Pourquoi autant de rebondissements dans les prévisions des conséquences du dérèglement climatique ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Le changement climatique risque de ralentir la croissance.
Le changement climatique risque de ralentir la croissance.
©

Climat défavorable ?

Le 5e rapport du Groupe intergouvernemental d'experts de l'ONU sur l'évolution du climat (Giec) recense les impacts déjà observables du changement climatique mais aussi les risques encourus et les pistes pour s'y adapter.

Christian Gollier

Christian Gollier

Christian Gollier est économiste à la Toulouse School of Economics et co-auteur des 4e et 5e rapports du GIEC.

Voir la bio »

Atlantico : Le deuxième volet du cinquième rapport du groupe intergouvernemental d'experts de l'ONU sur l'évolution du climat (GIEC), publié lundi 31 mars, recense les impacts déjà observables du changement climatique. Si les impacts économiques globaux "sont difficiles à estimer", affirme le Giec, le changement climatique va néanmoins "ralentir la croissance économique, (...) réduire la sécurité alimentaire et créer de nouvelles poches de pauvreté". Dans quelle mesure peut-on prévoir les conséquences économiques de ce changement de climat ? Pourquoi est-ce si complexe ?

Christian Gollier : Les connaissances scientifiques actuelles sur le sujet forcent les experts à beaucoup de modestie. Des changements climatiques sont en cours, et les activités humaines en sont responsables. Au-delà de ce consensus des scientifiques tel qu’exprimé dans ce deuxième volume du 5e rapport du GIEC, la prudence s’impose. Les équilibres du climat impliquent une myriade de mécanismes dont il est difficile de prévoir le comportement loin du contexte actuel. Les capacités d’adaptation des sociétés humaines et animales aux changements globaux restent eux aussi mal connus. Surestimons-nous par exemple la capacité de résilience de nos systèmes agricoles à nourrir une population croissante ? Rappelons-nous la crise de la pomme de terre en Irlande dans les années 1840, causant plus d’un million de morts. Rappelons-nous la disparition de civilisations telles que celle de l’Ile de Pâques, incapable de gérer une mutation environnementale induite par son propre développement. En fait, nous sommes incapables de prédire comment nos descendants parviendront à gérer les mutations que le changement climatique imposera. Les conséquences économiques de ce changement restent donc difficiles à appréhender.

Les estimations, jugées « imparfaites » par les experts, varient entre 0,2% à 2% du PIB mondial. Finalement ce chiffre est moins élevé que prévu, la situation est-elle si dramatique qu'on le dit ?

Il s’agit d’une fourchette de dommages économiques induits par une hausse de 2 degrés Celsius. Le sujet n’est en fait pas là. Personnellement, je ne crains pas vraiment une hausse de température d’un tel niveau, en particulier si elle est étalée sur plusieurs décennies et si elle est bien répartie entre les citoyens de la Terre. Il serait même possible qu’une hausse de température de 2 degrés soit favorable à l’agriculture et à la consommation d’énergie dans une majorité de régions du monde. Le vrai problème du changement climatique, c’est l’incertitude catastrophique, celle d’un basculement dans un autre équilibre climatique radicalement différent de celui que nous connaissons actuellement. Les climatologues nous rappellent l’existence de cercles vicieux qui pourraient s’enclencher qui pourraient conduire à la catastrophe, comme la disparition de l’homme sur Terre. La probabilité d’un tel événement est sans doute faible, mais serions-nous prêt à jouer notre destin comme espèce aux dés ? Même si je suis un opposant rationnel au principe de précaution, je considère aujourd’hui qu’il y a suffisamment d’éléments scientifiques pour justifier que nous mettions collectivement au niveau de la planète une politique efficace et ambitieuse de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais les freins politiques et les réflexes égocentriques de nos concitoyens sont énormes dans ce domaine. Il faut une fameuse dose d’optimisme et de confiance au sens altruiste de l’homme pour y croire encore.

Le 11ème forum international de la météo et du climat commence aujourd'hui à Paris, le thème de cette année s'intitule "comment se préparer au climat de demain". Mais comment se préparer à une situation si difficile à prédire ? Quel est le champ d'action de la France ?

La science nous sauvera, si on a de la chance. Il faut partiellement réorienter la recherche vers ces technologies vertes qui créeront les modes de production énergétiques et agricoles adaptés à notre environnement de demain. Pour y parvenir, il faut combiner une politique de subvention à la recherche fondamentale, comme celle de l’INRA en France, avec une incitation au secteur privé à développer des brevets dans ces domaines. Une taxe carbone mondiale pérenne et croissante dans le temps reste le meilleur moyen pour y parvenir. Il est aussi indispensable de mieux gérer la ressource en eau, en incitant ses utilisateurs à mieux intégrer la valeur sociale de cette ressource rare. Il faut mettre en place les mécanismes sociaux et de marché qui nous permettront d’assurer la résilience de notre société aux chocs environnementaux à venir.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !