L’Occident, indifférent aux persécutions des chrétiens d’Afrique, cibles privilégiées des jihadistes et des politiques de réislamisation <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
L’Occident, indifférent aux persécutions des chrétiens d’Afrique, cibles privilégiées des jihadistes et des politiques de réislamisation
©Brian OTIENO / AFP

Géopolitico-Scanner

L’Afrique est le continent où la persécution envers les chrétiens empire le plus vite et le plus massivement, ceci dans l’indifférence générale de l’Occident et des Nations Unies, bien plus préoccupés par l’islamophobie occidentale souvent imaginaire

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

Voir la bio »

Outre les violences meurtrières, souvent du fait de groupes jihadistes, comme on le voit régulièrement au Nigeria ou plus récemment au Burkina-Faso, les voies de persécutions de chrétiens passent également par des injustices, des brimades au quotidien et des persécutions d’Etat (Somalie, Soudan, Mali, pays du Maghreb, Mauritanie, Tchad, etc) fruits directs de la politique générale de la réislamisation des communautés et Etat musulmans d’Afrique gangrenés par le salafisme importé des pays du Golfe. Dans sa classification des persécutions de chrétiens de le Monde (« Index annuel»), l’association protestante-évangélique Portes Ouvertes montre que dans le « top 50 », on retrouve 14 pays africains (dont l’Égypte). Signe peu rassurant, la plupart des nouveaux pays persécuteurs de chrétiens sont Africains et intercommunautaires : Sud Soudan, Burkina-Faso, Mozambique, Burundi, Rwanda, la République Démocratique du Congo, Cameroun, Tchad. Parmi ceux qui sont « traditionnellement » des pays où les chrétiens sont persécutés, le Nigeria demeure le plus violent. Rien qu’en 2018, Portes ouverte a recensé en Afrique près de 4000 chrétiens assassinés pour leur foi, un chiffre qui dépasse le nombre total de chrétiens tués en 2017 dans l’ensemble de la planète…

Le dimanche 28 avril, à 13 h 00, un attentat islamiste anti-chrétien a été perpétré au Burkina-Faso contre une église protestante de Silgadji (nord du pays, province de Soum). Bilan six morts - dont le pasteur - tués à la sortie de l’office par des tirs en rafale. Selon un scénario désormais classique, une dizaine d’hommes armés sont arrivés à moto, abattant le pasteur, ses 2 enfants et 3 fidèles. Ce type d’attaques est hélas devenue monnaie courante au Burkina Faso depuis 2015, avec l’expansion du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM) et de l’État Islamique au Grand Sahara (EIGS). Jadis pacifique, la province de Soum est depuis lors l’une des cible régulières et privilégiées du jihad. Dans cette zone du Nord du pays tenue par des groupes islamistes légaux et des groupes jihadistes de plus en plus imposants, les attentats visent systématiquement des personnels religieux et édifices cultuels chrétiens. Cette attaque christianophobe barbare, la « première » à avoir visé une église au Burkina-Faso depuis le début de l’insurrection djihadiste en 2015, a été totalement passée sous silence par les médias occidentaux. Ceux-ci e relaient pratiquement jamais l’information - pourtant conformée par les experts et les ONG - selon laquelle l’Afrique, nouvelle terre du jihad, est devenue le premier continent en nombre de chrétiens tués pour leur foi. Dans ce nouveau contexte, les chrétiens sont régulièrement pris pour cible et tués au Burkina Faso. Citons d’autres attaques jihadistes anti-chrétiennes parmi tant d’autres au Burkina : en mars dernier, l’abbé catholique Joël Yougbaré a été enlevé puis assassiné par un groupe jihadiste ; le 15 février dernier, le missionnaire protestant espagnol César Fernandez a été quant à lui abattu à bout portant lors d’une attaque jihadiste. Le 3 juin 2018, c’est le pasteur évangélique Pierre Boena, originaire de Bilhore, qui a été enlevé avec son fils, sa belle-fille et sa petite-fille. Et le 20 mai de la même année, un responsable chrétien de la paroisse d'Arbinda (40km de Bilhore), a été kidnappé avec sa femme. On se rappelle aussi de l’assassinat, en janvier 2016, à Ouagadougou, de 30 personnes dont 7 chrétiens en pèlerinage dans le cadre d’une série d’attentats revendiqués par Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI). Parmi les victimes figurait un missionnaire américain qui dirigeait avec son épouse, depuis 2011, un orphelinat et un refuge pour femmes.  

Le jihadisme anti-chrétiens, une « nouveauté au Burkina-Faso… et une « mode » anti-occidentale en Afrique

Au Burkina Faso, pays à majorité musulmane, les chrétiens composent entre 20 et 25 % de la population. Si les 20 millions de burkinabés cohabitaient en paix depuis toujours, l’émergence de l’islamisme radical salafiste et du jihadisme est en train de changer la donne, à l’instar du Mali voisin, où les chrétiens sont de plus en plus menacés et empêchés de pratiquer leur foi en paix et en sécurité par une double pression politico-sociale néo-islamiste et jihadiste. Dans le contexte déjà très chaotique du Sahel, nouvelle terre de prédilection du jihadisme, le Burkina Faso a subi depuis l’année 2015 pas moins de 80 attaques islamo-terroristes. On se rappelle notamment de l’attentat du 2 mars contre l'état-major général des armées et l'ambassade de France à Ouagadougou perpétré par le Groupe pour le soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), qui a fait 16 morts. Ou encore de celle du 13 août 2017, lorsque des jihadistes ont ouvert le feu sur un restaurant du centre de Ouagadougou (19 morts). D’une manière générale, on constate dans tout le continent africain une augmentation de tensions entre les communautés, la plupart du temps attisée par des groupes islamistes. Cette nouvelle intolérance anti-chrétienne est le fruit direct de la diffusion du salafisme wahhabite importé à coup de pétrodollars depuis des décennies d’Arabie Saoudite et du Qatar. Cette wahhabisation de l’islam africain est catastrophique pour les chrétiens en particulier et les non-musulmans en général (animistes), car l’islam africain, jadis plus ou moins tolérant et imprégné de traditions maraboutiques hétérodoxes issues du totémisme et du soufisme, est devenu de plus en plus orthodoxe et par conséquent intolérant. Les néo-salafistes s’en prennent systématiquement aux chrétiens, spécialement aux convertis, ces anciens musulmans devenus chrétiens souvent au contact des églises évangéliques en plein essor en Afrique et partout dans le monde.

L’Afrique, terre de prédilection du Jihad et de la nouvelle stratégie des centrales islamo-terroristes

La dramatique réalité qui fait des chrétiens - surtout des minorités chrétiennes des pays majoritairement musulmans mais pas seulement - des cibles privilégiées des jihadistes, est le fruit d’une stratégie globale des groupes islamistes, tant politiques (institutionnels/légaux) que jihadistes (terroristes), a été développée depuis les années 1980  par les Frères musulmans et Al-Azhar au niveau légal, puis par Al-Qaïda dans les années 2000. Cette « nouvelle solution finale » des chrétiens qu’appellent de leurs vœux les grandes centrales jihadistes a ensuite été portée à son comble depuis 2014 avec l’expansion de l’Etat islamique. Depuis, cet appel à s’en prendre aux « croisés chrétiens», y compris issus des pays du Sud colonisés, donc pas du tout occidentaux, a inspiré de plus en plus d’attaques anti-chrétiennes, dans des Églises, durant des fêtes de Noël ou Pâques, et même dans des monastères, comme on l’a vu en Irak, en Syrie, en Egypte, au Pakistan, en Turquie, au Maghreb, en Somalie et même très récemment au Burkina-Faso, au Cameroun, au Nigeria ou au Sri-Lanka. Partout où ils ont le malheur de cohabiter (même pacifiquement) avec des communautés islamiques radicalisées ou de se trouver sur le chemin des jihadistes, les chrétiens sont systématiquement pris pour cibles en tant que nouveaux bouc-émissaires favoris, en tant que « croisés », et « 5ème colonnes » de l’Occident. Et bien qu’étant absurde, cette accusation qui vise à assimiler les fidèles du Christ à des « complices des colonisateurs européens », a convaincu moult « anti-impérialistes », même lorsque les chrétientés autochtones vivent dans ces pays depuis bien plus de temps que les musulmans (comme c’est le cas en Syrie/Irak, en Egypte ou dans la plupart des pays d’Asie). D’une manière générale, les violences anti-chrétiennes sont de plus en plus meurtrières dans l’ensemble de l’Afrique Subsaharienne et sahélienne, d’Est en Ouest, partout où des majorité ou des minorités chrétiennes cohabitent de plus en plus difficilement avec des majorité ou des minorités musulmanes travaillées par l’islamisme radical wahhabite/salafiste. L’essentiel des attaques sanglantes commises à l’encontre des chrétiens africains est certes essentiellement le fait de groupes jihadistes et de guérillas islamistes, mais elles sont aussi alimentées par le climat général de diabolisation anti-occidentale (Boko Haram signifie littéralement « Occident Interdit ») et anti-chrétienne qui sévit dans l’ensemble du Sud ex-colonisé de la Planète et sur lequel surfe la mouvance islamiste et jihadiste qui prétend incarner l’Avant-garde de la lutte « anti-impérialiste » et du combat en vue d’une « seconde décolonisation ». Jusqu’à une période récente, les attaques islamo-terroristes dans des pays du Sahel visaient essentiellement les militaires et les fonctionnaires, comme on l’a vu au Niger ou au Burkina-Faso récemment, mais désormais, les jihadistes s’en prennent de plus en plus aux écoles publiques et en particulier aux chrétiens de ces établissements, et les incursions islamistes/jihadistes en pays chrétiens (Cameroun, Centre-Afrique, Kenya, etc) sont de plus en plus fréquentes et  meurtrières.

Le retour de la razzia : Les nomades musulmans peuls fuyant la désertification allant razzier les anciens esclaves chrétiens et animistes du Sud mieux lotis…

Outre le groupe jihadiste Boko Haram, rallié à Daech, le problème pour les chrétiens ne vient pas que des mouvements terroristes qui frappent d’ailleurs souvent aussi des musulmans modérés ou lambda jugés « apostats », car le problème de fond réside dans le vaste phénomène d’exode des nomades africains musulmans membres des ethnies Peuls ou Foulani, venus du nord en proie à la sécheresse, qui descendent de plus en plus vers le centre et le sud en pays majoritairement chrétienne. Les nomades musulmans se déplacent en effet de plus en plus vers des terres chrétiennes (mouvement Nord/Sud) pour échapper au changement climatique, comme on le voit par exemple au Nigéria, pays le plus dangereux pour les chrétiens (musulmans pauvres au Nord et Chrétiens mieux lotis détenteurs d’eau et d’hydrocarbures au sud), au Mali, au Burkina-Faso ou au Centre-Afrique (victimes de razzias massives depuis plusieurs années). Dans leur pérégrination visant à retrouver du pâturage pour leur bétail, les tribus de prédateurs nomades musulmans attaquent régulièrement les villages chrétiens, et, bénis par des prêcheurs islamistes radicaux qui s’appuient sur la tradition légale du jihad et de la razzia contenue dans la Charià, razzient et souvent tuent les familles chrétiennes pour prendre leurs biens et leurs filles... Ceci dans l’indifférence générale de ladite « communauté internationale ». De nombreuses églises sont ainsi pillées et des villages chrétiens souvent entièrement razziés et victimes d’exactions, vols, enlèvements et viols). Mais ce véritable nettoyage ethno-religieux qui se produit dans l’indifférence des autorités et des médias occidentaux, bien plus promptes à dénoncer « l’islamophobie » imaginaire de l’Occident ou le « sionisme » que le totalitarisme islamiste, est globalement ignoré par les Nations Unies et les médias des grandes puissances. Dans son « Index des persécutions chrétiennes, publié chaque année depuis 25 ans, l’ONG Portes Ouvertes constate ainsi que les 7 premiers pays d’Afrique pour la persécution des Chrétiens par les musulmans sont, en nombre de morts, le Nigeria, la Centrafrique, la Somalie (avec les jihadistes Shebabs), le Kenya (dans la partie frontalière de la Somalie, où les Shebabs attaquent les villages chrétiens), le Congo, le Mozambique et l’Éthiopie. Dans ce dernier pays, divisé (chrétiens-Orthodoxes 43,5% ; Protestants 18,6% ; Animistes 2,6%, Catholiques 0,7% ; Musulmans 33,9% en pleine expansion démographique et religieuse), le pouvoir ne pratique pas un anti-christianisme d’Etat, puisque les chrétiens majoritaires sont respectés, mais les protestants évangéliques, bien plus pro-occidentaux et prosélytes, y sont officiellement persécutés. Dans le même temps, les populations éthiopiennes musulmanes sont de plus en plus remontées contre les chrétiens et les attaques anti-chrétiennes sont monnaie courante dans les régions majoritairement musulmanes travaillées par les mouvances islamistes des pays islamiques voisins. Portes Ouvertes dénombre 245 millions de chrétiens fortement persécutés dans le monde, soit 1 sur 9. En 2018, l’ONG affiche le nombre de 4305 chrétiens tués, un chiffre en hausse de 40% par rapport à 2017. L’association dénombre également 3150 chrétiens actuellement détenus à travers le monde dans des geôles d’Etat (Asie) ou par des groupes islamistes/jihadistes.

Bref aperçu de la christianophobie islamique africaine… Du Nigeria à la République centrafricaine

Bien que progressant en Asie et au Moyen-Orient, les persécutions violentes et meurtrières à l’encontre les Chrétiens sur le continent africain sont en constante augmentation au Nigeria, où « les chrétiens du Nord-Est sont soumis à la charia, attaqués par Boko Haram, et que l'immense majorité des chrétiens tués sont en Afrique. Les chrétiens centrafricains dans les régions musulmanes sont quant à eux systématiquement opprimés, victimes de razzias, de pillages, d’enlèvement, dans l’indifférence générale. Et les milliers de déplacés victimes des razzias des rebelles/pilleurs islamistes venus du Nord sont parqués dans des camps du désespoir. Depuis des années, et en dépit de l’intervention militaire française et de la présence de forces d’interposition internationales, le conflit en République Centrafricaine et les massacres de chrétiens ne font plus la une de l’actualité. Les trois quarts du pays sont toujours occupés par des groupes armés majoritairement islamiques (alors que le pays est majoritairement chrétien !), mais l’État, non secouru par la France et la « communauté internationale », n’a pas les moyens d’y faire face et de rétablir la paix. Rappelons que la majorité de Centrafricains sont chrétiens, principalement catholiques. Ce qui n’empêche pas les protestants et évangéliques d’être, comme ailleurs en Afrique, en plaine croissance. Depuis les incursions de tribus islamiques venues du Nord en 2013, les chrétiens sont systématiquement visés par des groupes jihadistes et « rebelles » islamiques comme la tristement célèbre Séléka, le FPRC, l’UPC ou « 3R ». En zone majoritairement musulmane, les chrétiens sont systématiquement agressés, pillés et tués, et leurs églises détruites ou vandalisées. Les agressions et massacres anti-chrétiens ont provoqué le déplacement de milliers de chrétiens dépouillés depuis de tous leurs biens et demeures.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !