sur le terrain est beaucoup plus inquiétant : si rien ne bouge nous nous dirigeons vers un état israélien binational, dans lequel les arabes seront majoritaires d'ici une à deux générations et le peuple juif minoritaire. D'autant plus que les arabes ont une influence de plus en plus importante dans le monde.

Nous risquons d'être face à un état israélien qu'on ne pourra plus appeler la patrie du peuple juif.  Lorsque les juifs seront minoritaires sur leur territoire, les palestiniens ne demanderont plus l'indépendance mais la démocratie et le droit de vote. Les israéliens finiront par vivre dans un Etat dans lequel il y aura un premier ministre palestinien.  Or, ils n'ont aucun intérêt à vivre dans un pays binational et le rêve sioniste n'était pas de dominer un autre peuple.

Une tendance se dessine dans la politique d'Israël : c'est de déclarer que le gouvernement n'a aucun interlocuteur palestinien fiable avec lequel discuter. A force de répéter ce discours, on s'enlise dans une situation dont personne ne sait comment en sortir. Les partis politiques des deux pays ne veulent pas ou ne savent pas comment faire. Et si la communauté internationale n'agit pas alors se retrouvera dans exactement la même situation dans cinquante ans.

Aujourd'hui, la communauté internationale comprend que si elle souhaite jouer un rôle quelconque dans le monde et le conduire vers un avenir meilleur, elle doit essayer d'identifier les problèmes clefs de ce conflit et les résoudre.  Elle comprend que jusqu'à présent son silence et son indifférence n'ont mené nulle part. Pourtant, la communauté européenne verse des milliards d'euros par an à la Palestine sans que cela ne change les lignes. La communauté internationale quant à elle pourrait également encourager Israël à respecter les décisions de la communauté internationale puisqu'elle-même en fait partie, sinon à se débrouiller seule.

Sans utiliser le boycott économique ou scientifique, les pays démocratiques ont une certaine capacité à résoudre les conflits. Ils doivent essayer de convaincre l'opinion publique en Israël ainsi que ses gouvernements démocratiquement élus car  nous constatons une radicalisation constante de l'opinion publique, avec une montée des mouvements anti-arabe ou anti-Palestine.

L'Etat de Palestine a le statut d'observateur à l'ONU depuis 2012. En Europe, de nombreux pays, récemment la Suède, ont reconnu l'état Palestinien. Mais force est de constater que malgré la reconnaissance de la communauté internationale et ses mises en garde, de nombreux conflits ont explosé entre Israël et la Palestine. Dernier  en date : ceux des mois de juillet et d'août 2014. Pourquoi les résolutions proposées par la communauté internationale pour assainir les relations israélo-palestiniennes ont jusqu'à maintenant échoué ?

Il existe une différence entre une décision de principe et son application. Par exemple, à la différence du Conseil de Sécurité de l'ONU, l'Assemblée générale possède un vote uniquement déclaratif.

Jusqu'à présent, et pendant plus de vingt ans, les Etats-Unis ont mis un veto clair et systématique sur toutes les résolutions de l'ONU. Ils ont soutenu presque inconditionnellement les positions de l'Etat d'Israël.  Toutes les résolutions qui pouvaient exercer une pression quelconque sur l'autorité israélienne et palestinienne pour avancer vers une solution politique n'ont pas été acceptées à cause de différents vétos qu'ils soient américains, russes ou parfois européens.  Donc jusqu'à présent, la communauté internationale n'a pas joué un rôle très actif dans les relations israélo-palestiniennes.

Le rôle de la diplomatie est de remplacer la violence. Mais imposer une solution sans négociation c'est vouer à l'échec. Il faut pourtant reconnaître l'Etat palestinien pour éviter une séparation entre les deux peuples et permettre de diminuer la violence dans le Moyen-Orient.

Pour l'actuel premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, si cette résolution est adoptée par le parlement français se serait "une grave erreur". Une fois adoptée, quel impact aura cette résolution sur les relations entre Israël et la France ?

Il est très difficile de le dire maintenant car il s'agit d'un vote symbolique au parlement, on ne connaît pas encore la décision finale du gouvernement français. Durant ces derniers mois, il y a déjà eu des tensions dans les relations diplomatiques entre le gouvernement socialiste et Israël. Le dialogue s'est un peu détérioré.

Je ne suis pas sûr qu'il y ait un impact immédiat dans les relations entre les deux pays mais je crois que le gouvernement israélien doit d'avantage s'inquiéter des courants anti-israéliens qui existent dans toute l'Europe. Il ne doit pas sous-estimer sur le plan politique ce qui se passe en Europe, car on risque de se réveiller du jour au lendemain dans une situation beaucoup plus délicate.

Cette résolution a été proposée par les parlementaires socialiste, les députés UMP devraient en grande majorité voter contre, sinon s'abstenir. Qu'est-ce que cette situation dit selon vous de la vie politique française ?

Les socialistes font une erreur en proposant une résolution trop extrême. C’est-à-dire qui ne sera adoptée par l'ensemble de la gauche mais qu'une partie des parlementaires de la droite et du centre. J'aurais souhaité qu'ils discutent avec l'ensemble des parlementaires des différents partis politiques pour qu'ils arrivent à une motion commune, car je préfère une décision modérée de l'Assemblée nationale et acceptée presque unanimement, plutôt qu'une décision plus extrême ou radicale qui ne représente pas toute la représentation nationale.

Prenons l'exemple de l'Espagne. Le parti socialiste espagnol a proposé une motion qui a été discutée avec l'ensemble des partis politiques. Ensemble, ils ont adopté une motion de reconnaissance de l'Etat palestinien avec presque 90% des voix.  Les socialistes français auraient dû procéder de même.  

Propos recueillis par Sarah Pinard

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