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Retour de bâton : la France est-elle consciente de l’aide concrète qu’elle a apportée aux djihadistes en Syrie depuis 4 ans ?
©Reuters

Aveuglement

Oui, la France a indirectement apporté beaucoup plus d'aide qu'on ne le croit aux djihadistes par sa politique en Syrie. Voici ce que le président de la République François Hollande pourrait presque écrire à l'Etat islamique.

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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LETTRE DE FRANCOIS HOLLANDE AUX DJIHADISTES

         Messieurs les djihadistes,

Permettez moi de vous le dire. Vous y êtes allés un peu fort.

Non,  je ne méritais pas cela, la France ne méritait pas cela.

Après les attentats que vous avez organisés  à Paris ce 13 novembre  au soir, vous avez clamé victoire sur les "croisés" que nous serions.

Vous nous faites injure. La France est une république laïque  qui ne veut avoir rien en commun avec ces gens là. Nous avons renié nos racines chrétiennes: vous comprendrez que nous ne pouvons pas nous voir  appelés croisés sans déplaisir.

D'ailleurs les croisés , les vrais, combattaient les musulmans et protégeaient les chrétiens.

Or, nous,   depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, non seulement nous ne protégeons pas les chrétiens, mais nous aidons ceux qui les massacrent. Ne prenez pas trop au sérieux tel ou tel ministre que nos avons dépêché dans les camps chrétiens d'Irak: c'est  d'abord  à usage interne.

Vous le  savez, les gouvenrment français vous ont aidés  depuis quatre ans autant qu'ils l'ont  pu . Ayant  réduit année après année, notre budget militaire , comprenez que je ne pouvais pas faire beaucoup plus.  Nous vous avons  néanmoins   envoyé beaucoup d' armes,  y compris létales, et d'autant plus volontiers  que c'étaient nos amis communs de la péninsule arabique, le  roi d'Arabie, l'émir du Qatar  et  les autres émirs qui payaient. Et rubis sur l'ongle.

On a beau être le successeur de Jaurès, il y a de petits bénéfices sur  lesquels nous ne crachons pas, même si ça fait un peu durer la guerre.

Comme certaines de ces armes que nos livrions  étaient assez sophistiquées, nous vous avons envoyé des instructeurs, dont plusieurs anciens légionnaires. Quelques dizaines ont même  été faits prisonniers à  vos côtés quand les    troupes de Bachar el Assad ( honni soit-il !) ont assiégé puis repris la ville de Homs. C'était il est vrai du temps de  mon prédécesseur. Mais aussitôt arrivé au pouvoir, j'ai tâché, vous les avez, de faire  encore mieux que lui.

Nous avons formé dans des  camps d'entraînement  en Turquie et en Jordanie, aux côtés de  nos amis américains, dotés il est vrai de plus gros moyens,  les  jeunes recrues qui vous arrivent d'un peu partout, y compris de France. Il fallait certes sauvegarder les apparences.  Nous les avons qualifiés d'"armée syrienne libre", mais , vous le savez, ces recrues ne vous ont pas manqué: aussitôt formées, la plupart ont rejoint vos troupes.

Il est vrai  qu'entre les  deux principaux groupes que vous constituez, nous aidons davantage Al Nosra que Daesh. Mais vous comprenez que ,  Al Nosra se trouvant aux portes de Damas et  notre objectif prioritaire restant, comme mon ministre Fabius ne cesse de la proclamer,  la chute du régime de Bachar el Assad, c'est eux qu'il fallait aider d'abord. Et puis , je vous le dis, vous les gens de Daesh avez parfois de mauvaises manières :  vous  produisez  des vidéos  sur You Tube chaque fois que vous procédez à des décapitations , comprenez que ça fait mauvais genre : comment voulez-vous nous  vous aidions ? Les gens d' Al Nosra , eux,  ne font pas ça. Ils ont certes la main aussi lourde que vous , surtout  quand ils prennent  un village chrétien ou alaouite, mais ils sont plus discrets. Ils ont même pris la précaution de  changer de nom : ils ne s'appellent plus Al Qaida, ce qui rappelait de mauvais souvenirs  aux  Américains.   Notre ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, est même allé jusqu'à dire  qu'ils faisaient du  bon boulot"!  D'une certaine manière, cela s'adresse à vous tous. Mais il est entendu que nous  parlions  seulement de votre action contre Assad, pas ce que vous veniez de faire à Paris, bien sûr, 

Puisque le régime d'Assad est  votre pire ennemi,  je vous le dis sans ambages, il est aussi notre pire ennemi. Raison de plus pour vous dire que vous avez exagéré. Au fond, si vous n'aviez pas entrepris ce genre d'action sur notre territoire national, nous avions tout pour nous entendre.

Quand nous avons annoncé au mois de septembre, un peu bruyamment il est vrai,  notre participation à  une grande coalition contre Daesh, il ne fallait pas nous prendre au mot. Cela aussi  était à  usage interne. Le premier bombardement que nous avons entrepris, avant la session des Nations-Unis,  n'a visé qu'un bâtiment vide en plein désert. Depuis, le régime de Damas  nous a interdits d' approcher le porte-avion Charles de Galle de ses côtes,  arguant que nous avons bombardé surtout des puits de pétrole  lui appartenant. Sans doute exagère-t--il un peu mais tout de même , s'il le dit,  ne pensez-vous pas qu'au fond,  nous ne sommes pas très dangereux pour vous ?  

Nous avons un autre ami commun , le présidant turc Erdogan . Son parti vient de remporter les élections . Il vous aide de multiples manières, en bombardant vos ennemis kurdes, en permettant aux volontaires venus  du monde  entier de rejoindre  vos rangs - et ils sont de plus en plus nombreux, vous le savez,  à le faire  - , en vous livrant des armes, et même en organisant une filière de départ vers l'Europe des jeunes syriens qui risquent d'avoir  à vous combattre dans les rangs de l'armée syrienne. Cet ami commun, loin  de nous plaindre de lui,  nous avons vu sans déplaisir et en  tous les cas sans la désavouer, Angela Merkel aller le soutenir  ostensiblement avant les élections - de fait,  au nom de l'Europe et donc en notre nom. Les pays  les plus riches de la planète qui forment le G 20  se réunissent dans quelques jours chez lui,  à Antalya. Ce sera une consécration  pour lui. Un proverbe arabe dit que  "les amis  de nos amis  sont nos amis ".  Vous voyez que nous ne  sommes pas ennemis  !

Et d'ailleurs si nous atteignons notre but qui reste  la chute du régime odieux d'Assad, vous pourrez entrer à Damas. Vous avez dit que vous y établiriez la charia : libre à vous. Nous n'interférerons plus alors  dans les affaires intérieures de la  Syrie. Vous pourrez planter le  drapeau du khalifat à 220  Km de Jérusalem et à 85  km de Beyrouth. Allah est grand !  

Les  attentats que vous avez revendiqués étaient donc inutiles . Cette fois , je m'adresse à Daesh qui , seul l'a fait ,  mais nous savons votre proximité puisque  vos troupes combattent indifféremment sous l'une et l'autre bannière.

Et , moi, président  Hollande, compte tenu de ma bonne volonté à votre égard, je ne  méritais franchement pas cela. Je vous en supplie, ne recommencez pas, vous me feriez vraiment de la peine.

                                                                  F.H.

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