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Irak : Bush 1, Obama 0 ?
©REUTERS/Wissm al-Okili

A qui la faute ?

Et si Saddam Hussein n'avait pas été renversé par Bush en 2003 ? Et si Barack Obama avait maintenu la présence américaine sur le sol irakien ? Analyse des responsabilités dans le chaos actuel au Proche-Orient.

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane est spécialiste des questions de défense.

Il est également maître de conférences à Science-Po Paris. 

Il est l'auteur de Questions internationales en fiches (Ellipses, 2021 (quatrième édition)) et de Premiers pas en géopolitique (Ellipses, 2012). il est également l'auteur de Théories des relations internationales (Ellipses, février 2016). Il participe au blog Eurasia Prospective.

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Qui est responsable de la prise de contrôle du nord de l’Irak par les extrémistes de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) ?

Pour la gauche mondiale, et la droite française, la réponse ne fait pas de doute : c’est la faute de Georges W. Bush. S’il n’avait pas envahi l’Irak en 2003, Saddam Hussein n’aurait pas fini sa vie pendu par les nouvelles autorités, au terme du premier procès intenté à un dirigeant arabe (2006). Au prix d’une répression sans faille (gaz contre les Kurdes en 1988, écrasement des chiites en 1991), l’Irak serait un Etat dictatorial mais stable. Goethe, qui préférait une injustice à un désordre, serait satisfait.

Dans un article récent, Tony Blair, le "caniche de Bush", affirme que les printemps arabes de 2011 auraient, de toute façon, renversé le raïs irakien. Cela semble bien improbable. Les seules dictatures arabes renversées par des manifestations (Egypte, Tunisie) étaient dépendantes de l’aide occidentale. Les régimes isolés (Libye, Syrie) ont résisté avec acharnement. Appuyé sur le parti Baas, l’armée et les minorités irakiennes, notamment sunnites, Saddam Hussein aurait lutté avec la dernière énergie contre d’éventuelles manifestations de mécontents chiites (60% de la population).

Pour la droite américaine, le vrai coupable est donc Barack Obama. Opposant de la première heure à la guerre en Irak, il n’a eu de cesse d’en désengager les Etats-Unis. En 2011, les troupes américaines ont donc quitté un pays qu’elles avaient réussi à stabiliser par les armes (le surge de 2007 avait doublé le nombre de GIs) et l’argent (distribué aux chefs de tribu sunnites, devenus du coup beaucoup plus modérés). En 2010, la communauté sunnite a largement participé aux élections législatives, qu’elle avait boudées en 2005. L’Irak semblait sur la voie de la réconciliation nationale.

Sans soldats sur place, les Etats-Unis ont perdu leur capacité d’influence. Ils n’ont pas pu forcer les acteurs locaux à la conciliation. Celle-ci n’a rien d’évident : aurait-on demandé, en France, aux gaullistes et aux pétainistes de cohabiter dans un gouvernement d’après-guerre ? La politique autoritaire du premier ministre chiite Nouri al-Maliki, le radicalisme sunnite attisé par la guerre dans la Syrie voisine ont fait le reste. Les élections de 2014, où Maliki n’avait remporté qu’une victoire relative, ont été marquées par la faible participation de la communauté sunnite, signe précurseur de l’offensive djihadiste.

S’il est impossible de trancher sur la question de la responsabilité, la leçon de l’Irak est claire. Lorsque l’Occident intervient, il doit le faire avec constance. Faute de troupes au sol en Libye, il a laissé le pays, débarrassé du colonel Kadhafi, basculer dans une situation chaotique. Faute de soutien aux modérés de l’opposition en Syrie, celle-ci est à la merci des radicaux de l’EIIL.

Il est donc capital que l’Amérique et ses alliés interviennent à nouveau aux côtes des nouvelles autorités irakiennes, sans quoi l’Iran, qui a proposé son aide, pourrait s’installer pour de bon à Bagdad. Et les Etats-Unis, qui quittent l’Afghanistan en 2014, doivent prendre garde d’y maintenir une présence militaire réelle, à l’image de la France qui, cinquante ans après les indépendances africaines, demeure l’indispensable gendarme régional.

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