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La dette grecque
ou comment s’en débarrasser
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Zone franche

Si la tragédie budgétaire grecque tourne à la farce façon Ionesco, on peut encore s'en tirer. Il suffit juste d'un miracle.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Il y a quelque chose de rassurant (mais ça peut aussi être le contraire, c’est selon) à trouver des parallèles entre une situation angoissante de la vie réelle, dont on ne connaît absolument pas l’issue, et une pièce de théâtre ou un roman.

La pièce de théâtre et le roman ont généralement une fin, l’auteur s’est en principe creusé le ciboulot pour l’élaborer avec un minimum de cohérence et, si le travail est de qualité et que des générations de critiques ont déjà noirci des milliers de pages à son sujet, tous les outils d’analyse sont déjà en place.

Prenez cette histoire de dette grecque, par exemple. Eh bien c’est un peu la pièce de Ionesco « Amédée ou Comment s’en débarrasser », où un couple en pleine débâcle existentielle s’inquiète de la présence d’un cadavre dans la chambre du fond.

Un cadavre dans son appartement, c’est déjà casse-pied en soi, surtout si l’on ne sait pas exactement comment il s'est retrouvé là. Faut-il avertir la police, au risque de se retrouver impliqué dans la transformation illégale d’un vivant en trépassé ? Faut-il plutôt faire semblant de rien et continuer de vaquer à ses vaines occupations en évitant d’en parler trop souvent ? Et dans ce cas, lorsqu’on passe l’aspirateur, doit-on en faire simplement le tour ou est-il préférable de le trimbaler à travers la pièce pour faire le ménage à fond ?

Une dette en « progression géométrique » ?

Là où le problème est rendu plus délicat encore, c’est quand ce cadavre de gabarit standard est sujet à un curieux processus de « progression géométrique » et se met à gonfler ― menaçant d’envahir tout l’appartement. Ça rend la vie conjugale encore plus impossible qu’elle ne l’était déjà et les voisins, s’ils remarquent que vous faites pousser des macchabées dans votre F3, risquent de ne pas apprécier.

Déjà que des types qui se font coincer parce qu’ils font pousser trois malheureux pieds de cannabis sur leur balcon peuvent se retrouver en taule, alors un cadavre géant…

Non, il faut trouver une solution. Le corps, il faut s’en débarrasser. D’une manière ou d’une autre.

La dette grecque est elle aussi soumise à ce même processus de dilatation homothétique (logique, c'est un mot du cru). Elle est là, à grossir inexorablement au fond de la cave ; on ne sait pas précisément comment elle a pu s’y retrouver mais si monsieur et madame Standard & Poor's du quatrième et monsieur Moody's du sixième en viennent à soupçonner quoi que ce soit, c'est sûr, la prochaine AG de copropriétaires va être sanglante.

C’est un coup à voir exploser ses charges, ça…

Jusqu’à présent, comme chez Ionesco, le vieux couple franco-allemand s’est à peu près débrouillé pour contenir l'encombrant cadavre budgétaire même s’il a fallu s’y reprendre à plusieurs fois et si ça n’a pas franchement amélioré ses relations maritales. Pire : toujours comme chez Ionesco, il semble qu’il y ait tout de même eu quelques témoins et que ça puisse encore dégénérer.

De fait, tout indique que ça va dégénérer, les Grecs n’étant pas plus en mesure de rembourser leur dette maintenant qu’elle est plus élevée que lorsqu’elle l’était moins et qu’ils n’y arrivaient déjà pas ― si vous voyez ce que je veux dire.

Mais bon, c’est justement là qu’intervient le message d’espoir de Ionesco, qui s'arrange pour faire disparaître le problème que l’on croyait insoluble en le faisant s’envoler miraculeusement, sauvant in extremis le mari des griffes de la police. Un miracle et nous sommes sauvés, quoi ! Oui, un bête petit miracle et la tragédie grecque se transforme en farce franco-roumaine ! Est-ce que ça va suffire à les amadouer, monsieur et madame Standard & Poor's à la prochaine réunion de la copro ?

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