Ce que pouvoir prédire notre espérance de vie changerait à notre rapport à la vie et à la mort<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Ce que pouvoir prédire notre espérance de vie changerait à notre rapport à la vie et à la mort
©

Vivre ou mourir

Qui ne s'est pas demandé ce qu'il ferait s'il connaissait la date de sa mort... Des biologistes estoniens ont obtenu un résultat étonnant : un cocktail de seulement 4 biomarqueurs (sur les 106 testés) prédisait fort bien le risque de finir ou pas dans un cercueil au cours des cinq années suivantes.

Christophe de Jaeger

Christophe de Jaeger

Le docteur Christophe de Jaeger est chargé d’enseignement à la faculté de médecine de Paris, directeur de l’Institut de médecine et physiologie de la longévité (Paris), directeur de la Chaire de la longévité (John Naisbitt University – Belgrade), et président de la Société Française de Médecine et Physiologie de la Longévité.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment de "Bien vieillir sans médicaments" aux éditions du Cherche Midi, "Nous ne sommes plus faits pour vieillir"  chez Grasset, et "Longue vie", aux éditions Telemaque

Voir la bio »

Atlantico : Selon une étude estonienne parue dans la revue Plos Medicine, il serait possible de prédire la mort à moyen terme (5 ans) d’un individu lambda, en détectant la présence, ou non, de biomarqueurs clefs dans son sang. Si une prise de sang pouvait prédire notre mort, quelle serait la réaction de la population ?

Christophe de Jaeger : Il s’agit de ces études qui essayent de faire un lien entre l’espérance de vie et des paramètres biologiques. Le but étant de trouver des paramètres simples à mettre en œuvre et permettant de prédire la mortalité. Cette étude réalisée sur presque 10 000 personnes a au final identifié quatre biomarqueurs  reliés à la mortalité. Ce qu’il faut comprendre c’est que ce sont des biomarqueurs de maladie, donc les estoniens ne font qu'enfoncer une porte ouverte. Dans le cadre de l’évolution d’une maladie qui mène à la mort, il y a d’abord un désordre biologique qui s’installe (stade pré-clinique), ensuite les maladies deviennent patentes (stade clinique), ensuite, si personne ne soigne la ou les maladies, c’est la fin. Le problème dans cette étude, c’est que les biomarqueurs identifiés sont des biomarqueurs de maladie, donc la population étudiée n’est pas en bonne santé. Ces gens étant malades, voire très malades, il est hélas prévisible qu’ils meurent. Cette étude n’apporte rien de nouveau. Globalement, on note que la grande majorité des gens n’est pas intéressée à titre individuel par la connaissance de la date de sa mort. Personnellement, je suis de ceux qui pensent qu’au contraire c’est important de le savoir, parce qu’on a des moyens d’intervenir. Ces études observationnelles pures n’ont pas vraiment de sens.

Quels sont les avancées scientifiques auxquelles il faut s’attendre dans les toutes prochaines années ?

Parmi les domaines qui seront les plus porteurs, dans les années à venir, on trouve la génomique. Cela concerne tout ce qui tourne autour des chromosomes. Étant au cœur de l’information de la cellule, intervenir sur ces chromosomes ou en tout cas éviter qu’ils ne se détériorent est un enjeu important en terme de santé, voire de prévention. Ensuite, on va certainement avoir des avancées liées à la physiologie, à la connaissance du vieillissement humain et de son fonctionnement. Les techniques qui vont nous permettre de remplacer des organes défaillants grâce à la médecine régénérative, ou encore grâce à la bionique, comme c’était le cas le patient bénéficiant d’un cœur artificiel, qui vient malheureusement de décéder, ce sont techniques qui vont révolutionner la médecine. Il est très probable que demain en implantant des cellules souches sur un cœur malade, on arrive à lui redonner une seconde jeunesse. Les cellules souches, les facteurs de croissance, les nanotechnologies,… orchestrés par la physiologie seront à mon sens l’avenir de l’Homme. C’est la médecine physiologique.

Depuis janvier 2014, séquencer un génome humain entier ne coûte plus que 1000 dollars, et bientôt encore moins. La technologie s’améliore vite, au point de spécialiser les soins en fonction du patrimoine génétique de chacun. Dans quelle mesure le futur de la médecine réside-t-il dans les gènes ?

Aujourd’hui, il y a une vraie avancée. Le séquençage génomique a considérablement diminué en termes de coût. Néanmoins, il y a un certain nombre de gènes qu’on peut séquencer, et  il y a la totalité du génome, ce qui est différent. On en connait l’alphabet du génome, mais on est incapable d’écrire du Shakespeare avec. Plus on pense connaitre le génome, plus on a des visions excessives des choses. Il y a tellement de paramètres en jeu pour savoir si un gène va se développer ou pas, que personne n’est capable d’apporter aujourd’hui une réponse. Deuxièmement, un gène n’est pas forcément prédictif à 100 % d’une maladie ou d’une anomalie. La médecine prédictive part du principe que la connaissance des gènes permet de prédire les maladies afin de les prévenir et les traiter. Mais cela ne marche pas aussi bien que cela, car elle n’en est qu’à ses balbutiements, pour l’instant elle ne prédit pas grand chose. D’autre part, si l’on cherche à intervenir sur les gènes, c'est-à-dire modifier l’ADN des gens, on risque de faire plus de dégâts que de choses biens.

Les récentes avancées technologiques en génomique ont permis de mettre en lumière un grand nombre d'influences génétiques sur des maladies humaines complexes et communes telles que le diabète, l'asthme, le cancer ou encore la schizophrénie. Peut-on imaginer que ces recherches vont pouvoir faire disparaître des maladies répandues, comme Alzheimer par exemple ?

Le problème de l’Alzheimer est complexe et aujourd’hui encore, on ne connait pas vraiment l’origine de cette maladie. Il existe de nombreuses pistes sur lesquelles travaillent les chercheurs (intoxication à l’aluminium, anomalies au niveau des protéines, etc.). La piste génétique n’est qu’une des pistes en cours d’exploration. C’est d’ailleurs là toute la problématique de ces maladies liées au vieillissement. Il n’y a jamais un seul facteur unique en cause et il faut être capable d’avoir une vision très générale pour réellement améliorer le patient. A mon sens, c’est tellement compliqué qu’on ne pourra jamais trouver une solution univoque. Si une dizaine de facteurs amènent à faire une maladie Alzheimer, chez certaines personnes ce seront les paramètres 1, 4 et 8 qui seront déterminants, et chez d’autres ce seront les paramètres 2, 3 et 9. Cela ne peut donc pas être prédit, on alors, on est dans la biologie fiction. A mon sens, les vraies mesures d’espoir existent dès aujourd’hui et se trouvent dans le dépistage précoce et des prises en charges adaptées et personnalisées, associés à l’analyse du terrain physiologique. Ce sont là les vraies pistes afin d’intervenir efficacement sur le vieillissement, sur les maladies et aider les patients.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !