Si les chiens et les chats avaient leur pays, il serait le cinquième au monde pour la consommation de viande. Une cible majeure pour la viande cultivée en labo<!-- --> | Atlantico.fr
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Il est par contre déconseillé de remplacer la viande de son animal par des desserts...
Il est par contre déconseillé de remplacer la viande de son animal par des desserts...
©Daniel LEAL-OLIVAS / AFP

Carnivores à quatre pates

Rien qu'aux Etats-Unis, la consommation de viande par les animaux de compagnie est responsable de l’émission de 64 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an. La viande in vitro permettrait de limiter cet impact sur l'environnement.

Jean-Marc Boussard

Jean-Marc Boussard

Jean-Marc Boussard est économiste, ancien directeur de recherche à l’INRA et membre de l’Académie d’Agriculture.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages dont La régulation des marchés agricoles (L’Harmattan, 2007).

 

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Pascale Hebel

Pascale Hebel

Pascale Hebel est Directrice associée chez C-ways.

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Atlantico : Si les chiens et chats représentaient un pays, il serait le cinquième au monde en termes de consommation de viande, selon une étude parue en 2017 dans la revue Plos One. Ce qui représenterait l’émission de 64 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an. En effet, contrairement aux humains, les chats ont nécessairement besoin de viande pour survivre. Si la viande in vitro de laboratoire ne semble pas faire l’unanimité chez les humains, pourrait-elle être une bonne solution pour nourrir nos bêtes de façon plus écologique ?

Jean-Marc Boussard : Il ne fait pas de doute que les chiens, les chats et quelques autres animaux apprivoisés constituent une part non négligeable (quoique souvent négligée !) de la consommation de viande, et cela, même dans les pays pauvres au bord de la famine. Je ne sais pas si cela correspond exactement à 64 millions (rien qu’aux Etats Unis !) de tonnes de dioxyde de carbone par an (attention aux chiffres souvent artificiellement gonflés ou dégonflés, selon les besoins de l’argument !), mais les calculs de Gregory Okin (professeur de géographie à l’Université de Californie) qui a fourni ce chiffre sont sûrement de bonnes approximations.

De toutes façons, sans parler des gaz à effet de serre, il est certain que, à production donnée, cette consommation de viande par les animaux domestiques vient en déduction du disponible pour les humains : aux Etats Unis, selon les calculs du même auteur, la consommation des animaux domestiques représente 15 à 20% du total des calories alimentaires utilisées. Compte tenu du fait que la viande est toujours fabriquée à partir de matière première végétale, et qu’il faut environ 5 calories « végétales » pour faire une calorie « animale », on voit que l’impact de ces bestioles sur la production disponible est tout à fait significatif.

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Cela dit, y-a-t-il des précautions spéciales à prendre pour fabriquer « artificiellement » ces aliments pour chiens et chats, par rapport à celles que l’on prend lorsqu’on le fait pour les humains ? Je ne suis pas spécialement compétent sur ce sujet, mais, en tout cas, je ne l’ai jamais entendu dire. Aussi bien, je ne vois pas de raisons pour que l’usine génétique mise en œuvre dans le processus ne fournisse pas de la « vraie » viande.

En revanche, cette « vraie » viande est fabriquée à partir de matières premières végétales qu’il faudra bien sortir de quelque part. Seront elles transportées de la ferme végétale à l’usine à viande par des camions électriques ou à pétrole ? Quelle quantité d’énergie faudra-t-il fournir pour donner à ces végétaux la forme et la texture exigée par les réacteurs biologiques ? Les articles disponibles sur ce sujet ne sont pas très explicites. Il n’est pas du tout certain que le bilan final soit très différent de celui de la production actuelle de viande à partir d’élevages bovins ou avicoles.

Pascale Hebel : Pour lutter contre le réchauffement climatique et pour maintenir la biodiversité on sait en effet que la transformation des système alimentaires est la solution la plus rapide pour revenir dans les limites planétaires. Les systèmes alimentaires représentent 30% des gaz à effet de serre et 60% des pertes de biodiversité et services écosystémiques. En France près d’un foyer sur deux possède un animal foyer. La France est le pays où les habitants possèdent le plus d’animaux familiers derrière les Etats Unis. Avec la Covid-19, nous avons une forte hausse du nombre d’animaux dans les foyers, la progression est bien plus forte que celle de la natalité. On peut donc imaginer que nourrir nos animaux avec des insectes ou de la viande in Vitro soit une bonne solution pour accélérer les changements écologiques. On sait en effet que ce sera plus difficile de convaincre les habitants de consommer ces substituts à la viande. Les changements de régimes alimentaires sont très rapides en France avec des diminutions de 2% à 3% de la consommation de viande par habitant par an, mais à ce rythme on ne diminuera la consommation de viande que de 25% d’ici 2030 alors qu’il faudrait une diminution de 50%.

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A l’heure actuelle, de nombreuses entreprises (comme Bond Pet Foods) se lancent sur ce créneau. Que représente ce marché ? Peut-on parier sur une progression durable de celui-ci ?

Jean-Marc Boussard : Naturellement, tout ceci ne préjuge en rien du succès ou de l’échec des entreprises qui se lancent dans cette nouvelle industrie. Il est très probable qu’avec une publicité habile, elles pourront convaincre pendant longtemps assez de gens qu’elles sont vertueuses. Et cela sera suffisant pour qu’elles représentent une part significative du marché des aliments pour animaux de compagnie, de la même façon que les vendeurs d’horoscopes et de poudres de perlimpinpin le font sur ceux de l’information, ou des médicaments. Si, en plus, elles arrivent à tenir les prix - ce qui est sans doute possible, grâce à un effort de recherche adéquat - un boulevard s’ouvre devant elles. Mais cela ne résoudra pas significativement les émissions de gaz à effet de serre, pas plus que cela n’aidera à soulager les affamés des pays pauvres. Cela sera surtout utile pour donner bonne conscience aux « wokes ».

Pascale Hebel : Les chats et les chiens sont carnivores et ont donc besoin de viande pour vivre et ils ne peuvent pas comme les humains s’en passer. Les grands groupes de Petfoods développent une alimentation durable pour animaux, que ce soit avec des produits à base d’insectes qui sont déjà sur le marché Suisse ou à base de viande cellulaire sur le marché Américain. Bond Pet Foods, une Start Up basée aux Etats Unis vient de développer des croquettes à base de viande cellulaire. Le marché de l’alimentation durable dans le Pet Food fait des croissances de 70% sur le marché américain alors que l’alimentation standard ne progresse que de 30%. Le marché progressera plus vite que les marchés des plats végétariens pour les humains. Les choix pour son animal domestique est souvent analogue au choix pour soi, mais les envies d’agir pour la planète pourraient aider à commencer par modifier plus rapidement l’assiette de son animal de compagnie.

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La fabrication de viande in vitro pour animaux diffère-t-elle de celle pour les hommes ? Y a-t-il certaines précautions à prendre pour garantir que cela soit sain pour le régime alimentaire des animaux ?

Jean-Marc Boussard : Encore une fois, je ne vois pas pourquoi il y aurait de différence - sinon, peut-être, en matière de goût, ce qui est une affaire d’arômes à introduire en fin de fabrication. Aussi bien, je connais des hommes pauvres qui sont très heureux de consommer des pâtées pour chat, moins chers en moyenne que les pâtés pour êtres humains, parce que fabriqués avec de la viande de moins bonne qualité, mais finalement tout aussi nutritifs. Si cela marche dans un sens, il n’y a pas de raisons pour croire que cela ne le fera pas dans l’autre... De toutes façons, il sera toujours possible de rajouter à la fin du processus les oligo-éléments et les vitamines qui pourraient venir à manquer.

Aussi bien, avec cette viande « artificielle » sommes-nous encore bien loin de la machine décrite pas Barjavel dans Ravages : on lui fournit des éléments de base -hydrogène, carbone, azote, etc.-, et il en sort un merveilleux beefsteak-frites servi dans les brasseries huppées de St Germain des Prés (il écrivait en 1941, à une époque où le beefsteak-frites était le comble du luxe)... C’est bien cette machine qui devrait être l’objectif final de toute recherche agronomique, et qui résoudrait tous les problèmes d’émission de gaz à effet de serre par l’agriculture...

Pascale Hebel : L’intérêt de la viande in vitro est quelle a exactement la même composition que la viande naturelle, aucune garantie n’est nécessaire. La seule difficulté est l’acceptabilité de ces produits par les consommateurs qui se méfient beaucoup des nouvelles technologies.

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