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Réforme de l'École : les meilleures intentions pêchent toujours dans leur mise en œuvre !
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Mammouth toujours

Ancien conseiller de Claude Allègre, Philippe Meirieu s'est confié à L'Express sur les réformes à conduire pour réformer le mammouth de l'Education Nationale. Mais sa vision de l'école se heurte à la réalité des faits.

Roger Célestin

Roger Célestin

Roger Célestin est journaliste.

Il écrit pour Atlantico sous pseudonyme.

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Souvent vilipendé, systématiquement caricaturé, Philippe Meirieu, professeur en sciences de l'éducation à l'université Lumière-Lyon 2, intervient dans le débat sur l'Éducation nationale, avec l’idée de refonder l’école et le collège en une école fondamentale. Il émet également le souhait que l'école retrouve le soutien de la nation.

Certes, mais comment ? En esquivant le débat sur les moyens opérationnels, qui sont tout sauf des postes, l'ancien conseiller de Claude Allègre affaiblit la portée de son propos.

Toute personne raisonnable et de bonne foi ne peut être que d’accord avec le vice-président EELV de la Région Rhône Alpes, notamment quand il plaide pour la mise en place d'une « "école fondamentale", articulant l'école primaire et le collège, (...) permettant un enseignement modularisé, et un accompagnement personnalisé par des équipes d'enseignants cohérentes dans des unités pédagogiques à taille humaine..." ». Il faut, nous dit-il, « grâce à une évaluation par "unités de valeur", supprimer le redoublement, permettre des choix d'orientation positifs ; il faut valoriser systématiquement les réussites dans une pédagogie coopérative plutôt que de détecter de manière obsessionnelle tous les "dys" du monde afin de les dériver vers des officines spécialisées plus ou moins privées ».
Le redoublement : toutes les études montrent qu’il ne sert à rien. Les compétences coopératives : c’est ce dont ont besoin les entreprises pour se développer sur les marchés du XXIe siècle.
Oui mais comment ? En mobilisant « les enseignants autour d'un projet fort (...) » et en les formant  « correctement afin qu'ils puissent le mener à bien... ». C’est là que le bât blesse, sans parler de « l’accompagnement personnalisé » supposant que les enseignants acceptent de passer beaucoup plus de temps dans l’établissement, ou encore des « équipes d’enseignants cohérentes » impossibles à mettre en place là aussi sans une présence très renforcée des profs, parmi lesquels beaucoup refusent tout simplement l’idée de travailler en équipe.
Concrètement donc, au-delà des discours, la réforme risque fort d’être un chemin de croix tant les obstacles sont nombreux, consistants et organisés.
De plus, chacun sait, Philippe Meirieu le premier, que la « mobilisation des enseignants » ne se décrète pas. Pas plus que celle d’autres professions. Ils sont fatigués et démoralisés. Et ce n’est pas la faute seulement, loin s’en faut, de la politique des ministres de François Fillon et Nicolas Sarkozy. L’origine de leur découragement remonte aux années de la gauche au pouvoir, dont la politique (« donner plus à ceux qui ont moins », les Zones d'éducation prioritaires, etc.) n’a en rien permis de réduire les inégalités et les dysfonctionnements criants de notre école.
Mettons-nous à la place des profs : constater que tant d’enfants ratent totalement leur scolarité (150 000 au moins par an) doit saper le moral. Comment conserver de l’envie, à défaut d’enthousiasme, comment ne pas se sentir usé, surtout quand on sait qu’aucun des remèdes (des emplâtres sur des jambes de bois, en fait) n’a eu une quelconque efficacité ces vingt dernières années.
Donc décréter qu’il faut les former « correctement » ( ?) est bien gentil, mais reste très insuffisant. 
On peut aussi s’interroger sur l’emploi du terme « mobiliser », concernant les enseignants. Heureusement que Philippe Meirieu n’a pas écrit « réveiller la vocation ». Car il ne s’agit ni de vocation, ni de mobilisation. L’idée serait plutôt de leur proposer une nouvelle organisation opérationnelle du métier, des établissements et de tout le système, qui donne enfin des résultats contre l’échec scolaire.
Prof, c’est un métier de haut niveau, que l’on doit pouvoir exercer avec des méthodes, des objectifs et des évaluations, en équipe, comme dans toutes les organisations modernes. Cette approche suppose d’abandonner la conception missionnaire, solitaire et artisanale au profit de la vision d’un métier de cadre, de haut niveau. Obtenant des résultats, les enseignants n’auraient plus le sentiment de « devoir vider l'océan avec une petite cuillère » comme dit Philippe Meirieu, et retrouveraient une juste reconnaissance sociale. Aujourd’hui, ils vident l’océan, sous les huées du reste de la société. Règne un climat de défiance entre les profs et les parents, fatigués, eux aussi, de devoir se transformer en prof le soir à la maison pour la plaie des devoirs, agacés de devoir recourir aux entreprises de soutien (qui embauchent des enseignants pour qu’ils finissent le travail non terminé dans le cadre du service public), et étonnés de voir essentiellement les seuls enfants d’enseignants se sortir du labyrinthe scolaire.
Oui le système est fondamentalement injuste car totalement inadapté aux contraintes et aux objectifs. Le temps de l’incantation et des formules magiques doit laisser place à une reconstruction apaisée, dans une discussion honnête, sans arrière-pensées corporatistes, centrée sur l’opérationnel, au service d’un objectif principal : diminuer drastiquement le taux d’échec lors de la scolarité obligatoire, notamment des enfants d’ouvriers et d’employés, dont le coût est énorme pour le pays. L’atteinte de cet objectif prioritaire débloquera l’accès aux objectifs seconds, tout autant indispensables : former plus d’ingénieurs et de scientifiques de haut niveau, améliorer l’accès des filles aux études supérieures notamment scientifiques, favoriser le développement de l’esprit d’entreprise et valoriser les formations professionnelles, notamment aux métiers de l’artisanat.

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