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La Première ministre Elisabeth Borne et le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, lors de la présentation de la réforme des retraites, le 10 janvier.
La Première ministre Elisabeth Borne et le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, lors de la présentation de la réforme des retraites, le 10 janvier.
©Bertrand GUAY / POOL / AFP

Réforme prioritaire

La réforme des retraites est intrinsèquement liée à la réindustrialisation de la France.

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser est ancien député européen apparenté RN.

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J’entends dire que la réforme des retraites peut être remise à plus tard car le régime étant actuellement équilibré, même excédentaire de 3 milliards, cela peut attendre. Henry Sterdyniak, ancien économiste de l’OFCE et un organisateur des économistes atterrés, avec qui j’avais travaillé sur la macro-économie des retraites mais aussi sur la régulation de la finance, souligne que d’autres chantiers sont plus importants comme la réindustrialisation de la France, autour de l’économie verte.

Je ne le pense pas ! La réforme des retraites me semble prioritaire car elle est une question de justice générationnelle et sociale ; elle est également intrinsèquement liée à la réindustrialisation de la France.

Tout d’abord, elle nous oblige à un choix de justice générationnelle et donc de justice sociale ! La France veut-elle favoriser la jeunesse et ses actifs ou veut-elle soutenir ses vieux, veut-elle soutenir son passé aux dépens de son avenir ? Ainsi, le Général de Gaulle, après-guerre, comme Jacques Bichot l’a bien montré, a mis en avant une politique démographique et une politique de soutien à l’activité en se préoccupant très peu des vieux, car il voulait préparer l’avenir par la croissance des richesses de la France, à venir.

Dans un système par répartition, ce sont les actifs qui payent les retraites, et donc les actifs d’aujourd’hui payent nos retraites de vieux. Ces actifs d’aujourd’hui sont plus pauvres proportionnellement que la génération des actuels retraités qui a bénéficié du Baby boom, de la croissance nationale d’Etat, du plein emploi et d’un immobilier peu cher, de taux d’intérêts réels négatifs ainsi que d’un made in France, protégé et néanmoins compétitif. Nos enfants, de la génération du Papy boom, doivent travailler plus pour payer nos retraites en étant proportionnellement moins riches.

Par ailleurs, pour que la réindustrialisation à venir de la France se fasse, les retraites sont également importantes, en raison de leur poids dans le PIB.

Regardons les pays européens qui ont les dépenses de retraites les plus fortes, l’Italie et la Grèce avec 16% points de PIB, alors que la France a 14 points de PIB et l’Allemagne 12, le poids de 16% étant nettement au-dessus la moyenne européenne autour de 12%. Constatons que ce sont ces mêmes pays qui ont le niveau de chômage des jeunes le plus élevé, et donc des jeunes encore plus paupérisés car sans emploi, et que, par leur dette publique la plus importante de l’Union, ils montrent également qu’ils sont prêts à faire porter aux générations futures leurs dépenses actuelles sans se soucier, à nouveau, de leurs enfants. Est-ce juste ? Est-ce supportable ? La France est pourtant sur cette voie, voulons-nous continuer, et aggraver encore cette situation ?

Par ailleurs, les pays qui dépensent plus que la moyenne européenne pour leurs retraites, autour de 12% du PIB je le répète, rencontrent également un problème de compétitivité, surtout si ce poids de dépenses et de dépenses supplémentaires, comme en France, pèse essentiellement sur les entreprises. Ce problème de compétitivité importe évidemment dans la réindustrialisation, et plus particulièrement en France dans ses échanges sein de l’Union, car la France y a des déficits commerciaux croissants, désormais plus importants que par rapport au reste du monde….

Justice générationnelle et réindustrialisation sont donc intimement associés. C’est sur ces fondamentaux que le débat politique aurait dû s’engager.

L’âge de la retraite n’est qu’une variable d’ajustement, qui peut être choisie parmi d’autres, à partir du moment où l’on s’accorde sur ces principes.

La question des déficits du système des retraites est également très secondaire par rapport au poids global de la dépense pour les retraites car l’estimation de ces déficits repose sur des aléas macro-économiques de prospective, que je trouve optimistes, dont on peut discuter sans fin mais, surtout, parce-que ce gouvernement a poussé les déficits, publics et commerciaux, à des sommets jamais atteints et qu’il n’est pas donc pas crédible sur ce sujet.

Comment nos actuels responsables politiques, tous partis confondus, qui ont fait croire aux Français qu’on peut s’enrichir en s’endettant, ne pas travailler et gagner le même argent, qui ont trouvé des centaines de milliards d’argent ‘’gratuit’’ pour le confinement, le contrôle social et des vaccins inefficaces tout en ne trouvant pas le dixième de ces montants pour l’hôpital et la création de richesses réelles etqui sont, entre autres, responsables d’un plan européen qui nous coûtera plus qu’il ne nous apportera, seraient-ils crédibles sur la rigueur et la bonne gestion publique ?

Quant à la productivité, miracle qui pourrait sauver le régime des retraites, par une création supplémentaire de richesses, comme en parle une porte-parole de l’opposition, elle ne fait que décroître depuis des années ; les raisons en sont plus multiples mais la désindustrialisation et une productivité de ceux qui travaillent, déjà des plus fortes en France, en sont les principales raisons. N’en attendons donc pas des miracles !

Revenons sur les véritables raisons de notre désindustrialisation avec la mise en concurrence mondiale généralisée de ce qui n’aurait jamais dû être mis en concurrence, c’est-à-dire la mise en concurrence des systèmes sociaux et du travail local avec le travail international.

Notre génération a laissé faire la mondialisation libérale (nous sommes très peu à nous y être opposés avec Maurice Allais). Cette mondialisation a permis l’importation de produits pas chers et donc des gains de pouvoir d’achat pour une génération, la nôtre, qui bénéficiait encore d’une base industrielle réelle mais déclinante mais elle a favorisé, surtout, la désindustrialisation avec l’exploitation d’une main d’œuvre étrangère peu chère, sans système social, en mettant en compétition ce qui ne pouvait pas l’être, sauf à transformer la concurrence en jeu de massacre industriel.

En effet, en raison de notre système social très distributif, et donc surtout du poids des retraites, plus du tiers de nos dépenses sociales, pesant surtout sur nos entreprises, beaucoup d’entreprises ont été amenées à délocaliser, tout ou partie de leur production, ou ont dû fermer, détruites par la concurrence étrangère, avec l’ouverture généralisée des frontières.

C’est cette situation qui a produit notre désindustrialisation et ainsi la paupérisation de nos enfants, en mettant la France en faillite économique et sociale, en raison d’une redistribution sociale maintenue, à juste titre, de mon point de vue, mais d’une production de richesses de plus en plus faible, ce qui a aussi comme conséquence mathématique d’augmenter la distribution sociale dans le PIB, à la fois par des dépenses croissantes dont le chômage, mais surtout, proportionnellement, la création de richesses diminuant, la dépense sociale augmente mathématiquement dans le PIB, sans même des dépenses supplémentaires.

Nos jeunes ont été ainsi été paupérisés par la mondialisation, voulue globalement par nous les vieux, par nos choix politiques, sociaux. Ils sont déjà pressurisés fiscalement pour payer les pensions et les dépenses de santé de nous les retraités responsables de leur paupérisation. Mais, en outre, nous voudrions, les empêcher de produire, de manière compétitive, toute création de richesses nouvelles à venir pour qu’ils continuent à assurer notre train de vie, à leurs dépens.

Aucune réindustrialisation ne sera possible, en effet, en maintenant, dans l’actuel contexte d’ouverture des frontières, je parle du niveau européen et occidental de l’OCDE, sans un minimum d’harmonisation de la dépense sociale : les pays les moins dépensiers bénéficiant, sinon, d’un avantage comparatif pour leur base industrielle, leur réindustrialisation et leur économie. Il va de soi que la mise en concurrence généralisée du travail Français avec le travail Chinois, il y a 20 ans, était une entreprise de destruction du travail Français au profit du capital : un capital rompant le contrat moral entre le travail local et le capital local, par la finance - car le capital n’est que du travail accumulé et il ne peut se déconnecter moralement, par la finance, du travail local - pour chercher sa meilleure rémunération, aux dépens du travail chez nous.

C’est ainsi que la lutte des classes a bien existé, mais au profit de la finance qui a voulu l’ouverture mondiale pour optimiser ses gains dans ses investissements, en produisant au moins cher et en vendant au plus cher, tout en s’extrayant de l’impôt national et en paupérisant l’Etat par moins d’industrie, moins de base fiscale, la concurrence mondiale sur les bénéfices ainsi que par l’optimisation fiscale.

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que les responsables politiques et syndicaux, qui ont laissé faire et, ou, qui ont cru à la mondialisation heureuse, ne veulent pas remettre en question ce système de destruction de nos richesses avec ses injustices, d’abord générationnelles, faisant faussement croire que les intérêts des actifs sont les mêmes que ceux des retraités, pour s’arcbouter sur des dépenses de retraite croissantes.

Il faut mettre fin à ce système!Il faut donc baisser le poids des retraites dans le PIB, en France, à 12%, et non l’augmenter ; ce poids de 12% est déjà nettement supérieur au poids moyen dans les pays industrialisés qui serait autour de 8%.

Alors, sur cette base factuelle de justice générationnelle, mais aussi de compétitivité pour nos industries présentes et à venir, un véritable débat peut se faire avec les syndicats et, plus largement, les actifs et les retraités, sur les voies et moyens d’y parvenir en toute justice ; mais une chose est sûre, la justice et la compétitivité passent par une diminution des retraites élevées et, comme l’ont fait un certain nombre de pays – dont l’Allemagne et l’Italie- par la mise en place, passé un niveau de rémunération,de l’investissement dans l’économie réelle, chez nous Française, afin de créer les richesses capables de pourvoir aux dépenses, demain, des retraites.

Il ne s’agit évidemment pas de le faire par des fonds d’investissement privés, étrangers en outre, et de remplacer notre système de répartition par un système de capitalisation, mais de permettre aux actifs bien rémunérés d’investir, avec des avantages fiscaux, dans un ou plusieurs fonds publics d’Etat,outils d’investissement d’un véritable plan de réindustrialisation du pays, s’il veulent garder des retraites confortables.

Autrement dit, le système général, par répartition, assurerait la solidarité de base jusqu’à un niveau à définir et selon un âge également à définir, une fois le principe de la dépense de la retraite arrêtée à 12% du PIB, et le reste serait l’affaire de contributions, soutenues par l’Etat, aux Fonds publics de réindustrialisation.

Ainsi, en nous mettant dans une moyenne des dépenses sociales européennes, serons-nous plus légitimes pour demander une harmonisation fiscale et sociale internationale et sinon protéger nos industries restantes et préparer la réindustrialisation, par des montants compensatoires sociaux prenant la forme de droits de douane. Le maintien de l’ouverture généralisée des frontières nous y oblige, même s’il tend, désormais, à prendre fin par ceux- là mêmes qui l’ont promu, car leurs intérêts changent, comme on le voit dans l’économie US face à la Chine et désormais, même, face à l’Europe.

Jean-Luc Schaffhauser, ancien député européen apparenté RN

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