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Panier des essentiels : 
"Une solution gadget"
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Caddie des inutiles

Frédéric Lefebvre a lancé en avril son panier des essentiels, une sélection d'articles de qualité à un prix "raisonnables", en promettant un bilan trois mois plus tard. En juillet, les résultats laissent encore à désirer pour l'opération lancée par le secrétaire d'État à la Consommation. Pour l'UFC-Que Choisir, les vrais enjeux sont ailleurs.

Olivier Andrault

Olivier Andrault

Olivier Andrault est ingénieur en agro-alimentaire. Il est chargé de mission "agriculture et alimentaire" pour l'association de consommateurs UFC-Que choisir. 

Il effectue aussi des missions pour Programme national nutrition santé, pour le Ministère de l'Agriculture et de la pêche, où il travaille pour l'amélioration nutritionnelle des aliments. Il fait aussi parti du groupe d'orientation de l'observatoire de la qualité de l'alimentation.

 

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Atlantico : Cela fait trois mois que Frédéric Lefebvre a lancé son panier des essentiels. Le Ministère de l’Economie, que nous avons contacté, n'a pas l'air de souhaiter faire le bilan promis en avril. Cela montre-t-il que les résultats n'ont pas été au rendez-vous ?

Olivier Andrault : Oui, c’est le sentiment que nous avons. D’après nous, l’initiative du gouvernement n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Le vrai enjeu est celui de la hausse considérable des prix au niveau des matières premières agricoles, qui commencent déjà à se répercuter sur les consommateurs. Ces hausses sont en train d’atteindre des niveaux que nous avons déjà connus il y a quatre ans. Selon les estimations, il y a eu par rapport à la fin de l’année dernière une augmentation qui se situe entre 2 et 3 %. Etant donné la similitude de cette situation avec celle que nous avons connue en 2007-2008, il est probable que la hausse finale des prix alimentaires dans les rayons des magasins soit de l’ordre de 7 à 8 %. De plus, ces chiffres sont des estimations moyennes qui peuvent être revues à la hausse, notamment pour les produits dont les matières premières en forte hausse constituent la plus grande partie. Par exemple, on annonce pour les pâtes une augmentation de 10%, pour les produits laitiers, la viande et les œufs une augmentation de 15% et pour le café et la farine une augmentation de 20%.

Ce sont vraiment des hausses considérables pour le pouvoir d’achat des ménages français. Ce que nous voyons, c’est que les propositions avancées par M. Lefebvre se limitent à des engagements minimes, puisqu’elles ne portent que sur une vingtaine de produit. Comment peut-on imaginer qu’un engagement, sur un nombre de produit aussi dérisoire, puisse avoir un impact sur la consommation et l’achat des produits alimentaires? Surtout quand des milliers de références sont proposées dans les rayons de la distribution pour répondre aux différentes habitudes de consommation et aux nombreux profils que constituent les consommateurs français.

Vous ne voyez donc qu’une opération de communication dans ce panier des essentiels ?

Tout à fait. De plus, lorsque nous regardons dans le détail les niveaux d’engagement de ce panier des essentiels, nous sommes très perplexes. Nous n’arrivons pas à percevoir quels sont les véritables engagements entrepris par M. Lefebvre. Lorsque ce panier a été lancé, le gouvernement parlait d’engagement sur les prix. Nous avons demandé s’il existait un niveau maximal de prix prédéfini avec des engagements, pour que les produits concernés n’évoluent pas trop à la hausse et que cette évolution soit limitée. Or aucun engagement de ce type n’a été pris. Sur les aspects de transparence des prix et notamment de construction de ces derniers qui constituent une thématique très importante dans l’alimentation aujourd’hui, aucun engagement n’a été pris non plus. Alors même que nous savons qu’une partie de l’opacité de la construction des prix, notamment au stade de la distribution, pourrait expliquer une hausse injustifiée de certains produits alimentaires.

Le gouvernement a ensuite engagé le débat de la qualité nutritionnelle des produits. Or, lorsque nous creusons les engagements pris par le gouvernement sur ce thème, nous nous apercevons qu’aucun critère nutritionnel spécifique n’a été défini dans le cadre de ce panier des essentiels. Ni le Ministère de la santé, ni le Programme national de nutrition santé, n’ont été associés au choix des produits concernés. Tout cela laisse le champ libre aux dérives de communication sur les bénéfices nutritionnels de cette action. Ce panier des essentiels est donc une addition d’engagements à géométrie variable qui dépendent des enseignes et varient selon les magasins. Sur la mise en application de ces « pseudos engagements », les différentes informations qui nous sont remontées laissent à penser que les produits sont assez peu visibles dans les rayons. Les produits concernés, laissés au libre choix des enseignes, ne répondent pas forcément aux habitudes de consommation, notamment des ménages modestes. Nous sommes vraiment dans une solution gadget qui ne répond pas aux problèmes de base.

Sur quelles solutions le gouvernement devrait-il travailler pour réussir à répondre aux attentes des consommateurs sur l’alimentation ?

Le gouvernement devrait tout d’abord se concentrer sur les prix alimentaires. Ce que nous avons observé et qui a été récemment confirmé par le rapport de l’Observatoire de l’information des prix et des marges, remis au Parlement il y a une quinzaine de jours, c’est qu’il existe toujours des excès de marge inexpliquées dans les prix alimentaires, notamment au niveau de la grande distribution. Plus particulièrement, ces augmentations de marges brutes se réalisent au moment où de fortes variations des prix agricoles ont lieu, plus particulièrement lorsqu’il y a des baisses. Autrement dit, lorsqu’il existe des augmentations des matières premières agricoles, elles sont presque toujours répercutées au niveau du prix proposé aux consommateurs, ce qui est logique. En revanche, lorsque les prix agricoles baissent, il n’y a cette fois-ci aucune répercussion ou presque sur le prix proposé aux consommateurs. Il existe donc une confiscation de cette baisse quelque part au niveau des intermédiaires. Ce que pointe ce rapport, c’est que pour la seule distribution, la marge brute a augmenté  de manière considérable en dix ans pour certains produits. Par exemple elle a augmenté de 32% pour l’emmental, 50% pour la côte de porc et de 100% pour le beurre. La grande question est de savoir, quel est le service ajouté supplémentaire, effectué par la grande distribution, qui justifierait la hausse des prix.

Il faut la mise en place de dispositifs obligatoires de coefficient multiplicateur, tel qu’il existe déjà dans la loi pour les fruits et légumes, qui obligeraient l’ensemble des intermédiaires, des fabricants et de la distribution à répercuter la baisse des prix agricoles.

La deuxième chose que nous demandons c’est l’établissement d’une véritable concurrence au niveau des zones de chalandise en France. En effet, nous avons publié en 2008 une étude réalisée, dans 634 hypermarchés, qui montrait que seulement 27% des zones de chalandise étudiées étaient concurrentielles.

Il existe aussi un combat au niveau de la qualité nutritionnelle. Il faut rappeler que la qualité nutritionnelle de l’offre alimentaire en France est très mauvaise. En effet, nous observons que certains produits alimentaires, notamment pour les enfants, sont systématiquement plus gras et plus sucrés que leur version pour adulte. C’est inadmissible dans un contexte d’augmentation considérable de l’obésité. Près d’un français (adulte) sur deux est, soit en situation de surpoids, soit obèse. 

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