Port de l’uniforme à l’université : la proposition d’une droite allergique aux libertés <!-- --> | Atlantico.fr
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Aurélien Pradié souhaite instaurer l’uniforme à l’université.
Aurélien Pradié souhaite instaurer l’uniforme à l’université.
©Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP

Réforme

Lors du débat entre les candidats pour la présidence des Républicains, diffusé lundi soir sur LCI, Aurélien Pradié a défendu son projet du port de l'uniforme à l'école et jusqu'à l'université.

Rafaël Amselem

Rafaël Amselem

Rafaël Amselem, analyste en politique publique diplômé du département de droit public de la Sorbonne. Rafaël Amselem est également chargé d'études chez GenerationLibre.

 

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Atlantico : Aurélien Pradié a annoncé vouloir instaurer l’uniforme à l’université. Qu’en pensez-vous ?

Rafaël Amselem : Cela dénote très bien la déliquescence ou du moins le manque d’intérêt croissant de la droite pour la question des libertés. Cela fait des années que la droite propose des mesures attentatoires aux libertés notamment sur des questions de sécurité. Mais les positions qu’on peut avoir sur port de l’uniforme à l’école par rapport à l’université ne sont pas les mêmes car à l’université, ce sont des adultes, majeurs et vaccinés, pénalement responsables de leur choix. On ne peut donc que s’étonner de vouloir imposer dans un lieu public le port d’un vêtement. Il nous faut rappeler que la règle c’est la liberté et que la laïcité c’est la neutralité pour les agents de l’Etat, mais ce dernier n’a pas à imposer une mode ou un interdit vestimentaire. On peut envisager l’uniforme à l’école primaire, collège au lycée, au cas par cas, selon les situations locales et les contextes précis. Ça ne me choquerait pas qu’on le fasse, si on laissait la décision aux établissements. Mais si on l’impose à des adultes, quelle est la limite à l’interventionnisme politique de l’Etat ? Cette question fondamentale n’est pas assez pensée par la classe politique actuelle.

Vous écrivez sur Twitter « cela dénote surtout d'une mentalité corruptrice au sein de la classe politique, qui pense la liberté comme décorative ». Que voulez-vous dire ?

La liberté c’est pour les beaux discours, mais dans le concret, elle devient décorative, accessoire. Il faut défendre la liberté, y compris quand elle nous heurte et nous confronte. C’est aussi vrai pour la liberté vestimentaire que la liberté d’expression. La liberté d’expression c’est aussi et surtout la liberté des opinions qui nous déplaisent. François Sureau l’a très bien dit dans Le Monde : nous sommes passés de la culture des libertés à la culture des droits personnels de chacun. Cette proposition est symptomatique de cela. Dès lors que quelque chose nous déplaît, nous en appelons au législateur. Dans un modèle de démocratie libérale, la défense de l’intérêt général est bornée par la liberté, et non l’inverse. C’est une tendance que l’on retrouve à droite sur les sujets de mœurs et sociétaux et à gauche sur les sujets plus économiques. Cela semble être l’état d’esprit qui a gagné l’ensemble de la classe politique et on ne peut que s’en désoler. Nous venons de traverser une crise sanitaire avec des mesures attentatoires aux libertés, justifiées par l’urgence, qui ont mené à un dédain des contre pouvoirs et de la proportionnalité des mesures. Et cela a des implications concrètes dans notre quotidien.

Dans le débat de LR, la question des libertés a été trop mal traitée selon vous ?

Elle est très mal traitée, mais cela fait partie d’une dérive qui n’est pas seulement propre à la droite. La droite n’a pas de réflexion sur la question institutionnelle, elle se revendique du gaullisme. Or les institutions de la cinquième favorisent la figure présidentielle et ne le confrontent pas suffisamment aux contre pouvoirs. Alors que ces contre pouvoirs sont justement là pour éviter un interventionnisme trop grand. L’objectif du pouvoir exécutif actuel est d’être le plus efficient possible, y compris en rognant sur les libertés et les contre pouvoirs. C’est donc leur rôle de le rappeler à l’ordre. Mais à droite, il n’y a pas de réflexion sur un modèle qui serait plus décentralisé, favorable au parlement. Et personne dans la classe politique n’est là pour défendre ce message. L’espace politique, celui des Girondins, est inoccupé et la droite, parce qu’elle ne veut pas rompre avec le gaullisme, ne veut pas le porter. Il me semble que la droite verse dans un conservatisme moral, ce qui n’est pas un problème en soi, mais elle utilise la loi et les institutions pour nourrir son propre conservatisme. La droite n’a pas un discours de défense des libertés.

Comment pourrait-elle s’en emparer ?

Il y a d’abord un problème de colonne vertébrale. On ne sait pas très bien où veut aller à droite. Dès la présidentielle, on a eu du mal à identifier la ligne de démarcation franche entre Valérie Pécresse et Emmanuel Macron, ce qui a créé un imbroglio intellectuel.  Il faut donc que la droite réfléchisse au corpus qu’elle souhaite défendre. Mais le problème, c’est qu’entre le discours franchement illibéral du Rassemblement national et l’espace technocratique du centre d’Emmanuel Macron, le parti est pris en tenaille et ne sait pas quelle voie choisir et n’a donc pas d’incitation à aller vers le discours des libertés.

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