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Yaël Braun-Pivet, la présidente de l'Assemblée nationale.
Yaël Braun-Pivet, la présidente de l'Assemblée nationale.
©Joël SAGET / AFP

Chroniques parlementaires

Après s’être fait surprendre une première fois, avec une proposition de loi du groupe Liot abrogeant la réforme des retraites, la majorité s’est jurée de ne plus s’y faire reprendre.

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

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Après s’être fait surprendre une première fois, avec une proposition de loi du groupe Liot abrogeant la réforme des retraites, la majorité s’est jurée de ne plus s’y faire reprendre. Le groupe de La France insoumise ayant décidé d’inscrire deux textes sur le sujet, dans sa journée parlementaire du 30 novembre, la présidente de l’Assemblée nationale a sorti l’artillerie. Le droit parlementaire étant souple, les cordes de rappel existent, pour que la majorité (même relative) puisse garder une forme de contrôle des débats.

Yaël Braun-Pivet a donc convoqué, le 17 octobre, le bureau de l’Assemblée, instance de décision suprême sur les questions de droit parlementaire, pour empêcher le dépôt de ces deux propositions de loi. Bien évidemment, si elles ne sont pas déposées, elles ne peuvent pas être inscrites à l’ordre du jour et débattues. On tue ainsi l’initiative dans l'œuf et on évite un nouveau psychodrame parlementaire.

L’argument retenu, juridiquement imparable, est l’irrecevabilité financière : revenir, dans un sens plus généreux pour les salariés, sur le réforme des retraites, va provoquer une augmentation des dépenses publiques. Or, il est interdit aux initiatives parlementaires de le faire. Normalement, ce contrôle est assuré par une délégation du bureau, de manière certes systématique, mais jusqu’ici très souple, voire laxiste. Le groupe Liot a bénéficié de cette indulgence coutumière, mais a quelque peu fermé la porte derrière lui, vu le risque, découvert après coup par le gouvernement, que ce texte pourrait être adopté, vu qu’il ne dispose pas d’une majorité absolue pour le faire rejeter.

La manœuvre n’est pas que technique, elle est aussi politique, car le bureau étant une instance pluraliste, elle comprend au moins un représentant de (quasiment) tous les groupes politiques. Cela amène donc les alliés de la France Insoumise, et toute l’opposition, à se prononcer sur une décision appelée à faire jurisprudence, car il n’est pas fréquent (c’est même peut-être inédit) que ce soit le bureau, en formation plénière qui se prononce sur la recevabilité financière d’un texte.

Même si on peut ergoter techniquement sur le fait que ces deux textes auraient surtout baissé des recettes, mais pas nécessairement augmenté les dépenses, il y a un réel enjeu financier d’équilibre des comptes publics. Là où la décision est plus contestable, c’est que dans le même paquet de propositions de lois que LFI veut mettre à l’ordre du jour le 30 novembre, il y en une qui, manifestement, augmente les dépenses publiques. Il s’agit de celle de Danielle Obono, qui oblige l’administration à maintenir ouverts des guichets d’accueil du public, interdisant la dématérialisation totale des services publics. Elle a pourtant été enregistrée (donc jugée recevable), et pourra être discutée lors de la journée LFI.

En créant ainsi un double standard, la décision du bureau de l’Assemblée nationale du 17 octobre ouvre un champ d’investigation à tous les spécialistes du droit parlementaire, sur les critères de choix des propositions de loi dont l’examen doit passer en bureau plénier…

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