Pour la France, la dette est magique, plus on en fait, plus on s’enrichit... alors pourquoi se priver ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Bruno Le Maire ministre de l'économie dette coronavirus covid-19
Bruno Le Maire ministre de l'économie dette coronavirus covid-19
©Kay Nietfeld / POOL / AFP

Atlantico Business

La situation financière de la France est incroyable. Elle est noyée sous un amas de dettes, mais plus on s’endette, mieux on se porte. C’est magique. Et en plus, personne ne dit comment ça peut se terminer...

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

Les chiffres du budget sont étourdissants. Jamais vu. Au début de l’année, alors que personne n’avait entendu que le covid frappait à la porte, la dette française venait de passer le cap des 100 % du PIB. En juin, on est arrivé à 115%. Il faut dire qu’entre temps, la France a dû emprunter près de 300 milliards d’euros pour payer la facture du confinement. A fin décembre, Bercy nous annonce que la dette publique sera autour de 120% et prévoit un repli à 116% dans le projet de budget 2021. Ça représente grosso modo 3000 milliards d’euros.

Cette dette publique sert à financer le déficit budgétaire courant avec en plus, les dépenses exceptionnelles liées au covid-19 (soit 200 milliards d’euros) et le déficit de la sécurité sociale (44 milliards d ‘euros). Au total, ce qui représente plus de 6% du budget, soit plus du double de la norme européenne. Inutile de dire qu’on a explosé les normes de Maastricht avec d’ailleurs, l’autorisation de Bruxelles puisqu’on a considéré très justement que les pays européens traversaient une situation exceptionnellement inquiétante.

Il a fallu financer non seulement le déséquilibre structurel du budget puisqu’avant covid, on avait fait aucun progrès sur le niveau des dépenses courantes, mais en plus le plan de soutien (400 milliards, compte tenu des aides aux entreprises), dont beaucoup de prêts aux entreprises, et aux dépenses sociales exceptionnelles (liées à la mise au chômage partiel de plus de 2 millions de salariés).

Ce qui est extraordinaire, c’est que ces chiffres hallucinants auraient, en temps normal, provoqué une révolution et surtout un blocage des marchés financiers, la majorité des économistes se seraient étranglés, alors qu’aujourd’hui, ça ne semble troubler personne.

Le fameux « quoi qu’il en coûte... » du président de la République est devenu un leitmotiv politique dès qu‘il parle économie. En clair, on a l’impression qu’il peut se passer n’importe quelle catastrophe ou dysfonctionnement dans tel ou tel secteur, pour telle ou telle entreprise, quoi qu’il arrive donc, l’Etat paiera. Et l’État paie avec de la dette.

Parce que la réalité est que l’Etat, dont on disait qu'il était en quasi faillite au moment de la présidentielle, (François Fillon en avait fait le cœur de son programme fondée sur la nécessité de rigueur pour protéger les générations futures), et bien, cet État emprunte à tour de bras et sans aucune hésitation ou difficultés.  

1er point et cest la vérité, la France na aucune difficulté aujourd’hui à emprunter. Le directeur du trésor n’a qu’à décrocher son téléphone. Au deuxième trimestre, au moment de la tempête Covid, il a trouvé en un clic de souris 200 milliards d’euros. La France est encore considérée par les marchés comme un emprunteur très sur. Non seulement, on ne lui fait aucune difficulté mais on lui offre des taux d’intérêt négatifs. Ce qui veut dire que les prêteurs d’argent nous proposent de payer une cotisation pour qu’on accepte cet argent.

La France a mille garanties à apporter, le sérieux des contribuables à qui on ne va d’ailleurs pas demander d’intervenir, l’ampleur de l’épargne liquide et disponible. Si on additionne le montant des encours de caisse d’épargne, des comptes courants, du cash, des comptes à terme et même de l’assurance-vie en euros, on arrive à un total de 3000 milliards d’euros... pour un banquier de base, c’est rassurant puisque cet actif est équivalent au montant de l’endettement...

2e point, la facilité de lendettement vient aussi de notre appartenance à lUnion européenne avec en plus, la garantie nouvelle d’une dette mutualisée par tous les pays de la zone euro.

3e point, la politique de la banque centrale européenne, qui prête à guichet ouvert pour toutes les banques, facilite considérablement le financement des déficits publics

4ème point, les taux sont très bas. Non seulement on ne nous fait aucune difficulté mais on nous offre des taux d’intérêt négatif. Ce qui veut dire que les prêteurs dargent nous proposent de payer une cotisation pour qu’on accepte cet argent. En clair, plus la France sendette, moins le coût de la dette pèse lourd... et plus elle senrichit.

Alors c’est évidemment un raisonnement à courte vue parce qu’il faudra bien un jour rembourser cette dette.

La logique de l’endettement serait d’investir de l’argent pour créer de la richesse et dégager de quoi rembourser. On est très loin d’adhérer à cette logique, on emprunte pour payer des destructions de valeur, et pour protéger des actifs (humains et matériels ), pas pour les faire travailler...

Cette situation et cette logique commandent évidemment de s’interroger sur comment on pourra sortir d’un tel piège.

1ère solution, on ne peut pas imaginer augmenter des impôts dans les années qui viennent parce que le niveau de la fiscalité finirait par asphyxier la machine, c’est à dire qu’on accoucherait d’une situation inverse à celle à laquelle on aspire, c’est à dire un redressement.  

2ème solution, on peut imaginer vendre des actifs comme dans les châteaux, on vend les meubles de famille pour trouver de quoi réparer la toiture. La France peut s’offrir dans les années qui viennent une vague de privatisations qui permettrait de remettre les compteurs à zéro.  

3e solution ; lemprunt national pour capter une part de l’épargne liquide et participer au redressement. C’est une solution couteuse, parce qu’il faut, pour attirer l’épargnant, lui promettre des avantages. Sauf à faire un emprunt forcé (ou obligatoire ), ce qui revient à l’impôt. Politiquement compliqué à faire passer.

4e solution, on peut très bien considérer que la dette covid, cest à dire largent emprunté à titre exceptionnel pour boucher les trous de l’épidémie, soit comptabilisée à part et sortie du taux d’endettement global. Cette dette peut être cantonnée à la banque centrale qui peut l’effacer, c’est possible.

Tout est possible. Et tout le monde l’a compris en Europe, y compris en Allemagne.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !