Traces de moisi ? Les aliments que vous pouvez manger même s’ils ont commencé à pourrir et ceux qu’il faut jeter<!-- --> | Atlantico.fr
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Des fruits moisis sont-ils dangereux pour la santé ?
Des fruits moisis sont-ils dangereux pour la santé ?
©wikipédia

Jeter bébé avec l'eau du bain

Cela nous arrive à tous : un petit fromage oublié dans la porte du frigo que l'on goûte quand même malgré sa fine couche de moisissure. Gourmandise inoffensive ou vraie mauvaise idée ?

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Il n’est pas rare d’oublier un citron au fond du bac à légumes ou un fromage dans la porte du frigo. On les retrouve alors couverts d’un fin duvet gris-vert. Qu’est-ce qui génère la moisissure ?        

Stéphane Gayet : Le terme moisissure désigne à la fois des champignons microscopiques (micromycètes), constitués de filaments cellulaires (hyphes) plus ou moins ramifiés, se nourrissant de substances organiques et produisant des spores, ainsi que les colonies envahissantes visibles à l’œil nu résultant de leur développement. Les moisissures sont proches des levures (non filamenteux, mais en amas). Les spores des moisissures sont invisibles, très nombreuses, ubiquistes et résistantes sur le plan physico-chimique : on les trouve dans l’air, les poussières, le sol, sur les végétaux (dont le bois), les animaux, les emballages, le papier, le linge et parfois dans l’eau; elles disséminent ainsi les moisissures. Une spore peut rester longtemps latente (aucun développement), tant que les conditions ne permettent pas sa germination (exemple : un air sec) : c’est d’abord l’humidité, puis la chaleur, qui favorisent la germination des spores et la prolifération des moisissures ; un air froid et humide est donc, d’un côté, plus favorable qu’un air chaud et sec et de l’autre, moins propice qu’un air chaud et humide. C’est l’occasion de rappeler la relation existant entre la température et l’humidité de l’air : un air chaud se charge en eau et dessèche dès lors les surfaces et objets par évaporation ; au contraire, un air froid se décharge en eau et humidifie les surfaces et objets par condensation. On sait par expérience que la chaleur est un très bon moyen de déshumidifier les surfaces et objets. Une spore de moisissure nécessite donc de l’humidité, des matières organiques et de l’oxygène pour germer et proliférer : le conditionnement sous vide freine beaucoup leur croissance, bien qu’elles puissent s’accommoder d’une très faible concentration en oxygène.

La moisissure peut-elle apparaître sur toutes les denrées alimentaires ? Y a-t-il des milieux plus favorables à son développement ?    

Tout aliment végétal ou animal exposé à l’air humide va finir par moisir, cela ne dépend que de la température et de la durée : plus celle-là est basse, plus la croissance des moisissures est lente ; mais, pour certaines espèces, elle est possible dès 2 à 3 °C. La température de réfrigération étant de 3 à 4 °C, ces espèces de moisissures adaptées au froid (psychrophiles) peuvent se développer dans un réfrigérateur, et cela d’autant mieux que sa température est supérieure : les appareils anciens et surchargés se situent souvent entre 5 et 10 °C, ce qui favorise les microorganismes.

Si toute denrée alimentaire peut donc moisir, ce processus est favorisé par un milieu acide (pH au minimum de 2 et au mieux entre 4 et 6, à la différence de l’essentiel des bactéries qui sont inhibées par un pH inférieur à 4,5) et une richesse en sucres, à moindre degré en lipides. Il en résulte que les denrées les plus exposées au moisissement sont les fruits frais – particulièrement les agrumes (oranges, citrons…) – et les légumes (tomates, carottes, aubergines…).Les céréales (maïs, blé, riz) et le pain, les fruits et graines oléagineux (olives, arachides…) sont également des aliments à risque de moisissure. Puis viennent le lait et tous les produits dérivés du lait (laitages).

Y a-t-il de "bonnes" ou de "mauvaises moisissures ? Que se passe-t-il si l’on ingère un aliment contenant des mycotoxines ?       

Si le terme moisissure évoque d’abord le pourrissement, c’est-à-dire la dégradation des aliments, mais aussi des tissus, du papier (moisissures d’altération), il ne faut pas oublier les moisissures favorables, utilisées pour fabriquer certains aliments (fromages, charcuterie) ou médicaments (pénicilline) : ce sont les moisissures de production. Les moisissures d’altération donnent des colonies duveteuses et colorées, et dégradent les aliments en leur donnant une odeur nauséabonde et un goût très désagréable, souvent amer. Mais cette ingestion, si pénible soit-elle, n’est le plus souvent pas dangereuse pour la santé. Car, à la différence des bactéries pathogènes qui donnent des intoxications alimentaires (salmonelles, listeria…), ces moisissures ne se multiplient pas dans le corps humain et ne donnent donc pas d’infection après ingestion. Il est inutile de préciser que le fait d’ôter largement la partie moisie avant de manger l’aliment va de soi. Toutefois, certaines moisissures sont capables de produire des mycotoxines. Ce sont des dérivés toxiques de substances produites par certaines moisissures, dans certains aliments et certaines conditions. On appel­le mycotoxicose une maladie causée par une mycotoxine. Mais le danger se situe bien davantage dans l’industrie agroalimentaire que dans le réfrigérateur ou le garde-manger. Car la production de mycotoxines chez un particulier est à la fois trop rare et trop peu abondante pour que puissent apparaître des troubles. En effet, chez l’homme et à la différence des animaux d’élevage qui leur sont plus sensibles, les mycotoxines ne donnent pratiquement que des atteintes à long terme. Le type d’aliment en cause est avant tout constitué de céréales et d’oléagineux. Pour qu’une céréale puisse être un danger vis-à-vis des mycotoxines, il faut qu’elle soit contaminée par une espèce de moisissure capable d’en produire (seulement certaines espèces des genres Aspergillus, Penicil­lium, Fusarium, Claviceps, Trichoderma…), que la souche au sein de l’espèce (individu) soit myco­toxinogène, que les conditions soient favorables à cette mycotoxinogénèse (production de myco­toxines) et que la quantité produite soit suffisante pour atteindre une concentration dangereuse. Cela peut arriver avec de grandes quantités de céréales contaminées et conservées longtemps dans l’humidité. Si de telles intoxications peuvent encore survenir chez les animaux d’élevage (volailles, porcs…), il s’agit de phénomènes du passé chez l’homme, excepté certains pays à faible niveau de vie. Il faut citer les cas historiques d’ergotisme en France (intoxication à partir de pain de seigle contaminé : hallucinations et gangrène des extrémités pouvant aller jusqu’au décès), d’intoxication par le « riz jaune » au Japon (atteinte sévère du foie), d’aleucie toxique alimentaire ou ATA en Russie (farines de blé ou d’orge contaminées : troubles digestifs puis destruction mortelle de la moelle osseuse hématogène), de la « maladie X » des dindons en Angleterre (sévères intoxications liées à l’ingestion de tourteaux d’arachides contaminées et provenant du Brésil). La question des mycotoxines est aujourd’hui un problème de santé publique : il est probable qu’elles soient présentes dans certains aliments à base de céréales ou d’oléagineux, mais en quantités si faibles qu’il soit nécessaire d’en consommer des années pour voir apparaître une maladie. Il n’en reste pas moins vrai que l’on suspecte la responsabilité de mycotoxines à l’origine de certaines maladies graves du foie (cirrhose, cancer), des reins (néphropathies chroniques) et de l’œsophage.

Mais, chez les animaux d’élevage, cela reste une préoccupation, car les quantités de céréales entreposées pour leur nourriture sont énormes et leur sensibilité aux mycotoxines est importante.

Quels aliments faut-il jeter et lesquels peuvent être consommés après nettoyage ?      

Nous avons développé les risques liés aux mycotoxines : répétons-le, aujourd’hui, dans un pays développé comme la France, du fait des réglementations et des contrôles agroalimentaires, de l’exigence de qualité microbiologique des aliments commercialisés, des contraintes de conservation, tant en ce qui concerne les emballages, les conservateurs, les températures que les délais, le risque d’intoxication aiguë par des mycotoxines est pour ainsi dire presque virtuel. Mais il reste la possibilité, bien sûr, d’ingérer quotidiennement des mycotoxines, soit provenant directement d’une alimentation industrielle à base de céréales, soit provenant d’un moisissement domestique lors d’une conservation mal réalisée d’aliments à risque ; cependant, nous l’avons vu, il ne peut s’agir que de quantités minimes et ne pouvant avoir des effets morbides qu’à très long terme.          

En d’autres termes, les inconvénients présentés par un aliment moisi sont essentiellement son aspect repoussant, son odeur nauséabonde, son goût abject et sa valeur nutritive très amoindrie (bien sûr, cela fait beaucoup). Avec certains aliments très poreux (pain, fruits, a fortiori liquides), on est contraint d’en éliminer une quantité non négligeable, parfois la totalité. Avec des aliments fermes et peu poreux (fromage, confiture…), les parties à enlever sont déjà moins conséquentes. Il n’en reste pas moins vrai que de nombreux documents conseillent de jeter les aliments moisis : c’est la solution radicale ; chacun fait comme bon lui semble et en fonction de ce qu’il a appris.

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