Stratégie sanitaire : pourquoi il est urgent de réfléchir à une sortie du tout vaccinal à la française<!-- --> | Atlantico.fr
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Une médecin prépare un vaccin Pfizer-BioNTech contre la Covid-19 en janvier 2022 dans un centre de vaccination en Corse.
Une médecin prépare un vaccin Pfizer-BioNTech contre la Covid-19 en janvier 2022 dans un centre de vaccination en Corse.
©PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP

Lutte contre la pandémie

Si la vaccination demeure une fantastique chance face au Covid, de plus en plus de scientifiques ou de responsables politiques admettent que nous ne pourrons pas vaincre la pandémie à coups de doses de rappel et de culpabilisation de pans entiers de la société.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Combattre le Covid-19 à coups de doses de rappel, n'est "pas une stratégie viable" selon des experts de l’OMS. "Nous ne pouvons pas vacciner la planète tous les quatre à six mois. Ce n'est ni durable ni abordable", a déclaré le professeur Andrew Pollard, directeur de l'Oxford Vaccine Group et chef du comité britannique sur la vaccination et l'immunisation. Partagez-vous ces déclarations ?

Antoine Flahault : Il est de bonne pratique que de s’en remettre à l’OMS sur la question de la vaccination plutôt qu’aux fabricants ou aux experts isolés. L’expérience d’Israël nous est extrêmement précieuse. L’Etat hébreu est pionnier en la matière depuis le début de la pandémie. On voit en particulier que la troisième dose ne les a pas protégés de l’arrivée de la vague Omicron, mais qu’elle les protège plus efficacement que deux doses contre les formes graves de Covid. Par ailleurs, on sait que deux doses vaccinales protègent déjà plus efficacement qu’une absence de vaccination ou une vaccination incomplète. Les Israéliens se sont embarqués dans un programme de vaccination par une quatrième dose chez les plus de 60 ans, ils semblent tergiverser actuellement sur l’extension de cette quatrième dose à l’ensemble de la population. On verra ce qui aura le mieux protégé la population dès que l’on disposera de leur retour d’expérience. Mais même en France, on n’hésite pas à administrer dès aujourd’hui une quatrième dose aux personnes immunodéprimées par exemple, parce que l’on sait leur immunité très précaire et leur condition très à risque de formes graves. Mais il n’en est pas question pour le moment en population générale. Peut-être un jour viendra où l’on recommandera, l’administration d’une dose de vaccin contre la Covid au début de l’automne, un peu comme on le fait contre la grippe, en particulier chez les personnes âgées et vulnérables, et chez les personnels de santé et d’EPHAD. Peut-être d’ailleurs, ce vaccin sera-t-il une formulation mieux adaptée aux souches circulant récemment sur la planète. Mais aujourd’hui ce type d’approche – qui est celle du vaccin antigrippal – n’a pas été décidé par l’OMS.

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Dans quelle mesure faut-il y voir un signal d’alarme contre la tentation du tout vaccinal ? Pourquoi n’est-ce pas une stratégie viable ?

Il faut disposer de données scientifiques solides pour déployer une campagne vaccinale. Ce fut le cas pour les deux premières doses, après les résultats des grands essais cliniques. Ce fut le cas pour la décision de déployer la troisième dose, après un corpus solide de données scientifiques. Procédons de même pour d’éventuelles doses suivantes. Il faut donc rester ouverts à toute option en la matière, mais exiger une démonstration claire de l’utilité pour la population à qui on l’administre.

La France a particulièrement mis l’accent sur sa stratégie vaccinale, parfois au détriment d’autres mesures. Est-elle particulièrement exposée au risque d’impasse du tout vaccinal ?

La politique sanitaire française est largement fondée sur les avis de son Conseil scientifique. Certes, ne nous cachons pas que les espoirs qui ont été mis sur le vaccin ont été un peu déçus en termes de transmission du coronavirus. Son dernier variant Omicron transperce allègrement les digues vaccinales patiemment construites mais qui n’éviteront pas la contamination d’une grande proportion d’Européens. Ce n’est pas le vaccin contre la rougeole ni contre l’hépatite malheureusement. Mais grâce à une stratégie très volontariste sur la vaccination Covid qui place la France parmi les pays européens qui ont su le mieux couvrir sa population de plus de 11 ans (elle pourrait être plus ambitieuse pour les 5-10 ans), elle a évité un grand nombre d’hospitalisations et de décès. Il n’y a qu’à observer les statistiques des pays de l’Est de l’Europe, moins vaccinés cet automne pour s’en convaincre.

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Et si Omicron n’était pas plus contagieux que Delta mais plus susceptible de contaminer les vaccinés ?

La vaccination reste bien évidemment une chance colossale dont les effets ne sont plus à prouver. Comment la coupler à d’autres éléments pour avoir une stratégie efficace ? Quelles doivent être les priorités ?

Maintenant que l’on sait que si le vaccin ne permet pas d’endiguer des vagues de grande ampleur qui seraient liées à de nouveaux variants, il permet en revanche de grandement limiter les risques de formes graves, on ne peut que recommander en priorité de poursuivre l’objectif de couverture vaccinale maximale. On peut aussi chercher à limiter la propagation du virus en s’attaquant davantage à la source du problème qu’est la piètre qualité de l’air intérieur que nous respirons. Lorsque l’on sait que 99% des contaminations ont lieu dans des espaces clos, mal ventilés qui reçoivent du public, ainsi que dans nos habitations et nos transports publics, alors on pourrait viser à faire en sorte que l’air qu’on y respire soit d’une qualité la plus proche possible de l’air extérieur, sur le plan du risque de transmission microbiologique. Cela nécessite une profonde révision des standards et normes de qualité des bâtiments et des transports et va certainement demander des investissements importants, mais en ferons-nous longtemps l’économie ? A la clé, nous pouvons viser à réduire considérablement le risque de contamination par le coronavirus et les autres agents microbiens transmis par les aérosols de notre respiration. Dans l’attente d’un air de meilleure qualité microbiologique, et dans les situations à risque, nous pourrions mettre des masques FFP2 dont on sait qu’ils ont de meilleures propriétés de filtration des aérosols de notre respiration que les masques chirurgicaux ou en tissu.

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