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Ces risques que vous faites courir à votre enfant en ne lui imposant pas d'activité sportive
©Reuters

Une deux, une deux !

Le sport est essentiel dans le processus de développement des systèmes cardio-vasculaires, mais également musculaires, osseux ou articulaires. Dans les faits, ne pas faire de sport pendant la période de développement de ces systèmes représente un danger réel.

Gérard Dine

Gérard Dine

Gérard Dine est professeur de biotechnologies à l’École Centrale de Paris, président de l'Institut Biotechnologique de Troyes et chef du service d'Hématologie et d'Immunologie de l'Hôpital des Hauts-Clos de Troyes.

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Atlantico : Outre-Manche, la moitié des enfants de moins de sept ans ne pratiquent aucune activité sportive régulière. De quelle manière ce phénomène se retrouve-t-il en France, et quelles en sont les conséquences ?

Gérard Dine : Ce rapport est particulièrement éloquent. Je ne suis pas sûr qu'il existe des études similaires en France, néanmoins ce qui est clair c'est que la proportion d'enfants à ne pas pratiquer d'activité sportive est importante. Ce qui est ennuyeux dans cette situation, je pense, c'est le constat qu'on ne puisse pas développer l'activité physique d'un point de vue éducationnel chez les jeunes enfants. Le meilleur apprentissage de l'effort, c'est l'effort mesuré dès le départ. A partir du moment où les enfants ne sont pas incités et pas habitués à utiliser leurs corps ne serait-ce que se déplacer et aller à l'école à pied, il y a automatiquement une sédentarité qui s'installe. Sédentarité encouragée par notre mode de vie contemporain, puisque la plupart des loisirs sont accessibles sans bouger. En particulier tout ce qui relève de l'audiovisuel – il est important de noter le rôle dans cette sédentarité du développement fantastique des technologies de la communication. C'est le problème de base. Nous sommes faits pour bouger, c'est indéniable. Nous relevons du domaine du vivant, nous sommes des mammifères et nous sommes faits pour bouger ! S on ne bouge pas, on ne sollicite pas un certain nombre de systèmes de notre corps voués à produire de l'énergie. Par conséquent on ne régule pas bien la prise alimentaire, et avec elle l'énergie que l'on consomme.

L'une des conséquences premières est donc le manque d'habitude au mouvement, la non-capacité à supporter ce mouvement, et par conséquent – chez l'enfant – la non-sollicitation des systèmes en croissance, quand on tombe dans l'excès. Tout ceci relève d'un problème d'abord éducationnel tant au plan physique qu'au plan physiologique. L'effort, c'est quelque chose qui s'acquiert par l'identification au mouvement. Si ce mouvement ne se fait pas, cela provoque un impact général sur la croissance et la santé. Concrètement, l'aptitude à la croissance des systèmes musculaires, osseux, articulaires, tout l'appareil locomoteur est ralentie. Si ces systèmes ne sont pas stimulés, leur croissance est logiquement moins importante. C'est vrai pour le système cardio-vasculaire également, qui se développera moins. De plus, si l'alimentation n'est pas satisfaisante mais pléthorique, on met en place les conditions de la surcharge pondérale, dont on connait les risques. Excès pondéral permanent, troubles métaboliques qui évolueront à l'âge adulte par rapport aux grandes régulations alimentaires.

Un rapport parlementaire anglais estime que l'absence de sport au plus jeune âge provoque, une fois adulte, une mort prématurée sur cinq. Quel est le lien entre le manque d'activité physique et la diminution de l'espérance de vie ?

C'est un nombre particulièrement alarmant. C'est énorme, et j'en suis moi-même surpris par les résultats de ce rapport. Je ne suis pas sûr qu'il existe des conclusions et des études similaires dans notre pays, cependant le mode de vie anglais – et plus généralement le mode de vie européen – est relativement semblable, voire identique, au notre.

Ce qui m'apparait comme très clair c'est que la non-sollicitation des muscles en périphéries ne génère pas une bonne régulation métabolique. Dès lors, la possibilité de voir apparaitre des troubles métaboliques chez le jeune adulte existe, et ce qu'il y ait ou non surcharge pondérale. Si l'énergie ingurgitée n'est pas consommée, c'est une conséquence on-ne-peut-plus logique. En deuxième lieu, il faut prendre en compte la sollicitation de l'appareil cardio-vasculaire, du point de vue du fonctionnement. Ce dernier est fait pour se développer en fonction de ses sollicitations. Si celles-ci ne sont pas optimales, le fonctionnement du système cardio-vasculaire ne sera bien évidemment pas optimisé non plus. L'individu part d'office avec un registre inférieur. Rappelons-nous que le cerveau est l'un des organes les plus vascularisés de notre organisme. Par conséquent, le cerveau et son développement sont directement dépendants d'une alimentation équilibrée, mais également du bon fonctionnement du système cardio-vasculaire. Il serait un peu rapide, pour autant, de croire que quelqu'un qui ne mange pas sainement et ne fait pas de sport est idiot. Ce que je veux dire par-là, c'est que tout est fonction de la sollicitation vasculaire par l'effort, qui permet le bon développement des ramifications vasculaires qui y sont liées. C'est la relation à l'apport énergétique des cellules par rapport au processus de croissance. Il faut tant l'apport alimentaire que l'apport vasculaire, l'oxygénation, les êtres humains étant des êtres aérobies.

Au-delà de la prédestination génétique et des facteurs environnementaux, les mécanismes de régulation et de développements sont sollicités entre 0 et 18 ans. A partir du moment où ils sont biens sollicités et bien régulés, les dysfonctionnements sont moins importants. Comme une partie de la morbidité (qui vient avant la mortalité) est liée à des processus de dérégulation, il est l'évident qu'on fait l'acquisition du capital santé pendant la période de croissance. C’est-à-dire que si on ne bouge pas et si on mange de façon malsaine pendant cette période, on perd des années de vie. C'est une sorte de programmation intérieure par rapport à la prédestination génétique. Il ne s'agit pas de sport, mais d'activité physique nécessaire : elle est indispensable pour se constituer ce capital santé.

Comment expliquer que l'on pratique moins de sport qu'auparavant alors même que nous sommes de plus en plus incités à le faire ? Quelles sont les raisons de cette "oisiveté" ? 

Je vois deux explications, pour deux phénomènes. Dans la vie de tous les jours, à cause (notamment) de l'environnement de transport. Marcher, ne serait-ce que ça, est une activité physique normale. Il y a une cinquantaine d'années, pour aller à l'école on marchait ou on faisait du vélo : cette activité est normale et nécessaire. Cela s'est néanmoins estompé, en raison de nos modes de vie, et les transports en communs comme individuels (surtout individuels) ont pris le pas sur les modes de déplacements originels. Ce qui supprime évidemment une partie de l'activité physique naturelle.

En deuxième lieu, il faut blâmer la sédentarité, comme je le disais tout à l'heure. Nos modes de vie ont tendance à nous pousser vers la sédentarité puisque mêmes les loisirs se sont sédentarisés. D'autant plus que ces activités sont rentrées dans les domiciles et qu'il n'y a plus à quitter son chez soi pour pratiquer ce genre d'occupations. Culturellement, il n'y a plus d'éducation à l'effort, et à partir de ce moment où il n'y a plus cette éducation pour organiser l'effort et avoir une activité sportive, l'environnement finit par supprimer la réalité de l'activité physique naturelle. C'est une évolution qui relève de l'ordre sociétal.

Ce même rapport juge qu'à l'avenir un tel problème pourrait coûter jusqu'à 20 milliard de livres par an. Quel rôle l'Etat peut-il jouer sur cette question de santé publique ?

Je pense que c'est un problème éducationnel. Il faudrait une manœuvre de la part des parents, une incitation de leur part mais également les éduquer eux. Il y a en France une protection de la famille qui est financièrement considérable et significative. On pourrait imaginer qu'à titre préventif et dans le cadre de ces soutiens financiers que reçoivent les familles, il pourrait y avoir une incitation au sport. Des enfants inscrits d'office à des clubs de sport, ou comme dans certaines communes, des "déplacements encadrés d'enfants", qui consistent à emmener les enfants à pieds à l'école. Il faudrait, bien évidemment et également, une introduction de la nécessaire à l'activité physique, dès le primaire. Pas forcément sous la forme d'activité sportive compétitive qui pourrait venir dans un temps second (aux alentours de dix ou douze ans), mais dans le cadre de la réflexion sur la répartition du temps scolaire par exemple.

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