Super Ligue de football : quand le football pourrit l'argent...<!-- --> | Atlantico.fr
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Le trophée de la Ligue des champions de l'UEFA est exposé avant le tirage au sort des quarts de finale. Le projet d'une Super League annoncé par 12 clubs a plongé le football européen dans une crise sans précédent.
Le trophée de la Ligue des champions de l'UEFA est exposé avant le tirage au sort des quarts de finale. Le projet d'une Super League annoncé par 12 clubs a plongé le football européen dans une crise sans précédent.
©Fabrice COFFRINI / AFP

Séisme pour la FIFA et l'UEFA

Le projet de la création d'une Super Ligue fermée qui viendrait concurrencer la Ligue des Champions actuelle a fait l'effet d'une bombe dans l'ensemble du monde sportif. Pendant que les instances internationales brandissent leurs menaces et que le vent de la contestation se lève, c'est bien une certaine idée du sport que l'on soumet à la torture.

Olivier Rodriguez

Olivier Rodriguez

Olivier Rodriguez est entraîneur de tennis et préparateur physique. Il a coaché des sportifs de haut niveau en tennis. 
 
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Comme si la pandémie et la morosité de l'époque ne suffisaient pas, douze des plus grands clubs Européens viennent d'étaler au grand jour leur projet d'organiser une super ligue fermée, réservée à une élite choisie et pour le seul profit de cette dernière. Quand bien même l'affaire ne serait pas nouvelle, la logique reste désespérante. Car sans remonter jusqu'au veau d'or ou aux marchands du temple, il est évident que les nombreuses évolutions subies par le football ces dernières années ont toujours été motivées par la seule avidité financière. Depuis l'arrêt Bosman en 1995, en passant par le G14 ou les réformes successives de la Ligue des Champions, l'idée qui se dégage est que si le meilleur doit toujours gagner, c'est quand même en faisant toujours plus de matchs... et en gagnant toujours plus de fric. En affichant cette fois leur cynisme aux yeux de tous, tous les grands noms du football Européen, exceptés le PSG et le Bayern, poussent cette cupidité, cette faim d'argent qui se dévore elle-même, à son paroxysme : pour le Président du Real Madrid, Mr Florentino Pérez et son ami d'accointances Andrea Agnelli, celui de la Juventus Turin, les deux principaux meneurs, si l'essentiel reste toujours de participer, dorénavant, cela sera perpétuellement avec les mêmes. 
À la lecture de ces lignes, vous comprenez ce que la mise en place d'un tel système convoquerait comme problèmes éthiques puisque la méritocratie, la glorieuse incertitude du sport et l'idée fondamentale selon laquelle tout le monde peut avoir sa chance seraient par définition néantisées. Cette ligue fermée constituée de quinze clubs permanents et de cinq clubs invités ne serait ni plus ni moins que la négation même de l'histoire d'un sport, de ses particularismes et des légendes urbaines qu'il colporte. Pour le dire différemment, on voudrait tuer la part du rêve en tirant à grands coups de revolver sur les souvenirs d'enfance de tous les passionnés qu'on ne s'y prendrait pas autrement. Avec un soupçon de méchanceté, on pourrait aussi souligner l'absence de scrupules de tous ces caïds qui ont pognon sur rue et pour lesquels le marché a toujours raison... Mais comme nous ne sommes pas méchants... 
Au-delà de la confiscation des trophées induite par ce footballgate, et avec un brin de médisance, il n'y a qu'un pas à franchir avant d'imaginer que ces dirigeants prévoiraient à terme la diffusion de ce genre de football sur des chaînes privées et payantes... Histoire de tondre d'un peu plus près le public auquel elle se destine... Un public en grande partie composé de gens qui n'ont pas toujours les moyens de leur passion et qui ne donnent jamais leur avis puisqu'on ne le leur demande pas. C'est ainsi que comme tout antisémite a son juif, ce système a ses pauvres. C'est vrai qu'ils n'ont pas beaucoup d'argent, mais ils sont si nombreux...
Fort heureusement, à l'annonce de cette réforme scélérate, la levée de boucliers a été quasi-immédiate. Et de nombreux joueurs, coachs, politiques et autres journalistes se sont insurgés sur les réseaux sociaux pour condamner tous ces dirigeants qui clament en toutes circonstances servir ce sport et l'aimer par-dessus tout. Si ces derniers l'affirment si haut, si fort et si souvent au nom du père, personne ne nous empêchera de subodorer qu'ils le font plus certainement un peu plus au nom du fisc... La FIFA et l'UEFA, voyant le drapeau noir flotter sur la marmite et soi-disant prises par surprises, ont riposté instantanément en brandissant sanctions et autres menaces d'excommunications contre les hérétiques-sécessionnistes... 
Mes biens chers frères, nous aurions tort de nous y fier et de prendre tout ceci pour argent comptant ! Car il y a fort à parier que nous assistons, et bien malgré nous, à un feuilleton qui ne fait que débuter... Et il ne fait aucun doute que les prochaines semaines seront le théâtre de tractations âpres et de négociations nébuleuses entre deux entités qui enflamment d'autant plus le conflit qu'elles savent leur dépendance mutuelle et réciproque. Alors priez pour nous pauvres rêveurs, coincés que nous sommes entre le marteau et l'enclume... c'est-à-dire entre la dernière réforme d'une Ligue des Champions qui exacerbait déjà les inégalités et des révolutionnaires qui ne savent que tendre leurs mains avides vers des plats que d'autres remplissent pour eux. Oui, priez pour les romantiques que nous sommes... nous, les modestes anonymes, nous qui pensons encore que s'il y a plusieurs façons d'aimer et de vivre le football en respectant son histoire, ce ne sont pas celles-là.
Au fond, nous sommes certainement arrivés à un point de bascule inévitable tant cette chose hideuse nous pendait au nez depuis un moment... Car ce qui se joue là n'est ni plus ni moins qu'une histoire de conception des choses, de l'idée que l'on se fait du sport en général, du football en particulier et de sa cohabitation délicate avec l'argent. L'argent qui était un moyen et qui est devenu désormais un pays en soi... L'argent, malheureusement le plus grand dénominateur commun du monde sportif moderne, à la fois Dieu et religion. Vous noterez qu'il s'agit-là d'une religion spéciale puisque sans partage en dehors des puissants. On prétend souvent que l'argent pourrit le football... mais finalement... et si l'exemple donné par cette Super Ligue nous indiquait que ce serait plutôt l'inverse ?

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