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Sébastien Chenu : "Je vois chez nombre de nouveaux parlementaires LR beaucoup plus de points d'accroche avec le FN que chez l'arrière garde à la Wauquiez ou Ciotti"
©DENIS CHARLET / AFP

Entretien politique

Sébastien Chenu, nouveau député Front national, revient pour Atlantico sur l'actualité de son parti, les questions qui accaparent son actualité et les possibilités, à défaut d'une alliance, d'une entente avec Les Républicains.

Sébastien Chenu

Sébastien Chenu

Sébastien Chenu est député (FN) dans la dix-neuvième circonscription du Nord. Anciennement chargé de l'exception culturelle au sein de l'UMP, il est le fondateur de l'association GayLib, association de défense des droits LGBT au sein du parti.

 

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Atlantico : Alors que le parti est en plein atelier refondation et qu'y sont échangées des contributions difficilement compatibles comme celles de Florian Philippot ou de Nicolas Bay par exemple, par quel chemin croyez-vous que le FN puisse échapper à la crise de nerfs voire à la scission ?

Sébastien Chenu : Il ne faut pas voir les choses de façon si extrême. Ce que l'on fait est un travail de formation et de réflexion qu'on doit à nos adhérents, militants et électeurs. Si nous ne faisons pas ce travail de fond, nous ressemblerons à ce que sont devenus LR et le PS, c'est à dire des astres morts qui n'ont pas su se renouveler. Marine Le Pen avait dit que "l'on arriverait au pouvoir dans les années à venir". Nous sommes au milieu du chemin, nous avons fait 11 millions de voix, jamais autant de voix n'ont été faites par un candidat patriote et souverainiste. Pourtant nous n'avons pas gagné la présidentielle. Pour les législatives nous avons huit députés qui ont fait exploser les plafonds de verre avec ce scrutin qui nous est particulièrement défavorable et nous n'avons pas de groupe.

Nous sommes donc à mi-chemin et si l'on veut parcourir le reste du chemin, il faut savoir nous remettre en cause sur le fond et la forme.

Il n'y a donc pas d'histoire de scissions, car nous avons la chance d'avoir une logique nationale derrière laquelle chacun se retrouve. Simplement tout le monde, pour arriver au même résultat, ne souhaite pas forcément emprunter le même chemin.

Vous avez souvent été présenté comme proche de Florian Philippot mais ces derniers temps, vous vous êtes montré plus critique sur l'intérêt pour le parti de maintenir sa ligne souverainiste et sur le maintien de la sortie de l'euro comme élément central du programme FN, où en êtes-vous de vos relations avec Florian Philippot ?

Mes relations ont toujours été excellentes avec Florian Philippot et elles le demeureront. Florian Philippot non seulement a de la matière grise, mais aussi une capacité à ouvrir le FN sur d'autres sujets. Même si l'on est les seuls à défendre la souveraineté nationale et du moment où on veut devenir un parti de gouvernement il faut être capable de parler travail, culture… et ne pas se cantonner au seul sujet de la souveraineté. Il a fait un travail extrêmement méritoire et personne ne peut lui en faire le reproche.

Après il y a la question du retour au franc. Je suis souverainiste et par conséquent je pense que la Nation France doit primer sur les concepts européens. Cela ne veut pas dire que l'on est anti européens, que l'on veut mettre des grillages, que l'on ne veut plus parler à personne, cela veut dire que pour être libre et pouvoir décider de notre sort il faut en avoir les moyens. Mais la sortie de l'euro, les Français n'en veulent pas. Ça leur fait peur présenté ainsi, mais je crois que cette sortie de l'euro n'est qu'une conséquence de la reconquête de notre souveraineté et non pas une porte d'entrée. Je pense que le malentendu vient de là. Ce n'est pas un verrou d'entrée mais une conséquence.

Entre la partie du FN plus conservatrice comme celle qu'incarnait Marion Maréchal Le Pen ou que porte Nicolas Bay aujourd'hui et le courant de Florian Philippot qui s'arqueboute sur sa ligne souverainiste, Marine Le Pen dont vous êtes proche est-elle celle qui porte le mieux la sensibilité politique qui est la votre et comment la décririez-vous ? Avez-vous d'ailleurs déposé une contribution dans les ateliers de la refondation du FN ?

Je me suis engagé d'abord pour Marine Le Pen car je suis séduit par le discours qu'elle porte. C'est elle qui arrive le mieux à faire la synthèse entre ces différentes sensibilités. C'est elle qui a posé la logique nationale derrière laquelle tout le monde est rangé. Le FN n'est pas le tea party français, ce serait plus Les Républicains. Les gens qui rentrent au Front national au contraire veulent changer les règles du jeu tout en étant attachés à certaines valeurs et à la défense de l'identité. Marine Le Pen arrive à faire la synthèse entre tout cela, entre la défense de l'identité et la volonté de changer les règles du jeu. Elle est au-delà de la mêlée pour porter ce projet et les aspirations de nos militants.

J'ai déposé une proposition sur la réorganisation du mouvement. Je pense qu'il ne correspond plus dans son mode d'organisation à ce que les adhérents veulent. Je l'ai fait en consultant les gens autour de moi et en regardant ce qu'il se faisait dans d'autres pays. Le FN a eu une croissance importante, donc forcément il est passé d'un parti protestataire à un grand mouvement, avec des élus, qui doit montrer qu'il est capable de gouverner.  Je note quand même que chez nous, Marine Le Pen est une présidente élue qui remet en cause son mandat. Ce n'est pas le cas chez la France insoumise ou chez La République en Marche où on ne passe pas par le mouvement pour décider du chef. Chez nous les gens votent, ils ont des choses à dire, on organise des débats... Il faut aller encore plus loin dans ce sens, oxygéner les débats… On a une logique nationale et le mouvement qui est en train de se structurer doit être capable de faire une place à ceux qui ont la même logique, qu'ils soient de gauche ou de droite.

Vous avez été élu député du Nord, après quelques semaines de session, quel bilan tirez-vous de la présence de 8 députés FN à l'Assemblée ? L'absence de groupe ne rend-elle pas votre rôle au Parlement marginal par nature ?

L'absence de groupe est injuste. Si le président de l'Assemblée nationale voulait nous permettre de représenter dignement nos électeurs, il changerait les règles pour que tout le monde soit normalement représenté. Aujourd'hui l'absence de groupe est un handicap mais il faut faire avec. Des handicaps sur notre route, on nous en a mis longtemps mais cela ne nous a jamais empêché d'avancer. Nous avons toujours avancé et jamais reculé. Sur les travaux parlementaires en eux-mêmes, on se bat, on dépose des amendements… Je suis intervenu personnellement trois fois. Notre optique ce n'est pas de faire du bruit à l'extérieur par des manifestations mais de montrer le sérieux de nos propositions. Nous travaillons sur du long terme et on se dit qu'en travaillant, proposant, en faisant rentrer dans l'hémicycle nos idées et nos propositions nous deviendrons probablement attractifs pour certains. D'autres députés verront (et voient déjà au vu des échanges que j'ai avec nos collègues) qu'ils ont des points de convergence avec nos idées. Aujourd'hui nous cherchons à crédibiliser notre offre politique et montrer que nous sommes des parlementaires solides qui travaillons. A chaque fois que je suis intervenu pour critiquer, j'ai apporté des propositions. C'est avec cette démarche que l'on se crédibilisera.

Concernant nos débuts, je trouve que l'on a  bien pris nos marques, on a pris en compte les sujets, on travaille sérieusement et on pense à moyen et long terme. Nos deux députés de la précédente législature faisaient plus de bruit parfois que les 300 socialistes. Nous n'avons pas à rougir de ce que l'on fait : on est actifs, on ne déshonore pas notre mandat contrairement à un certain nombre de députés de la majorité. On ne regarde pas passer les trains et entre la refondation du Front et le travail parlementaire on pourra tirer les fruits de tout cela, je pense, à partir de l'année prochaine.

À quoi attribuez-vous la défaite de Marine Le Pen et le net reflux du FN aux législatives, même si paradoxalement, 6 députés de plus ont été élu en 2017 par rapport à la législature précédente ?

Il n'y a pas qu'une cause. Il y a parfois notre message qui n'a pas forcément été compris, on nous a empêché de faire passer notre message en nous privant de débat de fond. Nous avons beaucoup subi les caricatures médiatiques que l'on essaye souvent de faire de nous, c'est pour cela que là aussi le travail de refondation permettra aux gens de voir que l'image que l'on fait de nous n'est pas fidèle à ce que nous sommes réellement. Tout cela sur fond d'affaires qui ont beaucoup aiguillé les débats de la présidentielle.

Sur les législatives, là encore la principale raison c'est que le mode de scrutin démobilise les électeurs. On aurait la proportionnelle, les électeurs iraient voter. Tout le monde a été touché par l'abstention mais nous particulièrement à cause du mode de scrutin. Sans parler de l'état de grâce pour Macron.

Changement de nom ou pas ?

C'est un peu comme l'euro, c'est une conséquence. Le changement de nom peut avoir du sens, je n'y suis pas hostile à condition que ce ne soit pas juste un ravalement de façade comme pour LR et que les électeurs soient d'accord avec cela. Marine Le Pen a beaucoup d'humilité en ouvrant ces débats et tous les partis ont changé de nom quand cela avait du sens dans l'Histoire, comme le RPR  qui est devenu l'UMP.

Mais le changement de nom du parti, c'est la fin de l'histoire. Il faut d'abord repenser le parti et son organisation.

Indépendamment des questions de "dédiabolisation" ou même de ligne politique, le parti vous paraît-il en mesure de convaincre les Français qu'il a les ressources humaines pour gouverner la France ? Le FN aurait-il suffisamment de personnalités compétentes pour assumer la gestion du pays ?

Je n'en doute pas et je l'ai remarqué pendant la présidentielle. Il  a moins de gens "médiatiques", c'est une évidence. Mais ce n'est pas parce qu'on est médiatique que l'on est compétent. Qui connaissait Najat Vallaud-Belkacem ou Rachida Dati avant qu'elles soient mises sous la lumière par Sarkozy ou Hollande ? Emmanuel Macron fait la même chose, d'ailleurs. Ce n'est pas la notoriété mais la qualité de la source qui compte et nous avons des gens de grande qualité. Marine Le Pen, lorsqu'elle a travaillé sur son programme, s'est entouré de ces gens. On a des gens autour de nous, certains d'ailleurs sont d'anciens membres de l'UMP qui nous donnent un certain nombre de conseil et maintenant il faut les faire rentrer dans la lumière au bon moment. C'est ce que l'on a  fait avec David Rachline. Nous avons des relais à peu près partout, et nous sommes sûrs d'avoir la capacité à nommer des préfets, des recteurs, etc., partout en France, ce n'est pas un problème. Le seul domaine dans lequel je trouve que l'on est faible, c'est dans les ressources féminines de premier plan. Nous n'avons pas assez de femmes dans la lumière alors que nous avons des gens très compétents en région.

Vous qui venez de la droite classique, croyez-vous que le FN puisse accéder au pouvoir un jour au niveau national sans s'allier avec Les Républicains ?

La question n'est pas celle-là. Je ne pense pas que nous ayons vocation à nous allier uniquement avec des gens de droite. De toute façon, le paysage politique est déconstruit. Il y a aujourd'hui un grand ensemble central, une extrême gauche radicale autour de Mélenchon et un parti souverainiste, nous, qui sommes au final proches du RPR. Il ne nous reste plus qu'à nous construire.

Qu'est ce qui sépare pour vous le FN de la partie des Républicains considérée comme la plus à droite autour de personnalités telles que Laurent Wauquiez, Eric Ciotti ou encore Thierry Mariani ?

La première chose qui nous sépare c'est leurs échecs. Ces gens ont mené des politiques qui ont été des échecs totaux et qu'ils ne se remettent pas en cause. Ces gens-là n'entrent pas dans la logique nationale. Qu'ils soient conservateurs ou qu'ils soient de droite, c'est une évidence, mais cela ne suffit pas à travailler avec nous. Nous avons besoin de gens qui se mettent dans cette logique nationale et force est de constater que Wauquiez et Ciotti fonctionnent sur de vieux logiciels. Ce n'est pas avec des gens du passé que l'on construit l'avenir. C'est plutôt avec Les Républicains de demain. Je vois chez beaucoup de nouveaux parlementaires LR beaucoup plus de points d'accroche qu'avec l'arrière garde dans laquelle je mets volontiers Wauquiez et Ciotti. Cette génération de politiques, qui ne savent plus où ils habitent, va être sacrifiée.

Vu de l'intérieur, qu'est-ce qui vous a surpris, déçu et/ou rassuré par ailleurs au FN relativement à l'image que vous pouviez en avoir précédemment ?

Deux choses m'ont frappé. D'abord que c'est un parti beaucoup plus populaire que ne l'était l'UMP, qui est raccord avec la France réelle. Le Front national est un mouvement qui agrège des gens qui viennent de partout, qui ont voté pour d'autres avant… Et ensuite le fait que ce soit un parti qui compte beaucoup de jeunes. Au Front national, un tiers des salles ont moins de 30 ans, comme au meeting de Nantes pendant l'élection présidentielle. Cela implique que le parti est moins organisé et structuré pour le moment mais c'est porteur d'espoir.

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