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Les blogs culinaires, incarnation d'une résistance face à une époque sans repères
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Miam miam

Salon du blog culinaire ce week-end à Soissons. La cuisine ne cesse ne se démocratiser. En grande partie grâce à Internet.

Julien Tort

Julien Tort

Julien Tort est bloggueur, photographe, chroniqueur gastronomique et traque l'excellence culinaire. Guide et professeur de cuisine, il se refuse à opposer la santé et le plaisir.

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Bien-sûr, l’émergence du blog culinaire se relie d’abord à la passion ravivée des Français (et des autres) pour la cuisine et pour les médias associés.

Déjà en septembre dernier, la nouvelle saison de "Top Chef" offrait à Robert Redeker une occasion de dire des âneries en s’énervant. Dans les librairies, les livres de cuisine envahissent parfois jusqu’à la moitié des rayons, reléguant au second plan, se substituant peut-être, à tous les ouvrages de développement professionnel, sans parler de la littérature.

L’engouement pour la cuisine constitue sans doute une réaction, une résistance face à l’époque : du concret dans un monde désincarné, de la convivialité et de la gratuité dans un monde individualiste et marchand, de la culture dans un monde sans repères, du plaisir dans un monde de brutes.

Mais le blog culinaire soulève des questions au-delà de ce simple engouement pour la cuisine. "Les livres de cuisine sont-ils obsolètes ?", demandait la semaine dernière le New York Times. On dirait bien, et ceci de deux façons au moins.

D’abord, le blog de cuisine, ou de restaurant, est un produit multimédia. Les passionnés de cuisine se souviennent avec nostalgie de l’émission de Joël Robuchon, Bon Appétit Bien Sûr (et de son hélas éphémères chaîne de télé), où on pouvait enfin voir des grands chefs cuisiner. C’était déjà, pour reprendre les mots d’un chef célèbre, "beaucoup plus que des recettes". Voir le pâtissier incorporer des blancs en neige, la température à laquelle on dore joliment un suprême de pintade, ce sont des apprentissages précieux. C’est si vrai d’ailleurs que ces vidéos ont assez rapidement cessés d’être gratuites...

Certains blogs tirent grandement parti des possibilités ouvertes par les nouvelles technologies : vidéo sur comment faire la pâte feuilletée, ou pour vous faire partager l’usage de l’azote liquide au Fat Duck; podcasts. Il y a même un jeu de Nintendo DS pour vous aider à faire la cuisine.

Avant, quand on cherchait à cuisiner avec ce qu’il y avait dans son frigo, on feuilletait ses vieux grimoires. Dans certaines émissions de radio, on interrogeait même des chefs en direct : « j’ai acheté des blettes au marché, mais je ne sais pas quoi en faire », « j’ai une boîte de thon et deux oignons verts, comment faire un menu gastronomique ? ». On a maintenant des moteurs de recherche spécialisés. On n’arrête pas le progrès.

On voit même apparaître des cours de photographie qui s’adressent d’abord aux blogueurs, voyez L’Oreille culinaire d’Isabelle Rozenbaum par exemple.

En même temps, ces capacités multimédia sont étrangement sous-utilisées par bien des blogueurs, vous l’aurez peut-être remarqué. Pour quelques jolies vidéos, pour quelques applications intelligentes, combien de photos pourries prises dans le noir avec un téléphone portable ?

C’est qu’il y a autre chose : les blogs, c’est le réseau. Il n’y a plus besoin d’être célèbre ou reconnu pour être publié. Tous ceux qui pensent qu’ils ont quelque chose à dire, à partager, à montrer, peuvent se jeter à l’eau et créer leur blog en une heure. On peut chercher, dans l’univers pratiquement infini, exactement la recette dont on rêve, le blogueur qui partage nos goûts et nos rêves, des critiques de restaurant aussi longues, précises et riches d’images, qu’un essai dans le Moniteur Automobile. C’est vraiment nouveau, et c’est vraiment utile.

Le succès du blog culinaire n’est donc pas un simple hasard de l’histoire, un effet de mode ou de marketing. Je me demande même si cela n’est pas un exemple de l’adaptation réussie d’une culture ancienne à une technologie nouvelle.

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