Chaises musicales
Remaniement : « Chéri, j’ai rétréci mes ministres »
Elisabeth Borne a eu la lourde tâche de former une équipe paritaire capable d’obtenir des majorités pour faire adopter les réformes du nouveau quinquennat d'Emmanuel Macron.
Anita Hausser
Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015).
Qui se souvient des paroles d’Emmanuel Macron le soir de sa réélection, le 24 avril dernier, promettant une « ère nouvelle » qui « ne sera pas la continuité du quinquennat qui s'achève mais l'invention collective d'une méthode refondée pour cinq années de mieux au service de notre pays, de notre jeunesse » ? L’intention était peut-être bonne, mais en fait d’ère nouvelle les Français sont renvoyés à une ère très ancienne que les moins de soixante-dix ans ne peuvent pas connaitre et qui s’appelait alors quatrième République, caractérisée par son instabilité politique. Avec l’avènement de la 5e République on ne devait jamais revoir « ça ». Mais l’histoire vous joue parfois de ces tours… Et voilà qu’au 21e siècle la France s’apprête à rejouer le film. Car l’impensable s’est produit : les Français n’ont pas donné de majorité au Président qu’ils viennent de réélire. Et voilà la France plongée dans la relativité, avec une majorité relative, c’est-à-dire sans majorité parlementaire. D’où le gigantesque casse-tête pour un Emmanuel Macron, dépité, de nommer un chef de gouvernement, une cheffe en l’occurrence, puis de former une équipe paritaire capable d’obtenir des majorités cette fois pour faire adopter des réformes. Autant dire que les stars ou prétendues telles ne se sont pas bousculées au portillon pour faire leur entrée dans une équipe dont la longévité est compromise d’avance. Pour l’affichage, le gouvernement de quarante et un membres est paritaire, mais on trouve une seule femme à un poste régalien, (Catherine Colonna, la ministre de l’Europe et des Affaires Etrangères); chez les ministres, onze hommes et cinq femmes ; neuf hommes et six femmes sont ministres délégués; neuf femmes et un seul homme ont été nommés secrétaires d’Etat, le grade le moins élevé dans la hiérarchie ministérielle... On découvrira dans quelques temps quelques jeunes pousses du macronisme, tel Hervé Berville, nouveau ministre de la Mer, ou Dominique Faure, chargée de la ruralité. Quant aux poids lourds du précédent quinquennat qui restent aux manettes, notamment les numéros deux et trois du gouvernement, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, ils voient leur pouvoir renforcé avec la nomination de ministres délégués sous leur tutelle, ce qui laisse augurer la création de « petits Etats dans l’Etat ». Le fiasco du Stade de France semble avoir glissé sur le Ministre de l’Intérieur comme l’eau glisse sur les plumes d’un canard, alors que mezzo vocce en Macronie, on reconnait que cette lamentable affaire a bien fait perdre des plumes à la majorité aux législatives. Elisabeth Borne souhaitait sinon son départ, du moins sa nomination à une autre fonction. Elle n’a pas obtenu gain de cause. Car aujourd’hui l’urgence pour l’exécutif, est la question du pouvoir d’achat des Français. Le gouvernement doit obtenir une majorité effective ou par défaut au Parlement pour faire adopter le texte dont les modalités ne sont pas encore arrêtées, notamment pour le prix des carburants. Les Républicains, qui seront sollicités « pour faire l’appoint », sauront-ils se montrer compréhensifs ? Pour l’heure ils se montrent intransigeants et ont adressé une série de demandes à la première ministre, exigeant notamment la baisse du prix de l’essence à un euro cinquante. Une demande qui suscite même des remous dans leurs propres rangs, tant elle parait irréaliste. Déjà des élus, tels le Maire de Toulouse Jean-Louis Moudenc déclare que « LR se grandirait à être une force de proposition ». Mais, même si une minorité députés LR se rapproche de la majorité, le compte n’y sera pas. D’où l’extrême fragilité de ce gouvernement… L’autre grande urgence concerne la situation hospitalière. Le nouveau Ministre François Braun, urgentiste de profession aura-t -il les moyens de mettre en œuvre les mesure que la Première Ministre a faite siennes en acceptant son plan d’urgence ? Elles ne passent pas par la case parlement. Les connaisseurs sourient, car le directeur de cabinet d’Elisabeth Borne n’est autre que l’ancien patron de l’Agence régionale de Santé d’Isle de France et son directeur adjoint fut le dir’ cab’ de Marisol Touraine du temps de François Hollande. Quant au nouveau patron des Hôpitaux de Paris, Nicolas Revel, il n’est autre que l’ancien directeur de cabinet de Jean Castex. Qui sortira victorieux des inévitables arbitrages ? Le Ministre ou les technocrates ? La bataille se déroulera au Parlement, mais surtout en coulisses. Au programme : promesses, coups en douce, petites trahisons… A suivre .
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