Bactérie NDM-1 : "Nous assistons à une amplification du phénomène"<!-- --> | Atlantico.fr
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"Les industriels se sont désengagés de la recherche antibiotique"
"Les industriels se sont désengagés de la recherche antibiotique"
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Santé

La mort d'un soldat américain suite à une contamination de la bactérie NDM-1, en Afghanistan, relance l'inquiétude autour de ce qui pourrait être la prochaine catastrophe sanitaire. D'abord détectée en Inde au Pakistan et en Afghanistan, c'est maintenant l'Europe qui en proie à cette infection d'un nouveau genre. Faut-il avoir peur de cette nouvelle "superbactérie" ?

Patrick Berche

Patrick Berche

Patrick Berche est médecin bactériologiste et doyen de la faculté de médecine Paris Descartes.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont Une histoire des microbes (John Libbey Eurotext, 2007) ou Gloires et impostures de la médecine (Perrin, 2011). Et plus récemment Le Savoir vagabond (Docis, 2013).

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Atlantico : Quelles sont  ces nouvelles « superbactéries » NDM-1? 

Patrick Berche : Les bactéries dites NDM-1 ont émergé en Inde et au Pakistan vers 2008, en particulier à New Delhi, d'où leur nom NDM-1, «New Delhi Metallo-betalactamase-1 ». Ces bactéries - des Escherichia coli et des Klebsielles de la flore intestinale humaine – portent  un gène de résistance qui leur confère la résistance aux carbapénèmes. Ces souches bactériennes deviennent alors résistantes à tous les antibiotiques, en particulier aux céphalosporines de troisième génération très utilisés à l’hôpital et aux carbapénèmes, qui sont les antibiotiques de dernier recours pour des germes très résistants. Actuellement, il ne reste pour traiter ces bactéries que deux antibiotiques (la colistine et la tigécycline), peu efficaces, présentant une certaine toxicité et de maniement difficile. Nous arrivons à une impasse thérapeutique. Il y a donc urgence à réactiver la recherche pharmaceutique sur de nouveaux antibiotiques, après une pause de nombreuses années.

Comment ces bactéries se disséminent-elles ? 

Les bactéries NDM-1 sont aujourd’hui très répandues dans l’environnement, en Inde, en Afghanistan et au Pakistan. A New-Delhi, les bactéries NM-1 sont aujourd’hui présentes dans l’eau du robinet dans environ 4 % des prélèvements et dans l’eau de ruisseau, dans deux échantillons sur trois, ce qui témoigne de l’ampleur du phénomène de portage fécal dans la population.  

Les voyageurs qui séjournent dans ces pays peuvent devenir porteurs asymptomatiques et emmener ces bactéries multirésistantes un peu partout dans le monde. On a signalé des cas d’infections chez des patients hospitalisés, notamment au Canada, en France, en Angleterre et en Suède. Présentes de façon asymptomatique dans la flore intestinale de certains malades, les bactéries peuvent diffuser de façon manuportée parmi les patients hospitalisés. C’est ainsi qu’elles peuvent s’implanter à l’hôpital et disséminer. Les porteurs de ces bactéries peuvent faire une infection nosocomiale intercurrente, par exemple à l’occasion d’une chimiothérapie, ou de la pose de matériels (sondes, cathéters). Le danger est pour le moment surtout  hospitalier.

Peut-on craindre une extension importante de la contamination et comment s’en protéger ? 

La bactérie « NDM-1 » a été d’abord détectée en  2008 chez un patient hospitalisé en Suède, de retour d’Inde. Depuis cette date,  nous assistons à une amplification du phénomène. Une fois implantées dans les hôpitaux, ces souches pourraient transmettre le gène très mobile NDM-1 à d'autres espèces bactériennes. La menace d’une telle extension pourrait nécessiter la prise de mesures d'isolement. Les personnes revenant d’un pays à risque, comme l’Inde, pourraient être systématiquement contrôlées à l’occasion d’une hospitalisation, et on pourrait être contraint de prendre certaines mesures d’isolement pour éviter la propagation hospitalière de telles bactéries multi-résistantes. Outre l’isolement des porteurs dangereux, la prévention est celle des infections nosocomiales manuportées : lavage des mains, précautions d’hygiène. 

Il faudrait qu'il y ait une recherche sur les antibiotiques d’origine industrielle puisque les industriels se sont désengagés, il y a une dizaine d'années, de la recherche antibiotique. Il le feront si la bactérie se répand dans les pays occidentaux puisque la recherche s’avérerait rentable. Mais si le phénomène se limite au pays en voie de développement il ne le feront pas.

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