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Loi sur le renseignement : le fascisme en route, vraiment ?
©Reuters

Micro Brother is watching you

La loi sur le renseignement me fera peur lorsqu'on viendra m'arrêter pour avoir téléchargé un épisode de Game of Thrones sur PirateBay. En attendant, je crois que je vais faire l'impasse sur ce grand combat anti-totalitaire.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Ils ne ménagent pas leurs efforts, mes camarades du combat contre la loi sur le renseignement, mais ils auront du mal à me convaincre de descendre dans la rue avec eux. Ou plutôt de mettre des « likes » sous leurs statuts Facebook outragés et de relayer leurs messages gmail courroucés -- puisque c'est par là que passe la militance anti-totalitaire 2.0.

Non que je fasse partie de cette majorité silencieuse qui considère naïvement que le type qui n'a rien à cacher ne devrait pas avoir de problème avec la caméra branchée sur sa chambre à coucher, mais bien parce qu'une lutte pour l'anonymat numérique menée via des géants du big data plus intrusifs que la NSA et WikiLeaks réunis incite à hiérarchiser les risques...

Un peu comme la lecture ces articles de Rue89 --un site dont la visite remplit mon disque dur de plus de cookies qu'un paquet familial de Pepperidge Farm--, qui m'expliquent que ce « Patriot Act » à la française est à la fois une immense menace pour les libertés individuelles et une usine à gaz totalement inefficace. C'est d'ailleurs un peu toujours la même antienne, lorsque l’État se mêle de bouger une oreille dans le numérique : il est simultanément ridicule parce que n'importe quel twittos boutonneux est censé avoir deux fois plus de compréhension des enjeux techniques que les crânes d’œufs gouvernementaux, et orwellien parce que le but ultime est évidemment de mettre 65 millions de Français en petites fiches virtuelles.

Moi même, je n'y connais rien ou presque, en surveillance du Web et autres algorithmes antiterroristes. Et sans doute un dispositif installé chez mon fournisseur d'accès qui alerterait Bernard Cazeneuve à chaque fois que je télécharge un épisode de Game of Thrones sur PirateBay en utilisant un VPN (ça c'est pour montrer que je connais tout de même deux ou trois trucs...) me poserait un réel problème (il faudrait que je m'abonne à Canal ou à OCS).

Mais dans un pays largement incapable de simplement recenser les centaines d'exaltés qui, après un stage de Djihad en Syrie remboursé par le 1% formation, mitraillent des épiceries casher et des journaux satiriques, je vois mal le ministère de l'Intérieur mobiliser les moyens humains et matériels nécessaires au repérage de toutes les occurrences du mot « kalachnikov » sur le Web francophone et de les corréler avec celles de l'expression « Allah Akbar ».

Pour ne rien dire d'enquêteurs des services fiscaux (les plus retors dit-on) infichus de découvrir combien de députés planquent leurs économies en Suisse ou de limiers du ministère de la Justice incapables de repérer un directeur d'école pédophile déjà condamné...

En vérité, si j'étais moi-même convaincu des compétences publiques en matière de surveillance des fanatiques qui font des piges pour le calife sur le territoire français, non seulement je ne me battrais pas contre mais, en plus, je m'en féliciterais. Je demanderais évidemment que des garde-fous soient mis en place pour que je puisse poursuivre mes téléchargements illégaux sans être inquiété mais pour le reste, je me dirais que c'est tout de même un peu le job des flics, de chercher à stopper les méchants autrement qu'avec des pistolets à bouchon et des Minitel première génération.

L'un des arguments à la mode des combattants de la liberté, c'est que nos entreprises d'hébergement vont se faire la malle et qu'on y perdra au change. D'abord, j'ai du mal à le croire parce que les pays où ils iront s'installer qui ne sont pas en train de concocter leur propre loi du même tabac ne doivent pas être bien nombreux (OK, ils peuvent toujours faire un Snowden et délocaliser leurs serveurs à Moscou, capitale mondiale de la liberté d'expression). Ensuite parce que que dans les gazettes, on parle autant d'hébergeurs qui débarquent que du contraire.

Mais bon, je me trompe peut-être, c'est possible, puisqu'on a vu que je n'y connaissais rien ou presque. Et peut-être l'avant-garde des geeks éclairés se tapera-t-elle la tête contre le mur en constatant à quel point les moutons dans mon genre se laissent bourrer le mou par le pouvoir sans réagir.

Tant pis pour eux. Après tout, on ne peut pas être de toutes les luttes et personnellement, ces jours-ci, je préfère me documenter sur la manière dont les gouvernements nous assassinent en mettant des produits toxiques dans les gaz d'échappement des avions et prennent le contrôle de nos cerveaux en ajoutant du fluor dans le dentifrice et l'eau potable. Comment ça vous ne saviez pas ? Vous n'avez pas été alertés sur Facebook ? Inconscients manipulés !

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