Transmission d’entreprise : la grande saignée. Le carnage des 20 prochaines années<!-- --> | Atlantico.fr
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"On estime qu’au moins un tiers des PME existantes dans ce pays, ne trouveront pas de repreneurs et finiront au cimetière communal, sans tombe, stèle ou même couverture même symbolique", écrit Denis Jacquet.
"On estime qu’au moins un tiers des PME existantes dans ce pays, ne trouveront pas de repreneurs et finiront au cimetière communal, sans tombe, stèle ou même couverture même symbolique", écrit Denis Jacquet.
©Alex E. Proimos

Les entrepreneurs parlent aux Français

Une tribune signée Denis Jacquet.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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En France, le passé est Roi. D’ailleurs ce sont tous ces Rois et les régimes qu’ils incarnent qui nous ont laissé les plus grandes œuvres, celles qui financent notre présent et assure une partie de notre avenir. Sans ce commissionnement d’artistes, ces travaux démesurés, la France, et nombre pays d’Europe, n’auraient rien à offrir aux portefeuilles ouverts des touristes étrangers, qui avalent ces tranches d’histoire comme ils boivent notre vin, mangent nos croissants. Ces régimes qu’il est de bon ton de toujours critiquer, nous ont constitué une rente, raison pour laquelle, peut-être, ne voulons-nous, ni réfléchir, ni investir dans l’avenir, soit par peur de faire moins bien ou simplement par lâcheté et surtout par paresse. Les rentiers ont peu de motivation à travailler et créer, tant la douceur de la rente s’assimile à l’illusion de l’opium. La Royauté et les Empires, opium du peuple politique ?

Pourtant, nous n’avons comme tous les enfants gâtés aucun respect pour le passé, ceux qui l’incarnent, ceux qui l’ont bâti. Nos politiques se sont fait un devoir de s’excuser de tout, de l’esclavage aux colonies, et se repentent sans cesse de ce qu’ils auraient fait, oubliant au passage l’immense héritage qu’ils ont souvent laissé, jamais égalé et souvent laissé pour compte depuis, laissant flotter le drapeau de la honte de la conquête perpétrée par l’homme blanc, quand bien même l’esclavage le plus massif et le plus ancien, et le fait des populations Arabes, de tous temps, comme le rappelait encore celui qui a été un fugace Ministre de l’Education, avant Gabriel Attal. Il rappelait (P. N’Diaye), en tant qu’Africain, que nous n’avions pas plus à nous excuser qu’eux, qui non seulement nous battent à plate couture quand on parle de nombre et de durée, mais continuent à le pratiquer, en Syrie, Lybie, ou même dans certains Émirats encore aujourd’hui. Les travailleurs émigrés se voient confisquer leurs passeports des « nounous » aux « ouvriers de la construction ». Ainsi dépourvus de leur passeport et mis dans l’incapacité d’aller se plaindre à leur Ambassade, sont bien des esclaves des temps modernes. Pas les esclaves des blancs. Bref.

Il en est de même pour les Seniors. Nous sommes le pire pays en Europe (l’avant-dernier en fait), sur la longévité des seniors en entreprise, mais également sur le taux de retour à l’emploi. Nous avons construit des écoles à élites, pour nous doter des meilleurs cerveaux, mais les flanquons, au fer rouge, d’une date d’expiration courte, qui a conduit, depuis l’invention de la stupide pré-retraite (encore une lubie de la gauche pour qui tuer la notion de travail du temps d’Aubry et Fabius était une obsession), à pousser les plus « anciens » à la porte, alors qu’ils vivent désormais jusqu’à 80 ans, et intellectuellement dans de bonnes conditions au moins jusqu’à 75 ans. Les pousser dehors à partir de 55 est non seulement stupide, mais condamnable. Aucun respect pour ceux qui ont construit de leur talent et génie, ces entreprises qui font partie des plus performantes dans le monde. L’Oréal, Essilor, EDF, Danone, Alstom, Bouygues… On les choie un temps, pour mieux les accuser de la rage ensuite. C’est terrible, et la réforme de la retraite, va permettre de corriger, un tout petit peu, cela.

Mais il en est de même pour les entreprises. On estime qu’au moins un tiers des PME existantes dans ce pays, ne trouveront pas de repreneurs et finiront au cimetière communal, sans tombe, stèle ou même couverture même symbolique. La fosse commune, celle réservée aux sans-noms, Hollande aurait dit « sans-dents », pour des entreprises qui ainsi disparues, vont assécher un peu plus les territoires, les vider de leur emploi, les priver de la transmission de leur savoir-faire et mourir avec leurs secrets, parfois incroyables. Leur taille est invisible, leur cause n’a pas de défenseurs, mais leur disparition massive, comme la fonte des glaces aura un effet progressif destructeur, une fois passée une certaine limite.

La raison ? Les PME en France, sont désormais majoritairement dirigées par leurs fondateurs, baby-boomers, qui ont en majorité plus de 68 ans, sont souvent en province (pardon, en termes politiques corrects, en « région »), se pensent souvent indestructibles, ne préparent pas leur succession ou sont persuadés qu’un de leurs enfants souvent déjà partis, viendra décharger sa conscience coupable, en reprenant l’entreprise à la dernière minute.

Une large majorité de ces « petits patrons » gagnent souvent moins que leurs employés, et personne ne pense à faire une opération de consolidation, en achetant une myriade de ces petits acteurs pour en faire des grandes rivières. Le droit des successions n’aident qu’assez peu. Les politiques ignorent le problème, ce qui est normal quand le pouvoir est à Paris et qu’il est exercé par des hommes dont les amis, pantouflards, dirigent des entreprises privées du CAC ou des entreprises publiques de taille. Les entrepreneurs et leurs « représentants » sont manifestement préoccupés par leurs élections, mais moins par les problèmes de fonds. Le carnage est annoncé, mais le monde regarde ailleurs.

Il faut prendre ce problème à bras le corps. Maintenant. Il faut mettre en œuvre une politique de détection, d’accompagnement, de regroupement des acteurs capables de les reprendre. Cela va du petit boulanger du petit village à la belle PME locale et ses 20, 50 ou 90 employés. Il faut aider à la reprise par les salariés également. Une des pistes solides pour que le flambeau soit passé et que notre passé ne passe pas aux égouts. Vous entendrez bientôt parler d’une initiative majeure dans ce sens, et comme toujours elle viendra de la société civile et non des politiques.

Nos seniors, nos entreprises, notre patrimoine, notre histoire. Notre devoir est de capitaliser sur ces acquis, les faire évoluer et les améliorer sans cesse, par respect pour ceux qui nous ont fait tel que nous sommes, et ont saigné pour que nous puissions avoir plus. Il est temps d’être fier et d’oublier la honte. La meilleure façon de se racheter n’est pas de s’excuser, mais de toujours faire mieux.

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