Union européenne : la revanche des pays du Sud sur ceux du Nord<!-- --> | Atlantico.fr
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Le chancelier allemand Olaf Scholz et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen écoutent Emmanuel Macron avant le début d'une réunion à Bruxelles, le 23 juin 2022.
Le chancelier allemand Olaf Scholz et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen écoutent Emmanuel Macron avant le début d'une réunion à Bruxelles, le 23 juin 2022.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Atlantico Business

Dans un contexte de ralentissement de la croissance en Europe, la Commission de Bruxelles reconnaît que l'Allemagne est plombée par la récession, mais que les pays du Sud de l'Europe, la France et l'Espagne notamment, font beaucoup mieux que prévu.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Jadis les pays du Sud étaient qualifiés de pays du club med des pays qui jouissent de la vie , du soleil et …. Quant aux pays du Nord sous la houlette de l’Allemagne , ils travaillaient et faisaient chauffer la marmite. Si on en croit les chiffres de Bruxelles , tout a changé .

Aujourd'hui, c'est un peu le monde à l'envers qui s'invite en Europe. La Commission de Bruxelles, qui a publié ses prévisions de croissance pour 2023, a confirmé que l'Allemagne avait stagné au deuxième trimestre, ce qui la plonge dans la récession pour la fin de l'année avec une inflation plus élevée que dans le reste de l'Europe. Alors que la France et l'Espagne progressent beaucoup mieux que ce qu'on attendait, avec un PIB en croissance  de 0,5 %. Paris va pouvoir relever ses prévisions  pour 2023 à plus de 1 %, ce qui donnera finalement raison au ministre de l'économie, Bruno Le Maire.

Ce qui est cocasse dans ces prévisions, c'est qu'elles prennent acte d'une situation complètement opposée à toutes les traditions européennes. Depuis plus de quinze ans maintenant, nous vivions dans une Union européenne complètement dominée par la puissance allemande, avec dans son sillage les pays sérieux du Nord de l'Europe. Ces pays-là ne manquaient pas d'arrogance, ce qui avait pour effet de culpabiliser en permanence les pays du Sud, l'Italie, l'Espagne, le Portugal et surtout la France.

À écouter les Allemands, la Commission de Bruxelles, et même la BCE, les Européens du Sud étaient incapables de tenir leurs comptes publics et de contrôler leurs dettes. Sous-entendu dans ces pays ensoleillés, on préférait la plage au travail, sous-entendu c'est le Nord de l'Europe qui faisait vivre les pays du Sud, soi-disant les pays du Club Med.

Ce diagnostic n'était pas faux. La grande majorité des indicateurs macroéconomiques : croissance, emploi, inflation, commerce extérieur, équilibre budgétaire, endettement public, etc., avaient placé les pays du Nord en tête du classement des performances et avaient donné un pouvoir parfois difficile à supporter à l'Allemagne. Parce que l'Allemagne avait le talent de dégager des marges, elle finançait en partie le reste de l'Europe et imposait des règles disciplinaires qui lui convenaient. L'Allemagne a joué le rôle de banquier qui garantissait les dettes de ses voisins et partenaires.

La situation qui se dessine désormais est très différente. Après avoir donné des leçons à l'Europe entière, l'Allemagne a plongé dans la récession et son modèle de croissance ne fonctionne plus. Il ne fonctionne plus parce que le gaz qu'elle achetait à la Russie à un prix avantageux lui a été coupé en raison de la guerre en Ukraine. Il ne fonctionne plus parce que le marché chinois, qui était devenu le principal client de son industrie, est en panne avec un modèle de croissance qui semble changer de paradigme.

L'Allemagne, qui a su pendant plus de 15 ans profiter de la mondialisation "heureuse", a perdu les ressorts du succès. D'autant que structurellement, elle doit faire face à un vieillissement de sa démographie et assumer sa responsabilité de protéger les pays de l'Est de l'Europe fragilisés et inquiets des éventuelles agressions russes. Avec en plus une politique intérieure très impactée par les courants écologiques qui ne lui ont pas permis de développer des solutions alternatives au gaz russe en excluant notamment la tentation nucléaire.

Donc, en cette fin d'année 2023, l'Allemagne se retrouve coincée dans une récession qui pourrait être durable. Perdant ses moyens, elle va perdre de son influence en Europe, à la Commission comme à la BCE.

Compte tenu des résultats économiques, le pouvoir d'influence pourrait passer progressivement au Sud, dont les pays se retrouvent avec un peu plus de liberté pour gérer les éventuelles contradictions qu'il peut y avoir entre leurs particularités nationales et leurs obligations d'appartenance au club européen. L'Italie, dont les incohérences politiques ne donnaient pas cher de son avenir, se redresse grâce à un gouvernement improbable de droite qui a pris ses responsabilités. Le gouvernement de Melonie s'est assis sur un certain nombre de ses promesses électorales pour protéger l'avenir de manière très pragmatique. Le Portugal et l'Espagne s'en sortent mieux que prévu. La grosse surprise est surtout française, dont la croissance peut lui donner les moyens de jouer les locomotives de l'Europe.

Alors, la France a toujours des problèmes structurels compliqués à résoudre : son modèle social trop coûteux et mal géré, son appareil d'État asphyxié par la bureaucratie, ses services publics qui ne fonctionnent pas par rapport à ce qu'ils coûtent, son incapacité à aborder des problèmes paralysants comme l'immigration, etc. Quant à l'appareil de production de valeur, il n'est toujours tiré que par les services (le tourisme, la banque et l'assurance). Quant à l'industrie, elle se résume, outre l'immobilier (en panne sèche), à l'agroalimentaire et surtout au luxe, qui devient le premier levier de puissance (et de devise) du pays. N'empêche que le nucléaire historique va la protéger de la pénurie de gaz et des impératifs de la décarbonation, et que ni le Covid, ni les émeutes, ni les Gilets Jaunes n'ont entraîné le pays dans la catastrophe que beaucoup prédisaient.

Les prévisions économiques pour 2023 et 2024 peuvent donc entraîner des rapports de force différents dans l'Union européenne. Et les pays du Sud ont une occasion historique d'obtenir un changement du règlement intérieur de l'union monétaire, à commencer par le Traité de Maastricht. La France est en pole position pour initier et faire avancer ce changement.

Ceci étant, cette position ne l'exonère pas de la nécessité d'opérer ses propres changements structurels. L'Union européenne est une copropriété. Elle peut changer sa façon de fonctionner et notamment la répartition des charges communes, mais aucun des copropriétaires ne peut s'affranchir de maintenir son logement en bon état.

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