Pourquoi la France doit prendre une saine distance avec le programme de la nouvelle coalition bientôt au pouvoir en Allemagne <!-- --> | Atlantico.fr
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Annalena Baerbock, Olaf Scholz et Christian Lindner font une déclaration à l'issue d'une session d'entretiens, le 15 octobre 2021, à Berlin.
Annalena Baerbock, Olaf Scholz et Christian Lindner font une déclaration à l'issue d'une session d'entretiens, le 15 octobre 2021, à Berlin.
©CHRISTOF STACHE / AFP

Couple franco-allemand

Selon Clément Beaune, secrétaire d'État français aux Affaires européennes, l’accord de coalition du futur gouvernement allemand est une bonne nouvelle "pour la France comme partenaire principal de l'Allemagne" et offre une "base de travail extrêmement solide" pour réformer l'Europe. Or, le  nouveau gouvernement allemand a l'intention d'appliquer strictement pour l'Allemagne, à partir de 2023, la "règle d'or budgétaire".

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Le gouvernement français est tout de suite tombé dans le piège de la convergence avec la nouvelle coalition berlinoise

Il aurait été surprenant que le gouvernement français ne se précipite pas - en la personne de Clément Beaune - pour expliquer que le programme du nouveau gouvernement allemand était une bonne nouvelle pour la France et pour l'Europe. Deux raisons évidentes: la première, c'est la proximité du programme annoncé avec le macronisme de 2017, enraciné au centre-gauche, très écologiste, libertaire sur la plan sociétal et orthodoxe sur le plan budgétaire; la seconde, c'est la promesse du fédéralisme européen. 
Bien entendu, il y a un bémol: le  nouveau gouvernement allemand a l'intention d'appliquer strictement pour l'Allemagne, à partir de 2023, la "règle d'or budgétaire", une fois passée l'urgence du COVID. Ce n'est pas bon pour Emmanuel Macron, trop usé politiquement pour remettre en ordre les finances publiques. Lorsque les médias français traitent Christian Lindner, le futur Ministre des Finances, de "faucon", ils font sourire. Lindner est l'une des personnalités les plus attachantes de la nouvelle génération d'hommes politiques allemands. A la différence d'Emmanuel Macron, c'est un homme de fidélités, un bon vivant et un vrai intellectuel. Politiquement, il sait que la seule chance de survie politique, pour son parti et lui-même, est dans le rôle de gardien de l'orthodoxie budgétaire allemande. Ajoutons qu'il est curieux que les commentateurs français s'en prennent au seul point sur lequel il devrait y avoir accord entre Paris et Berlin: les déficits plombent notre pays, minent sa crédibilité en Europe. A la place du nouveau gouvernement allemand - en supposant qu'Emmanuel Macron soit réélu - je n'aurais aucune confiance dans un président qui multiplie les chèques en bois à la veille des élections. 

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Trois exemples d'incompatibilité entre les intérêts français et le programme de la nouvelle coalition "feu tricolore" allemande

Cependant, il faut aller plus loin. Si l'on laisse de côté la question budgétaire, on est frappé de voir combien le programme de la nouvelle coalition est contraire aux intérêts profonds de notre pays. J'en donnerai trois exemples. 
(1) La nécessité de contrôler l'immigration est au coeur de la campagne présidentielle française. La coalition au pouvoir en Allemagne veut faciliter le regroupement familial pour les migrants. La France ne pourra pas compter sur l'Allemagne dans la révision des politiques d'accueil européennes.
(2) L'accélération de la sortie du charbon, désormais prévue pour 2030, relève de la surenchère idéologique par rapport à la période Merkel. Elle risque de déstabiliser toute l'Europe de l'énergie. Elle met le continent dans une plus grande dépendance de la Russie. Et elle rend plus difficile la position française pour faire inclure le nucléaire parmi les énergies décarbonées dans le document à venir de la Commission. 
(3) La volonté de limiter les exportations d'armes. Comment peut-on prendre au sérieux le projet "d'Europe de la défense" quand on lit un tel objectif dans le programme de la coalition? 

Notre pays a besoin de refaire ses forces - donc de tourner le dos à la coopération franco-allemande systématique

D'une manière générale, notre pays a besoin de refaire ses forces, épuisé qu'il est par le dilettantisme de ses élites, qui n'ont pas pris les moyens de nous adapter à la monnaie unique européenne dans laquelle elles avaient voulu nous faire entrer. Nous avons besoin de limiter l'immigration à des individus hautement qualifiés et d'inverser les flux; nous avons besoin de relancer l'industrie du nucléaire civil pour faire baisser les prix de l'énergie pour notre population; nous avons besoin de réindustrialiser la France et l'industrie de la défense et un de nos meilleurs atouts. Nous avons besoin de défédéraliser l'Europe, de la débureaucratiser, autant que possible, et de mettre notre présence sur tous les océans au coeur de notre politique étrangère. 
Si, à partir d'avril 2022, la France dispose d'un gouvernement qui défende ses intérêts profonds, il n'y aura pas d'autres solutions que de constituer des majorités au sein de l'UE avant d'aller négocier à Berlin. Si Emmanuel Macron était reconduit, on verrait une France négligeant toujours plus ses véritables intérêts, à force d'être alignée sur les décisions prises à Berlin. 

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