52% des Français approuvent les livraisons d’armes aux Kurdes<!-- --> | Atlantico.fr
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Des combattants kurdes au nord de l'Irak le 19 août 2014
Des combattants kurdes au nord de l'Irak le 19 août 2014
©Reuters

Sondage exclusif Ifop pour Atlantico

A l'instar de la France, l'Allemagne et l'Italie ont annoncé qu'elles allaient envoyer des armes aux forces kurdes d'Irak pour faire face à l'avancée de l'Etat islamique. Un sondage Ifop exclusif pour Atlantico révèle qu'une majorité de Français est favorable à cette initiative. On observe cependant un net contraste entre les sympathisants des partis de gouvernement et ceux du FN, du Front de Gauche et des Verts.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Ce sondage Ifop pour Atlantico révèle que 52 % des Français approuvent l'envoi d'armes aux forces kurdes d'Irak. Quels enseignements en retirez-vous ?

Jérôme Fourquet : Ce sondage montre que l’approbation est majoritaire, et qu’on ne se trouve pas dans le même climat d’opinion qui prévalait en mars 2013, au moment où le débat s’est posé de savoir s’il fallait ou non armer la rébellion syrienne. A l’époque deux tiers des Français étaient opposés, mais il s’agissait d’armer des forces parmi lesquelles des groupes islamistes étaient présents et actifs pour lutter contre Assad.

Lire à ce sujet : 61% des Français sont opposés à la livraison d'armes aux rebelles syriens

Aujourd’hui il s’agit d’armer l’entité kurde, qui apparait plus fiable, plus solide, et qui donne davantage de gages de respectabilité, contre des islamistes, justement. Le clivage "amis/ ennemis" apparaît de manière beaucoup plus nette, et explique l’adhésion de la population française.

Cette adhésion est renforcée par le fait que les exactions largement médiatisées des islamistes de l’EI ont suscité un choc dans l’opinion publique française. Précision à ce propos que notre sondage a été effectué avant l’annonce de l’assassinat du journaliste américain qui a tourné en boucle sur les réseaux sociaux. On voit donc bien que l’image très négative renvoyée par cette organisation terroriste fait basculer la majorité de l’opinion française dans le camp de ceux qui soutiennent l’envoi d’armes aux forces kurdes.

Entre sympathisants de gauche et sympathisants de l'UMP, les résultats sont très équilibrés, les premiers se prononçant à 60 % pour la livraison d'armes, et les seconds à 59 %. Pourquoi cette unanimité ? Celle-ci touche-t-elle tous les partis ?

On observe un certain nombre de clivages politiques au sein même de la gauche. 60 % soutiennent l’envoi, mais la réalité est assez hétérogène. Le chiffre monte à 70 % dans l’électorat socialiste, mais tombe en dessous de la barre des 50 % dans l’électorat du Front de gauche (44%) et chez les Verts (48 %). Il faut dire que les cultures politiques sont différentes chez ces groupes, le courant pacifiste et antimilitariste y étant traditionnellement plus développé. Cela avait déjà été constaté lors des précédents conflits. De manière plus générale, c’est sans doute aussi une traduction du désamour entre l’électorat du Front de gauche et des Verts et la politique du gouvernement. Ce qui vient de ce dernier est d’emblée soumis à caution, alors que c’est beaucoup moins le cas chez l’électorat socialiste.

Côté UMP et UDI, les résultats ne sont pas très éloignés de ceux du PS : les électeurs des principaux partis de gouvernement sont en moyenne entre 60 et 70% à soutenir l’envoi d’armes aux kurdes. Cette donnée est intéressante dans la mesure où traditionnellement les sympathisants UMP sont plutôt hostiles à toute initiative gouvernementale. On assiste aujourd’hui à une sorte d’union sacrée, qui peut s’expliquer encore une fois par l’image très négative renvoyée par les islamistes de l’EI.

Du côté du Front national, seuls 46 % des sympathisants se disent favorables, ce qui équivaut à des niveaux proches du Front de Gauche et des Verts, et 48 % sont opposés. On aurait pu penser que le réflexe anti islamique susciterait un large soutien dans l’électorat FN, or il n’en est rien. C’est un autre ressort qui fonctionne, celui de l’isolationnisme. L’électorat frontiste est toujours réticent, d’une manière ou d’une autre, à ce que la France soit directement ou indirectement engagée dans des conflits étrangers. D’une part parce qu’il considère qu’il faut d’abord s’occuper des problèmes franco-français, et que les maigres moyens dont notre pays dispose devraient être consacrés aux nationaux, et d’autre part parce que la France n’a selon eux pas à se mêler de ce qui se passe loin de ses frontières, qu’il n’y a que des coups à prendre, et que les différents protagonistes ne "valent pas la peine" qu’on prenne des risques et qu’on dépense de l’argent pour eux. Il était déjà réticent à une intervention au Mali puis en Centrafrique, et là on a une nouvelle illustration, avec l’idée sous-jacente que ces pays sont voués à des haines inextricables, et que la France n’a pas aller se fourrer dans ce type de guêpier. On peut se douter que dans les prochains jours les dirigeants du FN tiendront un discours de ce type.

Hommes et femmes ne semblent pas partager le même avis sur cette livraison...

On observe un clivage assez classique entre les hommes et les femmes : 65 % des hommes sont favorables, alors que les femmes ne le sont qu’à 39 %. Sans verser dans le cliché, on a ainsi une traduction de la posture volontiers plus belliciste de la part des populations masculines, alors que la majorité des femmes est plus rétive à l’usage de la force armée. Et plus on monte en âge, plus l’adhésion augmente. Non pas que l’âge rende plus belliciste, mais sûrement que ces personnes ont davantage de souvenirs historiques sur le fait que lorsque des groupes de ce type n’ont pas été combattus en temps et en heure, ils ont ensuite prospéré. C’est aussi dans cette tranche d’âge-là que l’on observe une surreprésentation des partis de gouvernement. L’électorat du FN, du Front de gauche et des Verts, lui, est plus jeune.

Pourquoi les Kurdes d'Irak inspirent-ils ainsi confiance à une majorité de Français ?

Les Kurdes d’Irak n’ont jamais fait parler d’eux par leur comportement sur le terrain. Ils n’ont pas à leur actif de massacres de populations civiles. Au contraire ils apparaissent comme un pôle de stabilité : pour preuve les yézidis et les chrétiens ont trouvé refuge chez eux. Ils sont plutôt sur la défensive, et en dehors du PKK en Turquie, ils n’ont pas la réputation de terroristes. C’est dans cette région que les entreprises étrangères s’installent, et que les attentats sont moins nombreux. Un semblant d’Etat existe, avec une armée organisée, ce qui à l’inverse des rebelles syriens, chez qui on ne savait pas qui était qui, est plutôt rassurant du point de vue des occidentaux. Même si ce ne sont pas forcément des enfants de cœur, ils ont été une minorité opprimée sous Saddam Hussein, ils se sont libérés en grande partie par eux-mêmes, et n’en ont  pas profité pour mettre sous leur domination les autres régions d’Irak.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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