La réforme des retraites ne s’écrira pas à l’Assemblée<!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, s'exprime lors des débats sur la réforme des retraites à l'Assemblée nationale.
Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, s'exprime lors des débats sur la réforme des retraites à l'Assemblée nationale.
©Ludovic MARIN / AFP

Chroniques parlementaires

Alors que les députés ont entamé les débats à l'Assemblée sur le projet de réforme des retraites défendu par Emmanuel Macron et Elisabeth Borne, l'essentiel de la réforme va en réalité se jouer au Sénat.

Samuel Le Goff

Samuel Le Goff

Ancien assistant de députés, ancien journaliste parlementaire et aujourd'hui consultant, Samuel Le Goff fréquente le palais Bourbon et ses environs depuis 20 ans.

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Les députés ont déposé plus de 20 000 amendements sur le texte de réforme des retraites. Une stratégie poussée par la France Insoumise, avec 17000 amendements à elle seule, destinée à prendre le contrôle du rythme des débats. Si à l’évidence, l’examen dans l’hémicycle du Palais-Bourbon sera une grande bataille politique, elle n’en sera pas pour autant une bataille parlementaire. Car pour ce qui est de l’écriture du texte, et donc du fond de la réforme, l’essentiel va se jouer au Sénat.

En effet, le choix du gouvernement de passer par un texte budgétaire lui permet de limiter la durée des débats. Si jamais, au bout de 20 jours, les députés n’ont pas terminé, c’est le texte initial du gouvernement qui est transmis aux sénateurs. En cas de rejet par les députés, c’est le même scénario, le Sénat travaille sur la base du projet gouvernemental. Il est difficile d’envisager que les députés finissent en moins de 20 jours, et arrivent finalement à un compromis permettant d’adopter le texte. Elisabeth Borne ne dispose que d’une majorité relative, et a absolument besoin de toutes les voix dans son camp (ce qui n’a rien d’évident) mais également celles du groupe LR, très divisé.

Un fois au Palais du Luxembourg, le texte sera examiné et voté dans les délais impartis, mais dans la version voulue par la majorité sénatoriale de droite. Il n’est pas dit que le gouvernement s’y retrouve complètement, pas plus que les députés LR. Après cette étape, viendra la commission mixte paritaire (CMP), où 7 députés et 7 sénateurs se retrouvent pour élaborer un texte de compromis. Si un accord est trouvé entre la majorité gouvernementale à l’Assemblée, et la majorité sénatoriale, la réforme aura passé un cap décisif.

Il ne restera plus qu’à faire ratifier le texte de compromis aux deux assemblées. Seul le gouvernement ayant la possibilité de déposer des amendements à ce stade, il n’y a plus d’obstruction possible.

Si l’opération ne sera qu’une formalité au Sénat, elle sera plus délicate à l’Assemblée, où le gouvernement va retomber le problème de son absence de majorité absolue. Soit un compromis est finalement trouvé avec les députés LR, soit le gouvernement est obligé de finir aux forceps, avec l’article 49 alinéa 3. Cette disposition, maintenant bien connue, permet de faire adopter sans un vote un projet de loi et le choix de passer par un texte budgétaire permet à Elisabeth Borne de ne pas “cramer” son joker. En effet, le gouvernement n’a le droit qu’à un seul 49.3 par session… hors textes budgétaires.

Le gouvernement aurait pu, d’emblée de jeu, dégainer cette arme, mais un tel passage en force est politiquement inconcevable. Il est préalablement nécessaire de montrer que le débat n’est pas possible avec les députés, mais également qu’en discutant avec des gens raisonnables (les sénateurs) un compromis est possible. Ce n’est qu’une fois ces étapes passées qu’Elisabeth Borne peut éventuellement conclure un peu brusquement la séquence, pour simplement valider un texte de compromis.

Dans ce scénario, les députés n’auront aucune prise sur le contenu concret du texte, laissant toute la place aux sénateurs. En échange, ils auront une belle exposition politique et médiatique, ce qui est peut-être ce qui les intéressent davantage.

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