Voilà comment l’Europe « libérale » en vient à se mettre à dos le monde de l’entreprise <!-- --> | Atlantico.fr
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Une employée travaillant sur le site d'une entreprise en Allemagne.
Une employée travaillant sur le site d'une entreprise en Allemagne.
©John MACDOUGALL / AFP

Délocalisations

Une enquête menée auprès des petites et moyennes entreprises en Allemagne a révélé un changement majeur du sentiment à l'égard de l'Union européenne. La réglementation excessive de Bruxelles est citée comme l'un des principaux facteurs qui poussent les entreprises à délocaliser leur production d'Europe vers les Etats-Unis.

Pierre Bentata

Pierre Bentata

Pierre Bentata est Maître de conférences à la Faculté de Droit et Science Politique d'Aix Marseille Université. 

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Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico : Une récente étude concernant les PME et les TPI allemandes illustre le désarroi grandissant d’un nombre conséquent d'entreprises locales (90%) à l’encontre de la réglementation européenne. Peut-on dire, dès lors, de l’Union européenne qu’elle est libérale ? Alors que d’aucuns arguent qu’elle se met le monde de l’entreprise à dos, en Allemagne et ailleurs ?

Alexandre Delaigue : L’Europe, c’est indéniable, évolue sur ces questions. Ceci étant dit, il importe aussi de rappeler que cette évolution n’est pas entièrement nouvelle. N’oublions pas que l’Europe s’est toujours faite de manière apolitique, par le marché et l’unification des réglementations. La réglementation, dit-on d’ailleurs, est ce que l’Europe réussit aujourd’hui à faire. D’aucuns soutiennent même que c’est là la nature même du soft-power européen : la capacité de l’Union à imposer ses réglementations, ses conditions de productions à l’aide de traités de libre-échange notamment, mais pas que. Les domaines concernés sont particulièrement nombreux, les réglementations concernant l’activité des entreprises allemandes en font également partie. Il s’agit de s’imposer en imposant ses réglementations.

La question environnementale illustre bien certains des aspects que nous évoquons. Quand on est pas en mesure de mettre des moyens financiers pour régler un problème, et l’Europe demeure un nain budgétaire, on réglemente. C’est la direction vers laquelle nous allons : celle d’une Europe qui opte systématiquement pour la réglementation. C’est une façon d’organiser le grand marché de l’Europe qui, j’insiste, s’est historiquement construit en opposition aux idées politiques ; quand bien même l’Union a aussi été très influencée par un ordolibéralisme allemand, notamment dans les années 1980. Aujourd’hui, elle est marquée par l’idée que son soft-power, c’est la réglementation. La réglementation est devenue le principal substitut à la politique et cette dernière revient forcément se venger.

Bien sûr, il y a un problème du côté de ces réglementations. C’est le cas quand 90% des PME et des TPI se plaignent des réglementations. Il ne faut cependant pas perdre de vue l’éléphant qui se cache dans la pièce : la conjoncture actuelle est marquée par la guerre en Ukraine, qui peut peser beaucoup sur le modèle industriel allemand, notamment. Celui-ci souffre de deux facteurs : le conflit sur le sol ukrainien et une inflation de la réglementation environnementale, notamment.

L'Union européenne multiplie les régulations vis-à-vis des petites et moyennes entreprises. Plusieurs pays commencent à ne plus vouloir suivre le mouvement, notamment en Allemagne. Une enquête menée auprès des petites et moyennes entreprises en Allemagne démontre que la réglementation excessive de Bruxelles est citée comme l'un des principaux facteurs qui poussent les entreprises à délocaliser leur production d'Europe vers les Etats-Unis. Comment ces régulations peuvent-elles impacter, globalement, l'économie européenne ?

Pierre Bentata : L’Union Européenne doit appliquer des standards en cherchant à vérifier si ses membres, dans les plus grands pays qui vont appliquer les règles, se conforment bien aux évolutions du droit européen. Cela a évidemment une implication sur les petites entreprises qui doivent se conformer à des nouvelles règles et des normes inédites. Cela entraîne toujours un coût supplémentaire. Finalement, là où les grosses entreprises peuvent facilement absorber des PME, elles ont en réalité la capacité à investir et à recevoir. Cela correspond au level playing : le fait d’établir des règles communes pour avoir une forme de contrainte, de considération.

Des compétences pour avoir un marché important sont primordiales et recherchées avant tout. Il faut être dorénavant capable de dépasser la difficulté à pouvoir investir et réduire le nombre important de réglementations qui sont appliquées aujourd'hui. Il est important de constater ce qu’il se passe ailleurs aussi.

La concurrence est-elle alors indispensable pour la valorisation de l’économie européenne ?

Pierre Bentata : L’Europe est de moins en moins libérale car elle limite l’élévation des géants dans le secteur de la technologie. Elle ne cesse de mettre des règles dites de « protection » qui en réalité nuisent aux grandes entreprises. L’Europe se met en porte à faux avec les secteurs innovants en se liant aux Etats-Unis. Une guerre de « protectionnisme » est en train de se mettre en place entre les Etats-Unis et l’Europe. Il faut revoir les accords de libre-échange européens. L’Europe doit cesser de se protéger de ses concurrents et doit justement utiliser ces rivalités comme appui pour développer son propre potentiel, comme par exemple avec l’intelligence artificielle.

Les entreprises européennes peuvent se développer aux Etats-Unis pour ne pas perdre en production et en innovation. Les modes de fonctionnement changent assez radicalement ce qui implique de nouvelles difficultés économiques.

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