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De Bolsonaro en particulier aux "populistes" en général : "l’extrême-droite" n’est plus ce qu’elle était, ou l’affolement de la gauche face au retour de la Nation…
©RICARDO MORAES / POOL / AFP

Géopolitico-Scanner

Les aspects saillants de la politique prônée par le nouveau président brésilien Jair Messias Bolsonaro (libéralisme économique, pro-américanisme, pro-sionisme, lutte contre la corruption, strict parlementarisme, décentralisation, anti-étatisme, etc) ne correspondent tout simplement pas au modèle « fasciste » ou même de l’extrême-droite historique en tant que telle.

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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La presse occidentale a certes quasi unanimement qualifié le nouveau président élu – démocratiquement rappelons-le – Jair  Messias Bolsonaro de « fasciste-misogyne-homophobe-raciste », d’homme de « l’extrême-droite », voire de « nazi » nostalgique de la dictature militaire et nous en passons. Toutefois, si cette technique de diabolisation fondée sur la « reductio ad hitlerum », à très haute dépense énergétique mais à valeur analytique quasi-nulle commence à perdre en puissance de frappe, nous nous plierons tout de même à l’exercice obligé qui consiste à y répondre non dans le cadre d’une « défense » du bolsonarisme, dont nul ne sait ce qu’il sera concrètement avec le temps, mais à tout le moins du programme du nouveau président tel qu’affiché durant la campagne et après la victoire face à la gauche de Fernando Haddad (PT, parti des Travailleurs), qui ne semble pas accepter réellement sa défaite.

Est-il intellectuellement recevable de qualifier Jair Bolsonaro de « fasciste »  ou d’extrême-droite? 

Sa politique économique, d’abord, suffit à le sortir des rangs « nazi-fascistes », puisqu’aux antipodes des socialistes-étatistes que sont tous les totalitarismes rouges et bruns, le nouveau président élu envisage une privatisation massive et promet d’ailleurs d’affecter les profits ainsi engrangés à la réduction de la dette nationale du Brésil qui, en 2017, s’élevait tout de même à 544 milliards de dollars, soit près de 75% du PIB. En général, ce genre de problème de dette ne préoccupent pas plus les « fascistes bruns » que les « fascistes rouges » (expression de la célèbre journaliste et ex-résistante italienne Oriana Fallait), les uns étant tous aussi étatistes et socialistes que les autres et la dette étant en général pour eux le fruit d’un « complot des banques et des agences de notation liées à la finance mondiale judéo-maçonnique ». Le grand Libéral-conservateur Von Hayek a d’ailleurs bien montré dans son ouvrage impérissable « La roue de la servitude » (1944), que le socialisme et l’interventionnisme étatiste sont les marques du totalitarisme nazi-fasciste comme stalino-léninistes communistes. Or l’interventionnisme est ce que Bolsonaro exerce par-dessus tout, lui qui a choisi comme l’un de ses slogans de campagne : « Moins de Brasilia, plus de Brésil » (soit, mois d’étatisme interventionniste centralisé, moins de fonctionnaires dans la capitale, et plus de liberté dans le pays, notamment aux entreprises). Et lui qui va nommer comme son super ministre de l’économie le très libéral et monétariste Paulo Guedes, éduqué à l’école de Chicago, autre bête noire commune des Rouges comme des Bruns. Rappelons que le Parti des Travailleurs (PT) des ex-présidents brésiliens Lula da Silva, Dilma Roussef et du candidat de Gauche perdant, Ferdinando Haddad (44 % des voix face à Bolsonaro, 56 %), formation qui a dirigé sans partage le pays ces trente dernières années, a fait passer le Brésil du statut de grand pays émergeant très prometteur et à la forte croissance à celui de parent-pauvre des BRICS en continuelle paupérisation. Il est vrai que dans le domaine de l’égalitarisation par le bas et l’appauvrissement, la gauche a moult fois démontrée, en Amérique latine comme ailleurs qu’elle est très douée pour rendre pauvre et chaotique des pays prometteurs et/ou prospères. Soutenu par les milieux d’affaires, le président Bolsonaro entend ainsi promouvoir à nouveau l’entrepreneuriat, persécuté par l’hyper-fiscalisme et la bureaucratie étatiste ; faciliter l’accès au travail au lieu d’assister des masses tombées dans le piège clientéliste ; abolir les normativités bureaucratiques excessives qui entravent le jeu du marché et l’emploi ; alléger les taxes dissuasives ; protéger mieux la propriété privées ; lutter contre la corruption ; renforcer l’indépendance de la Banque centrale, réformer le système des retraites par le retour au système par capitalisation, bref, encourager les capacités productives de la Nation afin de mettre fin au cycle infernal de l’assistanat-déresponsabilisation qui fabrique oisiveté et pauvreté nationales en faisant sortir très artificiellement les très malheureux de leur précarité, dans la mesure où les caisses de l’Etat-providence sont désormais vides. On remarquera que ce programme est totalement anti-socialiste, donc anti-fasciste, et parfaitement libéral d’un point de vue économique. Pour les autres thèmes, notamment sécuritaires et sociétaux, on conviendra que l’on a affaire à un programme très conservateur, ce qui fait du bolsonarisme un « libéral-conservatisme », également cher à l’adepte de la démocratie « illibérale » de Victor Orban, ce qui ne signifie ni être anti-démocratique ni anti-libéral au sens économique, mais plutôt hostile au « libertarisme » ou à l’ultra-libéralisme anti-national, ce qui est très différent. En fait, la différence entre le libéral-conservatisme et le libertarisme est que dans le premier cas, l’Etat-Nation (dans ses fonctions essentielles régaliennes) et la Tradition, au sens de valeurs, sont premiers tandis que l’économie est seconde, alors que dans le libertarisme, les valeurs traditionnelles et patriotiques doivent s’effacer devant les seules lois du marché, tandis que l’Etat est l’Ennemi.

La lutte contre l’insécurité n’a pas été la seule clef de son succès

Présenté comme l’homme de la « répression », le « nostalgique de la dictature militaire », Bolsonaro veut certes resserrer la vis dans un pays où la violence est endémique (65.000 morts par an, plus qu’en Syrie !), en renforçant les moyens de la police et avec une mesure discutée qui vise à abaisser la majorité pénale à 17 ans, dans un contexte où les mineurs sont largement utilisés par des gangs qui misent sur l’impunité, meilleur carburant du crime. Toutefois, cela ne fait pas de lui un « dictateur », d’autant que ses propos parfois favorables au régime autoritaire passé doivent être replacés dans le contexte de l’époque : la lutte contre le péril communiste qui menaçait toute l’Amérique latine, de Cuba au Chile d’Allende en passant par le Nicaragua où Ronald Reagan appuyait des nationalistes chrétiens anti-communistes. Par ailleurs, le système « répressif » que Bolsonaro voudrait mettre en place pour lutter contre crime ne doit  être séparé d’un autre thème contexte : celui de la lutte contre une corruption inouïe des institutions publiques, y compris judiciaires, et de la classe politicienne, à 40 % visée par des enquêtes anti-corruption… 
Toutefois, la géographie électorale amène à un constat assez contre-intuitif : les Etats (de ce pays fédéral) ayant voté le plus à gauche figurent en fait parmi les plus violents (région Nord-Este), tandis que parmi ceux où l’on a le plus massivement (70%) voté en faveur de Jair Messias Bolsonaro (Acre, Rondonia et Roraima), on retrouve des Etats fédérés parmi les moins violents du pays. En fait, cela signifie qu’au-delà de l’insécurité perçue ou réelle, le candidat Bolsonaro a été plébiscité par tous ceux qui voulaient avant tout - et par tous les moyens - en finir avec « l’Etat-Parti » PT (« Estado-Partido »), le « parti-Mafia », ses politiques clientélistes d’un côtés et laxistes de l’autres (les deux étant liées), lorsque l’on sait que dans leur recherche désespérée de « clients-électeurs », les leaders du PT ont accordé aux prisonniers depuis des années des allocations supérieures au salaire minimum des travailleurs honnêtes ! Quant au patriotisme de ce pays très fier et à l’intérêt national, des millions de Brésiliens choqués que la banque BNDES (normalement destinée à abonder les entreprises brésiliennes) ait détournée des milliards de reais au profit de la promotion du marxisme dans toute l’Amérique latine (Bolivie, Cuba, Vénézuéla, etc), et que le PT ait promis des « terres indépendantes aux Amérindiens », pensent (à tort ou à raison) qu’il a été gravement « trahis » par, Lula, Roussef et le PT. Pour nombre d’électeurs de Bolsonaro, le soutien idéologique et logistique du PT à des mouvements indépendantistes indiens en Amazonie puis à la plupart des mouvements révolutionnaires d’Amérique-latine (y compris les FARC colombiennes) et même du Proche-Orient (terroristes du Hamas et Hezbollah), non seulement ne va pas aider à améliorer le niveau de vie des autochtones mais va au contraire diviser le pays et créer de véritables bombes à retardement géopolitiques internes. D’où le slogan un peu vite jugé de « raciste » de Bolsonaro, qui n’a cessé de déclarer durant la campagne : « Les Indiens n’ont pas besoin de terre mais de dignité » et « halte à la menace chiite ». Si l’humain était logique, le nouveau président brésilien devrait normalement plaire aux Occidentaux, puisqu’il est très pro-américain, pro-atlantiste, très hostile à l’Iran-chiite et au Hezbollah qu’admirent les vrais nazis-fascistes par haine d’Israël, et dans la mesure où il appelle à une coopération renforcée entre les deux leaders du nord (Etats-Unis) et du sud (Brésil) du Continent américain. D’un certain point de vue, malgré son « populisme » et sa conception musclée de la démocratie, Bolsonaro partage en fin de compte l’ensemble des valeurs originelles et fondatrices de l’Occident, en tout cas si ce ne sont pas les valeurs actuelles des démocraties cosmopolitiquement correctes devenues anti-nationales, ce sont toutefois celles (encore nationales) mises en place après la seconde guerre mondiale et défendues durant toute la Guerre froide : défense de l’économie de marché, du libéralisme économique, de la démocratie, de la souveraineté des Nations, et pro-américanisme, autant de thèmes qui font horreur à la fois à l’extrême-gauche, que Jair Bolsonaro déteste, qu’à l’extrême-droite réelle, foncièrement anti-américaine, dont il se distingue à maints égards même s’il est « très à droite », ce qui n’est pas synonyme de fascisme et de nazisme.  

Qui agite le plus « les peur » et la « haine »? Les « populistes » ou ceux qui crient au retour de la bête-immonde » ? 

Bien que la majorité des évêques brésiliens, encore marqués par le fameuse « théologie de la Libération » - qui distilla le marxisme dans l’Église durant la Guerre froide - ait appelé à voter en faveur du candidat de gauche Fernando Haddad, et bien que le Pape François, issu de l’Argentine voisine, soit plutôt anti-Bolsonaro, le nouveau président brésilien a fait sien le propos célèbre du Pape défunt Jean Paul II : « N’ayez pas peur », un Pape qui était foncièrement, comme Bolsonaro, anticommuniste et un défenseur d’un Occident ayant retrouvé ses racines judéo-chrétiennes face aux paganismes nazis et marxistes. Mais face à un homme politique brésilien qui promet de mettre fin à la vague « rouge », une vague qui avait touché nombre de pays d’Amérique latine dans les années 1990, notamment dans le cadre du plan du « Forum de Sao Paulo » mis en place par Lula da Silva et Fidel Castro pour répandre partout le modèle socialiste face aux Etats-Unis, les médias brésiliens et la quasi-totalité des médias occidentaux, n’ont cessé de brandir la « menace » du « retour de la dictature». Comme avec les « populistes europhobes » partisans d’une sortie de l’euro ou de l’UE, l’argument de la gauche brésilienne et internationale anti-Bolsonaro consiste à entretenir la peur, annoncer l’apocalypse, des « spirales d’exclusion, de rejets et de haine», brandir la menace de la « répression », d’où l’appel à la « Résistance » lancé par la Gauche brésilienne dès la victoire du candidat Bolsonaro, et d’où les projets de « désobéissance civile », sans parler des déjà nombreuses agressions violentes de militants pro-Bolsonaro perpétrées par les militants du PT ou de l’extrême-gauche depuis le début de la campagne et le nuit de la victoire.
De la même manière, si l’on analyse le traitement médiatique du Brexit en juin 2016, ou plus récemment l’élection de Trump, on se rappelle que les opposants aux « populistes » ne cessèrent de contester la légitimité démocratique de ceux-là mêmes qui avaient remporté les élections, tantôt en prophétisant le chaos et la misère avec le Brexit, tantôt en annonçant une « main-mise » russe et le retour à la ségrégation raciale avec Donald Trump. Les spectres du retour du « fascisme », de la « régression sociétale», du « chaos politique», de la « guerre civile », voire de la « fin du monde » sont toujours proches, si l’on écoute les donneurs de leçons politiquement corrects. Toutefois, on ne relève curieusement presque jamais leur manifeste contradiction qui consiste à accuser le droite « populiste » à « jouer sur les peurs » alors que leur rhétorique victimaire et diabolisante à la fois consiste presque exclusivement à agiter les peurs et à annoncer les « catastrophes ». En Hongrie, en Italie, c’est une majorité d’électeurs qui sont ainsi diabolisés ou présentés comme les fomenteurs de périls. De la même manière, au Brésil, ce sont 55 % d’électeurs lassés de la corruption, horrifiés par l’insécurité et outrés par les projets « sociétaux » ultra-minoritaires imposés depuis des décennies à une majorité chrétienne attachée aux valeurs qui sont traînés dans la boue. Finalement, ceux qui dénoncent le « cancer populiste » ne cachent plus leur mépris envers un peuple qu’il faudrait continuellement « rééduquer », car « raciste-homophobe-violent et primaire » par nature en l’absence de « l’éclairage » de l’Establishment éveillé. De ce fait, ce qui est insupportable, pour les tenants du bisounoursland européen et de l’idéologie post-nationale et antipolitique « Mc World », c’est que, de la Hongrie au Brésil, en passant par l’Italie ou l’Autriche, il ne suffit pas (ou plus) d’apposer le label « extrême-droite » à tel ou tel parti « populiste » pour que les électeurs prennent peur, pour éloigner toute velléité de « rébellion anti-système » ou de choix – démocratique. Au Brésil, l’insécurité est certes le grand facteur explicatif de la victoire de Bolsonaro, mais elle n’est pas le seul, car ce peuple que l’on croyait adorateur de Lula (ex-président PT emprisonné pour corruption sur demande initiale de millions de manifestants scandalisés), a voulu mettre fin à des décennies de gouvernements PT fauteurs de paupérisation, de violences, de division et de corruption endémiques. Qu’est-ce donc qui affole donc en particulier tant les médias dans les discours de Bolsonaro?

Face à la gauche ultra-progressiste : verticalité contre horizontalité

La victoire de Jair Bolsonaro a pour pendant la défaite de l’idéologie sociétale-révolutionnaire du candidat Haddad (PT). La lecture de leurs programmes politiques respectifs éclaire nombre d’aspects et explique peut-être l’affolement médiatique de ces derniers jours. Outre une communication efficace, directe, facile à aborder chez Bolsonaro (utilisation de slides façon Powerpoint avec nombre de tableaux, graphiques et cartes illustrant ses chiffres diffusés sur les réseaux sociaux), mais très intellectualisante et sans illustration chez le PT, il s’agit de deux projets fondamentalement différents pour la société brésilienne. Ainsi le bonheur individuel comme but s’affiche comme le slogan majeur du parti travailliste, un but certes louable, appréciable, mais qui ne semble rien capter des problématiques tout à fait concrètes auxquelles sont confrontés les Brésiliens (insécurité, corruption, pauvreté croissante, déclin national). On a d’ailleurs du mal à comprendre ce programme comme une véritable vision politique globale. Jair Bolsonaro a de son côté une devise très révélatrice (qui fait écho à celle de l’hymne national brésilien, « Ordre et progrès ») : « Le Brésil au-dessus de tout, Dieu au-dessus de tous », ce qui affirme ainsi non seulement le  ressaisissement de l’identité nationale, du patriotisme, mais aussi un retour à une demande de politique régalienne, donc d’ordre, au sens de la primauté de la Loi et de la « tolérance zéro » vis-à-vis du crime. En matière de probité, les médias occidentaux ont de ce point de vue été d’une partialité déconcertante lorsqu’ils n’ont pas manqué une occasion de qualifier le candidat ex-capitaine d’élu de la « finance néo-libérale », des « lobbies de l’agro-business adeptes de la déforestation», quand ils ont cité ses déclarations déplacées ou anti-femmes (voir nos articles précédents), mais cela sans jamais rappeler le fait que le « capitao », à la différence de tant d’élus du PT, n’a jamais été condamné pour le moindre fait de corruption. Les médias n’ont jamais informé les publics français et européens que Bolsonaro a refusé tout don de campagne émanant des grosses entreprises, et qui n’a d’ailleurs dépensé que 1.2000.000 de rials (moins de 400 000 dollars) en tout pour sa campagne, ce qui est ridicule par rapport aux donations reçues et dépensées par le candidat de « gauche », Fernando Haddad : 32 fois plus ! Le PT a d’ailleurs reçu de nombreux dons en provenance d’entreprises et des réserves du parti, ce que Bolsonaro a refusé. Cette sobriété (peut être surjouée, mais réelle) puis le fait que les reliquats des fonds de campagne du nouveau président (non entièrement utilisés) aient été reversés par Bolsonaro au profit de l’Hôpital catholique Santa casa de Miséricordia, où il a été soigné, après avoir été selon lui « miraculeusement » sauvé après avoir été poignardé, ont énormément touché les masses de Brésiliens pieux et humbles. Ceux-ci n’auraient jamais cru qu’un homme politique si spartiate et honnête pouvait encore exister.
On peut certes s’interroger sur ce retour du religieux en politique, sachant que Bolsonaro, catholique converti récemment au christianisme évangélique, soutenu par les ailes conservatrices de toutes les églises chrétiennes, a fait célébrer une prière publique par un pasteur et a fait bénir le Brésil. Ce retour du sacré dans l’espace public est le fruit d’une demande nouvelle de verticalité forte dans une société chrétienne-traditionnelle qui a été trop brutalement plongée dans une laïcité transgressive sans transition et contre la volonté d’un peuple resté pieux et conservateur en matière de valeurs familiales. Cette requête de sens participe d’un besoin de loi supérieure qui transcende et dépasse les particularismes individuels ou « communautaires ». À une horizontalité vécue comme nihiliste du PT, cantonné aux questions « sociétales » comme la gauche française (défense des minorités sexuelles, du climat, des émigrés et de théories du genre, etc), la droite a répondu par une verticalité, une « spiritualité collective » qui redonne du sens au politique. Le programme du parti de Lula-Roussef-Haddad a cru séduire l’ensemble de la jeunesse en accordant une page entière du aux droits particuliers ( « égalité de genre », « égalité raciale », « droits des jeunes », des « vieux », des « handicapés », et des « personnes LGBT+ », etc), mais ce  projet louable (la disparité selon la « race » étant un réel problème au Brésil), est très éloigné des préoccupations premières, économiques, sécuritaires, des Brésiliens, y compris de nombreux jeunes qui y voient souvent des thèmes diviseurs et qui pensent que la Famille, sacrée au Brésil, est par là menacée dans son fondement. Face à cette gauche qui envisage la société comme la collection horizontale d’individus atomisés où la notion des droits individuels est une revendication constante, la droite bolsonariste a répondu par la réhabilitation du politique, de la loi, de l’Etat régalien et des nécessaires devoirs comme contrepartie des droits. Loin de l’idée d’imposer sa loi « fasciste », comme l’en accusent ses détracteurs adeptes de la reductio ad hitlerum, Bolsonaro a surtout rappelé que la constitution du Brésil et « notre ensemble de lois seront la carte et la boussole pour naviguer (...) », que toutes les mesures du PSL (son parti), seraient approuvées par le Parlement, qu’il n’y aura aucune mesure d’exception mais juste l’application des lois voulues par le peuple à travers l’expression de son vote souverain. A l’opposé de cette politique « populiste », le PT, de ce fait élitiste, n’a eu pour programme que les thèmes du « pluralisme » et de la « diversité » (fustigeant notamment « le patriarcat »). Certes, on a le droit de critiquer le programme de Bolsonaro, d’y voir le retour de la « réaction chrétienne-conservatrice », mais le thème de la défense des valeurs traditionnelles judéo-chrétiennes n’est pas plus un marqueur de l’idéologie « fasciste » que ceux de la lutte en faveur des entreprises, du libéralisme économique, de la sécurité ou de la lutte contre la corruption. Last but not least, la volonté-promesse de transférer, comme Donald Trump avant lui, l’ambassade brésilienne en Israël de Tel Aviv à Jérusalem, est loin de « prouver » que Jair Bolsonaro serait un « nazi-fasciste-raciste », car la « vraie » extrême-droite, avant tout anti-juive et complotiste, est au contraire pathologiquement antisioniste, donc bien plus pro-palestinienne que pro-israélienne. D’ailleurs, l’antisionisme de l’extrême-droite, de Hitler à l’auteur de l’attentat de Pittsburg contre une synagogue, en passant par Soral ou les nazi-skins, n’a jamais rien eu à envier à celui de l’extrême-gauche et des islamistes radicaux... 

En guise de conclusion : quelques signes avant-coureurs du chaos annoncé par la gauche et la bien-pensance mondiale :

Comme l’a relaté Andre Lodygensky, issu d’une famille de Suisses établis au Brésil depuis deux générations et qui commente l’actualité économique au quotidien, rien qu’au troisième jour de début de « dictature d’extrême-droite » annoncée depuis la victoire de Jair Bolsonaro, signalons notamment : 
-l’essence qui a chuté de 6 % ; le diesel de 10%, la société Ibovespa en hausse de 3,7 %, le dollar qui tombe à 3,71 % ; le propriétaire de Havan qui annonce qu’il va investir 500 millions de reais au Brésil et y créera 5000 nouveaux emplois grâce au nouveau climat des affaires ; Toyota, qui annonce investir 1 milliards de reais ; Israël qui promet d’y investir aussi; des félicitations et offres de collaboration des dirigeants de tous les pays d’Amérique, y compris du Vénézuéla et des institutions comme le Mercosur ; ou encore la nomination du juge anti-corruption Sergio Moro comme futur ministre de la justice, ce qui promet une poursuite sans pitié de la lutte contre la corruption, voire une vaste « opération main propre ». Autant de nouvelles « terribles » qui montrent à quel point le « monde » a peur pour la démocratie et pour le Brésil, plongé dans la dictature « militaro-fasciste ».

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