Mais pourquoi les Saoudiens érigent-ils une barrière de 900 km avec l’Irak s’ils sont les principaux sponsors des califoutraques islamiques ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un combattant islamiste brandissant un drapeau.
Un combattant islamiste brandissant un drapeau.
©Reuters

Faux-cul bis

Sur leur lancée meurtrière, les djihadistes de l'Etat islamique menacent désormais l'Arabie saoudite. Pour les concepteurs du Califat, la "bête" est devenue incontrôlable. Au point que la survie du royaume est en jeu.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Atlantico : L'Arabie saoudite a achevé la construction d'une clôture de 900 km qui sépare son territoire de l'Irak et doit la protéger au nord des infiltrations terroristes. Mais pourquoi le royaume se sent-il aujourd'hui menacé par le djihadisme, dont il a pourtant largement participé au développement ? Quelle est la nature de cette menace ? 

Alain Rodier : Tout simplement parce que le calife de l’Etat islamique, al-Baghdadi, l'a déclaré officiellement. Pour lui, la famille royale saoudienne doit être renversée. C'est d'ailleurs un des seuls objectifs qu'il partage avec "al-Qaida central" (ou al-Qaida "canal historique"). Al-Baghdadi ne reconnait pas le rôle de "gardiens des lieux saints" de la famille Saoud. Il est donc devenu l'ennemi mortel de la dynastie saoudienne. 
Dire que cette dernière a "participé au développement" de l'EI est exagéré. Riyad a financé, aidé et appuyé la rébellion syrienne par un calcul anti-iranien (pour s'opposer à la volonté expansionniste de Téhéran via les populations chiites et autres alliés comme le Hamas et le Djihad Islamique palestinien). Au départ, cette dernière n'était pas scindée, comme aujourd'hui, entre islamistes radicaux et "modérés". D'ailleurs, le royaume s'est vite rendu compte de la déviance représentée  par l'Etat Islamique d'Irak et du Levant (EIIL) en s'opposant directement à lui en créant une confédération de mouvements islamiques "modérés" sous la bannière du "Front Islamique" (FI). 
Cette brouille est survenue suite à l'appui apporté par le Hamas à l'opposition syrienne. Cette brouille semble avoir disparu, du moins en partie, après les opérations militaires déclenchées contre Israël depuis la Bande de Gaza. En effet, Téhéran reprend la "cause palestinienne" à son compte misant sur la désaffection des pays sunnites.

L’Arabie saoudite a longtemps accusé l’ex-premier ministre irakien chiite Maliki d'avoir favorisé l'offensive des djihadistes de l'Etat islamique dans le nord à cause de sa politique de marginalisation de la minorité sunnite irakienne. De son côté, Maliki a accusé le royaume wahhabite de soutenir le terrorisme en Irak. Autour de quelles figures le Califat islamique s'est-il construit ? Sur quelles fondations politiques et idéologiques ?

Le départ de l'EI date d'Al-Zarquaoui, ce Jordanien qui était à la tête de l'Etat Islamique d'Irak et qui a été tué par les Américains en 2006. Déjà, c'était une sorte l'électron libre au sein d'Al-Qaida. Il avait attiré vers lui de nombreux reproches du Docteur Al-Zawahiri, alors numéro deux du mouvement. Son absolutisme anti-chiites et ses massacres orchestrés contre les populations civiles, même sunnites, avaient "indisposé" la direction d'Al-Qaida, pourtant pas considérée comme particulièrement tendre.

Le Califat islamique a-t-il échappé à ses concepteurs ?

L'EI s'est conçu tout seul, mais avec l'aide apportée aux mouvements rebelles syriens depuis l'extérieur, et avec le soutien du pouvoir syrien qui a vu dans ce mouvement la possibilité de diviser son opposition. Aux résultats, tout le monde est perdant. La bête ("Alien") est aujourd'hui totalement incontrôlable depuis l'extérieur. Il ne reste qu'une solution : la détruire. Plus facile à dire qu'à faire!

Par ailleurs, l'Arabie saoudite est-elle en train d'opérer un revirement stratégique sur la question ? Quelles seraient ses motivations ?

Le survie du régime est en jeu. Cela dit, sa "compétition" avec les chiites iraniens pour peser au Proche-Orient est toujours d'actualité. Seule la stratégie peut changer. Encore faut-il en définier une nouvelle.

En quoi le rapprochement des Etats-Unis avec l’Iran chiite permet-il d'expliquer l'attitude saoudienne ?

C'est la grande crainte de Riyad. Heureusement, pour une fois le régime des mollahs en place à Téhéran réagit sans grande habileté (il nous avait habitués à mieux dans le passé). En effet, voulant profiter du poids que lui donne la crise irakienne, le Guide suprême de la Révolution se lance dans des déclarations tonitruantes anti-israéliennes et anti-occidentales comme pour monnayer son appui à sa lutte (bien réelle) anti-EI. Au minimum, il manque d'intelligence diplomatique. Le résultat : il n'y aura pas de "cadeau" dans les négociations portant sur le nucléaire et les sanctions économiques sont loin d'être levées.

Qu'en est-il du positionnement des autres pays de la région vis-à-vis de l'Etat islamique ?

Tous les pays le craignent. Avec tant d'ennemis qui finiront bien par s'entendre pour le mettre à bas, l'EI n'a pas un grand avenir devant lui, du moins dans sa forme actuelle. Au Proche-Orient, tout est compliqué. Sans faire de mauvais jeu de mots, nous sommes dans le domaine des sables mouvants. Aucune alliance n'est sûre et l'ennemi d’aujourd’hui est peut-être l'allié (de circonstance) de demain. Voir l'Iran et Damas. Les esprits occidentaux habitués à une certaine logique cartésienne s'y perdent en permanence. Une seule règle : les déclarations tonitruantes n'ont aucun effet. Seule la force compte. Mais, où sont les moyens ?

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