Robert Ménard : "Les valeurs de la droite hors les murs se retrouvent sans aucun doute dans le discours de François Fillon"<!-- --> | Atlantico.fr
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Pour Robert Ménard, François Fillon "fascine une partie de l'électorat de droite en France qui pourrait être tenté par Marine Le Pen".
Pour Robert Ménard, François Fillon "fascine une partie de l'électorat de droite en France qui pourrait être tenté par Marine Le Pen".
©PASCAL GUYOT / AFP

Entretien

Maire de Béziers élu sous l'étiquette du Rassemblement Bleu Marine, Robert Ménard évoque pour Atlantico le danger potentiel de François Fillon pour le Front national en vue des élections à venir en 2017.

Robert Ménard

Robert Ménard

Robert Ménard a été journaliste et fondateur de Reporters Sans Frontières (RSF).

Président de l'association de 1985 à 2008, il a dirigé un centre d'accueil pour les journalistes à Doha (Qatar) de 2008 à 2009.

Il a été élu en avril 2014 maire de la ville de Béziers

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Atlantico : Certains observateurs jugent que la victoire de François Fillon à la primaire de la droite est le signe d'une droite plus assumée, qui pourrait par ailleurs séduire en 2017 des électeurs hésitant encore entre Les Républicains et le Front national. Est-ce un avis que vous partagez ?

Robert Ménard : Je pense que c'est le signe d'une droitisation de la société. Les valeurs que porte la droite "hors les murs" se retrouvent dans le discours de François Fillon. Je connais autour de moi, parmi les personnes qui ont été élues sur ma liste à Béziers, un bon nombre de gens qui sont allés voter pour lui à la primaire de la droite et du centre.

Mais une fois que vous avez dit ça, il faut immédiatement ajouter que ce n’était que la primaire – et certains ont fait le choix de Fillon parce qu’ils ne voulaient ni de Sarkozy ni de Juppé. Il faut également rappeler que ce même François Fillon a été Premier ministre pendant cinq ans, et qu'il a entériné bien des choix et des prises de décisions à l'encontre de tout ce qu'il nous dit aujourd'hui. On ne peut pas oublier cela.

Certes, aujourd’hui, il fascine une partie de l'électorat de droite qui pourrait être tenté par Marine Le Pen.  Mais nous entrons dans une longue campagne électorale pendant laquelle sera rappelé tout ce qu'il a fait dans le passé et qui va à l'encontre de ce qu'il dit aujourd'hui. Il faut juste avoir un peu de mémoire... Mais il est certain que si l'on ne met pas l'accent sur ce qu'il a été et ce qu'il a fait, il peut effectivement être un danger pour Marine Le Pen. 

En ce qui concerne les positionnements de François Fillon, tant socio-économiques que sociétaux, dans quelle mesure vous sentez-vous proche de lui ?

Sur un certain nombre de questions de société, je me sens évidemment plus proche de lui que d'un Alain Juppé ou d'un Nicolas Sarkozy. Idem pour les questions de politique étrangère. Concernant deux sujets d'actualité importants (Russie et Syrie), il tient un discours bien plus en conformité avec les intérêts de la France. Enfin, sur le terrain économique, je pense qu'il y a en France une aspiration à une économie plus "oxygénée", moins étatiste qu'actuellement. Mais en même temps, cette approche plus libérale doit s'accompagner de certaines protections pour les plus pauvres, qui ne sont pas aujourd'hui dans le programme de François Fillon.

Encore une fois, ce qui me semble essentiel n'est pas tant ce qu'on dit mais ce qu'on fait. Or, en la matière, pour quiconque n'a pas une mémoire de poisson rouge, il y a peu de raisons de faire confiance à François Fillon. 

Sous l'influence notamment de Florian Philippot, le Front national adopte depuis quelques années une ligne mettant la gauche et la droite dans le même sac, espérant toucher des électeurs des deux camps. Selon vous, cette stratégie est-elle la bonne, ou Marine Le Pen devrait-elle au contraire chercher à se recentrer sur ses électeurs de droite ?

Je pense qu'à terme, cette stratégie est perdante. On ne peut pas renvoyer gauche et droite dos à dos. Le maire que je suis ne peut confondre un gouvernement de droite et un gouvernement de gauche. C'est par pragmatisme que je dis cela. Évidemment, si j'avais à choisir entre M. Fillon et un candidat de gauche, j'opterais pour M. Fillon. Cela dit, j'espère vraiment ne pas me retrouver face à un tel choix et pouvoir voter, comme je le ferai dès le premier tour, pour Marine Le Pen au second tour de la présidentielle. C'est elle qui, selon moi, incarne aujourd'hui l'espoir de la France populaire, malgré les désaccords que je peux avoir avec elle. 

Avec les candidatures de Nicolas Dupont-Aignan et de François Fillon, le Front national ne risque-t-il pas de pâtir en 2017 d'un éparpillement des voix des électeurs de la droite dite "hors les murs" s'il ne change pas sa position ?

Tout le travail de Marine Le Pen sera de rappeler que l'électorat qui s'est porté sur François Fillon se trompe sur la capacité de leur champion à défendre les valeurs qu’il affirme incarner. Dans le même temps, si elle veut attirer un électorat conservateur – et notamment catholique –, je lui conseillerais de demander à M. Philippot de se faire plus discret.  Il est un véritable repoussoir pour toute personne qui pense que l'homme ne se réduit pas à un consommateur mais a également une âme... 

Si jamais la "ligne Philippot" restait prédominante au sein du Front national et empêchait un rapprochement avec la droite, pourriez-vous être tenté personnellement de vous rapprocher de François Fillon ?

Non. J'ai de l'amitié et de la fidélité à l'égard de Marine Le Pen. C'est pour lui rendre service que je dis ce que je viens de vous confier. Je veux que la France gagne. Et pour cela, nous avons besoin de défendre sa civilisation, son histoire, ses paysages, ses mœurs, sa culture... Même si j'ai des désaccords avec Marine Le Pen, je ne fais aucunement confiance à François Fillon : il a été Premier ministre pendant cinq ans, il ne s'est pas opposé à l'entrée sur notre sol de près d'un million d'étrangers, il est allé inaugurer la plus grande mosquée de France à Argenteuil, il n'a pas beaucoup résisté à l'Europe, et je ne l'ai pas vu manifester à nos côtés lors de la Manif pour Tous... 

Vous ne pourriez donc pas voter pour lui à titre personnel...

Je juge les gens sur ce qu'ils font ou sur ce qu’ils ont fait. Le reste n’est le plus souvent que du marketing électoral... Certes, les gens peuvent changer. Mais alors, il faut avoir le courage de le dire et d’en tirer toutes les conséquences en cessant notamment de diaboliser ce qu’on nomme « l’extrême droite ». 

Ce lundi, Marion Maréchal-Le Pen a prôné un arrêt du "remboursement intégral et illimité de l'avortement", ce qui lui a valu un petit recadrage de Marine Le Pen qui a rétorqué que cela ne "faisait pas partie de [son] programme". Selon vous, le Front national peut-il tenir longtemps avec deux lignes de plus en plus distinctes ?

Souvenez-vous du RPR dirigé par Jacques Chirac : il comptait  des gens qui, sur de nombreuses questions, avaient des divergences de vue encore plus tranchées. Le Front national n'est pas menacé d'explosion. La différence avec les autres partis, c'est qu'il n'y a pas, dans ses rangs, de personnes qui contestent l’autorité de Marine Le Pen. Il y a des divergences de ligne, bien sûr, mais pas sur l'identité de celle qui doit porter ses couleurs.

Propos recueillis par Benjamin Jeanjean.

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