Réforme ferroviaire : pourquoi le rail nouveau ne vaut pas une énième grève<!-- --> | Atlantico.fr
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L’objectif officiel de la réforme ferroviaire est d’améliorer l’efficacité du système.
L’objectif officiel de la réforme ferroviaire est d’améliorer l’efficacité du système.
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Tchou-tchou

Les principaux syndicats de cheminots ont appelé à une grève qui s'annonce particulièrement suivie contre un projet de réforme ferroviaire.

Alain Bonnafous

Alain Bonnafous

Alain Bonnafous est Professeur honoraire à l’Université de Lyon et chercheur au Laboratoire d’Economie des Transports dont il a été le premier directeur. Auteur de nombreuses publications, il a été lauréat du « Jules Dupuit Award » de la World Conference on Transport Research (Lisbonne 2010, décerné tous les trois ans).

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Les principaux syndicats de cheminots ont appelé à une grève qui s'annonce particulièrement suivie contre un projet de réforme ferroviaire qu’ils jugent trop flou. Pouvez-vous nous expliquer en quoi ce projet consiste exactement ?

Jusqu’ici, Réseau Ferré de France gère le réseau dont il est propriétaire avec deux entités : d’une part la Direction de la circulation ferroviaire (DCF) créée en 2009 comme entité indépendante au sein de la SNCF qui traite les demandes de « sillons » pour le compte et, depuis 2010, sous l’autorité effective de RFF ; d’autre part « SNCF Infra » qui assure contractuellement, pour le compte de RFF, l’entretien du réseau. Le projet prévoit que ces entités soient regroupées au sein d’un Gestionnaire d’Infrastructure Unifié (GIU), comme elles le sont chez nos principaux voisins pour d’évidentes raisons d’efficacité fonctionnelle. Il prévoit aussi une structure « chapeau » qui devrait coordonner, dans une logique de holding, les deux entités ainsi constituées : SNCF transporteur et le GIU qui est, en somme, un RFF renforcé.

Quel est son objectif ?

L’objectif officiel de la réforme est d’améliorer l’efficacité du système, ce que la création du GIU devrait favoriser. Son objectif officieux est de redonner la main à une SNCF holding, de sorte que les syndicats, rassurés par un retour vers quelque chose qui ressemble à une grande SNCF, acceptent plus facilement quelques efforts de productivité.

Comprenez-vous les craintes des cheminots ?

Je ne crois pas que le projet de réforme inquiète beaucoup les cheminots. En revanche les syndicats envoient un signal pour faire savoir que la « grande SNCF » retrouvée ne leur fera renoncer aux acquis sociaux contrairement à ce que l’on a fait croire aux tutelles administratives et politiques et qu’ils sont prêts au conflit lorsque l’on passera aux choses sérieuses, comme le régime de retraite. La bonne volonté syndicale qui était attendue contraste singulièrement avec l’ampleur de cette grève. Ce projet est exigé par Bruxelles dans le cadre de l’ouverture du marché du rail à la concurrence.

Préfigure-t-il le démantèlement, voire la privatisation de la SNCF ?

On ne peut pas dire que Bruxelles ait souhaité la structure chapeau qui s’ajoute aux deux autres. Il n’est même pas encore acquis que le projet soit compatible avec le 4ème paquet ferroviaire que vient de présenter la Commission : il prévoit une « muraille de Chine » entre l’infrastructure et les transporteurs et il semble devoir être soutenu par une large majorité du Parlement Européen. Cependant, s’il est clair que Bruxelles continue de favoriser la concurrence, cela n’est pas incompatible avec un statut public de l’opérateur historique.

Ce mouvement porte également sur des « revendications sociales » ? Celles-ci sont-elles légitimes ?

La préférence pour le statu quo n’est pas nécessairement un bon choix de long terme mais elle n’est pas illégitime.

De manière générale, la libéralisation du rail est-elle souhaitable ?Peut-elle profiter aux usagers ?

Aucun des pays qui ont choisi de faire fonctionner la concurrence ne songe à y renoncer, qu’ils aient eu une politique prudente comme en RFA ou choisi un big-bang comme au Royaume Uni. Les allemands savent bien que pour leurs transports quotidiens (pour lesquels les prestataires sont le plus souvent désignés sur appel d’offre concurrentiel) le coût du train-km est d’au moins 30 % inférieur à ce qu’il est en France.

Faut-il également tirer les leçons de la libération du rail britannique ou allemand qui a parfois été décriée ?

Devant l’évidence, on conteste de moins en moins le succès commercial du rail britannique. On continue pourtant de prétendre que c’est aux dépens de la sécurité, alors que c’est probablement le point pour lequel le succès de la privatisation est le mieux démontré, notamment par mon collègue Andrew Ewans de l’Imperial College, dont les travaux sont accessibles sur le Net. Au demeurant, les gouvernements travaillistes ont renoncé à l’abrogation, qu’ils avaient promise, de la loi de 1993. Ce n’est pas par inadvertance. En Allemagne, la CDU, le SPD et la plupart des Verts sont favorable à la concurrence qui n’est mise en doute que par Die Linke.

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