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La sortie de l’euro ou la dévaluation serait une absurdité dangereuse pour les plus pauvres. Et voilà pourquoi
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Atlantico Business

Les partisans de la sortie de l’euro veulent retrouver le pouvoir de dévaluer la monnaie, ce qui est absurde et dangereux.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Les partisans de la sortie de l'euro sont convaincus qu’en retrouvant la souveraineté monétaire, l’économie française retrouverait son dynamisme, sa croissance et ses emplois. Si c’était aussi simple, pourquoi ne l’a-on-t- pas fait avant ? On ne l’a pas fait parce que les effets d’une sortie de l’euro ou d’une dévaluation seraient catastrophiques, en particulier pour les plus pauvres ou les plus défavorisés de la société. Explications élémentaires.

En prônant la sortie de l’euro ou la dévaluation de la monnaie, Marine le Pen, Jean-Luc Mélenchon et même Benoit Hamon, qui a tendance à reprendre les arguments de tous les frondeurs et partisans d’un protectionnisme national, tous font en gros deux erreurs pour un seul but  : en tirer bénéfice sur le terrain électoral.

La première erreur est de croire que la souveraineté monétaire permettrait de conforter l’indépendance politique du pays. Et récupérer un pouvoir qui serait détenu désormais par Bruxelles. C’est complètement faux.

La seule chose qui permettrait de retrouver du pouvoir et de l'indépendance, c’est la puissance économique et l’indépendance financière. Nous sommes dépendants aujourd'hui de tous ceux qui nous prêtent de l’argent. Nous sommes esclaves des marchés parce que nous avons besoin d’emprunter pour vivre. Trouvons un processus pour diminuer les dettes publiques et nous retrouverons de la souveraineté.

Sortir de l’euro et revenir à un franc serait accepter une monnaie dévaluée de 20 à 30% par rapport à l'euro actuel. Pourquoi ? Tout simplement parce que l'économie française seule est 20 à 30% moins solide que la France arrimée, comme c'est le cas actuellement, à la zone euro.

Alors pour les résidents français, ça ne changera rien dans l’immédiat. Pour les non-résidents étrangers, leurs avoirs en franc vont perdre immédiatement 20 à 30 % de leur valeur. Or, ces étrangers possèdent environ 60% de la dette française. Si on leur faisait le coup de la dévaluation, ils couperaient immédiatement le robinet du crédit. Et si on ferme le robinet du crédit, le système économique se bloque et se sclérose.

La deuxième erreur est de croire qu’une dévaluation de la monnaie, soit par décision politique, soit par la sortie de l’euro, pourrait faire repartir le système économique et la croissance. Là encore, c’est complètement faux.

Supposons que l’euro ou le nouveau franc soit dévalué de 30% par rapport au dollar : ça voudrait dire que l’euro ou le nouveau franc ne vaudrait plus 1 dollar mais 0,70 euros.

Conséquences : le constructeur automobile français qui vend ses voiture 10 000 euros continuera de les vendre 10 000 euros ou 10 000 nouveaux francs.

Mais c’est vrai, les étrangers les paieront en dollar, soit l’équivalent de 7 000 euros. Les industriels français vont donc prendre un énorme avantage compétitif et vendre sans doute beaucoup plus de voitures pendant les six mois qui suivront, mais l’entreprise ne va pas augmenter ses profits et ses capacités de développement pour autant.  

Croire que ça marcherait mieux relève de la théorie qu'on nous enseignait il y a un demi siècle. La réalité, c’est que ça ne marcherait pas comme cela.

D’abord, parce que nos acheteurs et partenaires commerciaux peuvent ne pas se laisser faire. Ils peuvent répliquer par une dévaluation de leur côté, ce qui ramène tout le monde à la case départ. La guerre des changes est le risque majeur. Lors d’une guerre des changes, au mieux elle ne change rien, au pire elle ruine ceux et celles qui n’ont pas les moyens de spéculer.

Ensuite, les gains de compétitivité à l’exportation n’existent que si les coûts de production du constructeur français ne sont pas impactés par un renchérissement des comparants importés. Dans l’automobile, comme dans beaucoup de secteurs, les constructeurs français intègrent des coûts en énergie (payés en dollars), en matières premières (payés en dollars), en composants électroniques (payés en dollars). Ces composants étant payés en dollars, sont donc 30% plus chers.

Globalement, comme l’économie française importe plus de produits et de services qu’elle n'en exporte, l'économie sera perdante. Forcément perdante.

En dévaluant la monnaie, les produits exportés sont vendus moins chers, mais les produits importés sont achetés plus chers.

Alors, certains nous diront qu’on pourrait très bien se passer des produits importés sans doute, mais pas dans l’immédiat. Retrouver des processus de fabrication, des outils, des équipements, sans doute, mais à quel prix ?

Toute dévaluation et la sortie de l’euro se traduiraient par une dévaluation, entraînant mécaniquement une inflation intérieure qui pénalise directement les salariés et les consommateurs. Puisque les prix augmentent, le pouvoir d’achat baisse.

Il est évident qu’une sortie de l’euro reviendra à subventionner les exportations en en faisant payer le prix à ceux qui touchent des revenus à l’intérieur puisque les prix augmentent. Les salariés et les rentiers seront les premières victimes.

Ni Marine le Pen, ni Jean-Luc Mélenchon, ni Benoît Hamon expliquent ce mécanisme. A défaut d’explication, ils pourraient respecter au moins l'histoire de ce qui s’est passé en France avant la mise en place de l’euro. Dans les années 1970 et 1980, on avançait à coup de dévaluation compétitive en Europe, c’est-à-dire à coup de hausse des prix. Et pour limiter l’inflation, on multipliait les blocages de prix et les freins administratifs. On acceptait d’appauvrir la majorité des salariés et des rentiers. 

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