Une pilule produisant les mêmes effets que l’exercice physique serait en passe d’être développée <!-- --> | Atlantico.fr
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Des scientifiques de Stanford pensent être proches de mettre au point une pilule qui pourrait apporter les nombreux avantages du sport sans le moindre effort.
Des scientifiques de Stanford pensent être proches de mettre au point une pilule qui pourrait apporter les nombreux avantages du sport sans le moindre effort.
©AL BELLO / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Bonne nouvelle pour les patates de canapé ?

Une équipe de l'université de Stanford a identifié une protéine appelée clusterine - un composé anti-inflammatoire libéré en plus grande quantité lorsque nous faisons de l'exercice - comme étant responsable de la plupart des bienfaits physiques du sport.

Christophe de Jaeger

Christophe de Jaeger

Le docteur Christophe de Jaeger est chargé d’enseignement à la faculté de médecine de Paris, directeur de l’Institut de médecine et physiologie de la longévité (Paris), directeur de la Chaire de la longévité (John Naisbitt University – Belgrade), et président de la Société Française de Médecine et Physiologie de la Longévité.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment de "Bien vieillir sans médicaments" aux éditions du Cherche Midi, "Nous ne sommes plus faits pour vieillir"  chez Grasset, et "Longue vie", aux éditions Telemaque

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Atlantico : Des scientifiques de l’université de Stanford pensent être proches de mettre au point une pilule qui pourrait apporter les nombreux avantages du sport sans que nous ayons besoin de nous lever de notre canapé. Elle permettrait notamment d’aider à mieux traiter l'obésité, le diabète de type 2, la perte de la vue et l'ostéoporose. Ces promesses vous paraissent-elles réalisables ?

Christophe de Jaeger : C’est le rêve de tous les non sportifs : pouvoir faire du muscle sans exercice physique !

Et de très nombreuses équipes dans le monde cherchent des solutions. L’équipe de la faculté de médecine de Stanford aux Etats Unis a identifié une molécule plus présente chez des souris ayant fait une activité que chez celles restées sédentaires. Cette molécule « la clusterine » aurait chez la souris un effet anti-inflammatoire sur le muscle et sur le cerveau avec de meilleures performances cérébrales.

L’inflammation étant un des mécanismes de la sénescence humaine en général et des dégradations cérébrales en particulier, il apparaît logique qu’une telle molécule ait un effet positif chez les souris. N’oublions pas au passage que ce qui est bénéfique chez la souris ne l’est pas automatiquement chez l’homme, parfois bien au contraire. Le nombre de molécules porteuse de promesses chez l’animal et inutile, voire dangereuse chez l’homme est légion.

Il existe surtout une très importante critique sur le vecteur même de l’expérience. L’équipe de Stanford a utilisé du sang de souris ayant fait de l’exercice qu’ils ont réinjecté à des souris sédentaires. Dans ce vecteur « sang », il existe une multitude de molécules différentes dont le bien connu GDF 11 ou Growth differentiation factor 11 qui a lui, non pas une activité anti-inflammatoire, mais une activité trophique sur le muscle et le cerveau. De nombreuses équipes françaises travaillent sur ce sujet passionnant. Certains en font même une piste pour traiter les conséquences de la maladie d’Alzheimer.

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Si nous savons bien en tant que médecin physiologiste qu’une augmentation de la masse musculaire va favoriser une réduction de la masse grasse, la régulation glycémique (diabète), une baisse de la tension artérielle, une régression de l’ostéoporose, une amélioration des capacités cognitives, etc… cela n’est pas que lié à un effet « masse musculaire ». C’est l’ensemble des réactions physiologiques que provoque un exercice physique constant et régulier qui permet une amélioration de nos fonctionnements physiologiques y compris cérébraux et non, juste plus de masse. L’activité physique va provoquer une augmentation quantitative et qualitative de la vascularisation de l’ensemble de l’organisme (et non seulement des muscles), des capacités cardiaques, des capacités pulmonaires, de la sécrétion hormonale, du métabolisme cellulaire, du métabolisme des sucres et des graisses….

C’est la mobilisation de tous nos systèmes de façon harmonieuse qui est positive et non juste une hypertrophie du muscle.

Ces pilules sont censées recréer les phénomènes chimiques provoqués par le sport, en apportant notamment une hormone brûleuse de graisse ou une protéine qui stimule la mémoire. En comparaison avec une activité physique régulière, quels sont les bienfaits que ces pilules ne pourront jamais apporter ? 

Un organisme humain est un tout complexe. Créer une hypertrophie localisée artificiellement, par exemple musculaire, indépendamment des autres systèmes est en fait absurde, voire dangereux. La même logique s’applique au cerveau. On sait, depuis très longtemps, augmenter la masse musculaire et réduire la masse grasse, par exemple, en utilisant l’hormone de croissance. Mais les effets indésirables sont tels que personne ne s’amuse à cela. L’usage d’une hormone, d’une molécule X isolée peut avoir un effet favorable sur un système (musculaire, cérébral…), mais de courte durée avec toujours un risque majeur de déséquilibre des autres systèmes physiologiques.

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C’est un peu, excusez moi pour l’analogie, si tout à coup, vous remplaciez votre carburateur de voiture par un énorme carburateur. Vos performances immédiates s’amélioreraient sans doute, mais vous créeriez également une multitude de déséquilibres dans le fonctionnement de votre voiture avec une augmentation d’usure des pneus, de la direction, des autres éléments du moteur… et au final, vous dégraderiez votre véhicule.

Le même raisonnement peut s’appliquer à un être humain. L’avantage de l’exercice physique adapté est qu’il va travailler non pas juste vos muscles, mais votre cœur, vos vaisseaux, votre métabolisme… avec des effets positifs sur le reste de vos fonctions physiologiques y compris le cerveau.

Le sport ne consiste pas seulement à perdre du poids. Est-il réellement souhaitable, que ce soit mentalement, physiquement ou socialement, de remplacer une activité sportive par ce type de pilules ? 

Effectivement, une activité physique adaptée est fondamentale et pas juste pour vos muscles. Avant tout j’insiste sur cette notion d’activité physique adaptée : je ne parle pas de sports qui implique dans l’esprit de beaucoup de gens une performance, mais « d’activité » qui sous tend du « raisonnable » et de l’accessible à tout le monde. D’autre part, cette activité doit être « adaptée » à chacun en fonction de ses possibilités, de ses intérêts, de son environnement…

La notion de perte de poids est en soi absurde. Il faut savoir dans un premier temps ce qui compose ce poids : du muscle, de la graisse, de l’os ? La plupart des régimes font perdre du poids tout du moins dans un premier temps. Mais ce poids perdu est très majoritairement du muscle. Et lorsque la personne reprend du poids, elle reprend de la graisse, augmentant ainsi son déséquilibre physiologique et son risque de maladie métabolique.

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Perdre de la graisse, grâce à une activité physique adaptée qui vous fera prendre harmonieusement du muscle, est la seule façon physiologiquement respectueuse d’améliorer sa composition corporelle. L’aspect social est loin d’être négliable en permettant d’intégrer vos activités dans un cadre amical rendant l’exercice bien plus supportable pour ceux qui n’aiment pas « transpirer ».

En fait, la problématique est toujours la même. On cherche des solutions simples et surtout « sans efforts ». Il existe une très forte tendance marketing à promouvoir les « produits sans effort ». Au même titre que les « produits commerciaux destinés à vous faire gagner beaucoup d’argent sans risque et sans effort » sont illusoires (sauf pour ceux qui les vendent), les produits scientifiques à fort dérivés commerciaux ou médiatiques destinés à votre santé… sans effort… sont inefficaces à terme et ne sont pas sans risques…

L’enjeu majeur des années à venir est la santé. Comment gérer intelligemment et raisonnablement notre Capital santé. La crise actuelle du Covid 19 en est la parfaite illustration. La quasi-totalité des personnes qui meurent sont des gens âgés et / ou ayant des comorbidités, donc en mauvaise santé.

La seule vraie question est sommes nous en bonne santé et que sommes nous prêt à faire pour l’entretenir, voire l’améliorer ? La prise de molécules diverses de façon isolée est illusoire, voire délétère et il n’est pas sain de faire miroiter « des muscles sans effort ». Le point de vue marketing est évidemment très différent.

Docteur Christophe de JAEGER

Institut de médecine et physiologie de la longévité

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