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Pourquoi nous devons sérieusement parler de la Chine
©REUTERS/David Gray

Critique

Jean-Pierre Raffarin (avec Claude Leblanc) publie aux édition Michel Lafon son livre « Chine, le grand paradoxe », dans lequel il alerte les Français quant au positionnement à adopter face à la puissance économique et politique mondiale qu'est la Chine.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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C’est ce que nous demande Jean-Pierre Raffarin à propos de la Chine : en parler sérieusement. Nous sommes entourés de messages et d’analyses dans lesquels les faits et les chiffres sont souvent peu présents, la peur ou l’intoxication prenant leur place. La Chine est-elle une menace ou une opportunité, un contrepoids ou un substitut aux États-Unis ? Les Chinois sont-ils de nouveaux envahisseurs, patients et feutrés un temps, avant de montrer leur vrai visage ? La Chine veut-elle séduire l’Afrique, acheter la Grèce ou le Portugal, intervenir en Europe pour la fractionner ? Acheter les joyaux allemands ou français ? Est-elle le pays de l’observation de tous ses habitants, de la reconnaissance faciale généralisée ? On connaît ces jugements.

Alors ? Dès le début, Jean-Pierre Raffarin abat ses cartes : il est « libéral, centriste, européen » et « ami de la Chine ». Contradictoire ? Un Paradoxe plutôt, le titre de son livre, qui est plus précisément un guide pour l’action. Pas écartelé, pas soumis à la Chine, il est conscient du temps passé depuis le « rêve américain », qui a largement déçu. Mais il n’est pas séduit par un « rêve chinois ». Ce qui lui importe, c’est la stratégie longue de croissance que mène la Chine, avec ses efforts d’entraînement, autour d’elle, de plus en plus de pays émergents puis « développés », pour comprendre et faire « quelque chose ».

Ce livre est en fait un livre de stratégies comparées qui nous expose ce qui se passe, pour choisir une voie à moyen terme pour l’Europe et la France. Il se trouve d’abord que la stratégie de la Chine n’est pas secrète. Elle est claire, publiée et répétée en interne d’abord, pour s’appliquer au dehors ensuite. Elle passe par un objectif de satisfaction matérielle moyenne, sans excès, mais régulièrement croissante et prévisible. Pour y parvenir, à l’échelle de la première population du monde, l’unité du pays est cruciale. C’est ce qui passe par une idéologie marxiste, qui n’exclut pas pour autant Confucius ou Lao Tseu, avec l’affirmation du parti unique. Il s’impose à l’armée (pas de nouvelle Révolution culturelle donc) et à l’économie (les patrons en sont membres et au moins un membre du parti se retrouve dans les comités exécutifs des entreprises privées). Enfin, les « routes de la soie », devenues « Initiative de la ceinture et de la route », sont devenues non seulement la stratégie de liens commerciaux, financiers, politiques, culturels entre la Chine, les pays émergents et de plus en plus de pays industrialisés, mais en fait la seule stratégie mondiale visible. Face à cette stratégie chinoise, qui se déploie depuis des années, tout en s’adaptant au terrain, on trouve évidemment les États-Unis. Mais ils semblent bien en peine de proposer des modèles d’alliances, à côté d’une logique de compétition, avec sanctions à la clef. L’Europe est victime de son ambiguïté de naissance, voulant s’unir par l’économie surtout, mais en gardant les spécificités de chacun et se méfiant de la force qui pourrait naître du rapprochement de certains !

On comprend alors que la Chine ne cesse d’avancer, ce qui inquiète, les États-Unis d’avancer moins et de crier, ce qui inquiète, l’Europe d’avancer moins encore et de perdre de son unité du début, ce qui inquiète. Le grand intérêt du livre de Jean-Pierre Raffarin est de ne rien cacher des interrogations que l’on peut avoir sur la Chine et de ses avancées. Il y a le Tibet, Taïwan, Hong Kong et les Ouighours (entre autres), mais il y a aussi les succès économiques et sociaux internes, l’engouement international, les fusées, les avancées technologiques, les multinationales. Comment agit-on ? Ne pas nouer d’accords, refuser la 5G, encadrer les fusions, obéir aux États-Unis ?

La réponse de Jean-Pierre Raffarin est celle du réalisme et de la puissance. Réalisme pour bien comprendre les enjeux et les réalités : la Chine sera bientôt le premier PIB du monde, craignant tout risque de division, sous la houlette du parti, craignant le Gorbatchevisme, et ne devenant pas un capitalisme. Les États-Unis pensent de plus en plus à eux seuls, s’éloignant de leurs alliés, voire les menaçant. L’Europe voit partir le Royaume-Uni, la France restant sa seule puissance nucléaire. Renforcer l’Europe en l’unifiant, pour devenir plus puissante, n’est-ce pas la bonne façon de discuter avec une Chine qui n’est pas naïve, mais pas agressive si on la respecte, en s’en faisant respecter ? C’est alors peut-être que les Etats-Unis changeront de vision. En attendant, il nous faut développer ensemble ouverture et souveraineté : l’Europe ne se développera pas sans liens avec la Chine, et les États-Unis l’ont bien compris qui freinent autant que possible. Complexe ? Bien sûr. Comme tout : ce livre est un manuel de pensée complexe, pour agir.

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