Atlantico Business
Plan retraite : Emmanuel Macron ne supporte pas que Laurent Berger finisse par avoir raison
Les erreurs du gouvernement et la solidité de l’intersyndicale préparent le terrain à une réforme des retraites qui a été préparée depuis longue date par Laurent Berger… une retraite par points qui ressemblerait beaucoup à celle de l’Agirc-Arrco, sans date obligatoire de départ mais avec une liberté individuelle de décider du moment et du montant.
Laurent Berger pourrait sortir comme le seul et vrai gagnant de ces lamentables péripéties au terme desquelles le président de la République s’est piégé tout seul. La décision du Conseil constitutionnel, la semaine prochaine, ne changera pas grand-chose au destin de la loi. Quelle qu’elle soit, le Conseil constitutionnel aura permis de garantir que le processus démocratique aura été juridiquement respecté dans la forme. Depuis le début du conflit, Laurent Berger, le patron de la CFDT, a toujours dit qu’il respecterait les processus démocratiques. Et n’a jamais été ni approuvé, ni démenti par les autres chefs syndicaux de l’intersyndicale.
Parce que dans le fond, tout le monde est convaincu que la réforme des retraites telle qu’elle avait été voulue par Emmanuel Macron sera abandonnée. Soit le gouvernement finira par la retirer purement est simplement, soit il ne la promulguera pas. Soit on organisera le referendum d’initiative populaire, ce qui prendra presque un an, le temps d’enterrer le projet en l’état ou d’en concevoir un nouveau plus acceptable.
Il existe mille conseillers capables d’écrire un narratif pour permettre au gouvernement de ne pas perdre la face. Même si les ministres concernés perdent leur job, et d’abord la première des ministres.
Peu importe, cette affaire est pliée. Et indépendamment des impacts politiques, chaque jour qui passe fait avancer le plan Berger pour transformer la réforme Macron en une retraite acceptable et responsable. La mécanique est en route. Elle imposera sa logique de transformation.
1er point:Quoi qu’on dise, il faudra réussir à équilibrer les régimes de retraites par répartition pour tenir compte de la démographie et de l’évolution des modes de travail. Si rien n’est fait, les régimes par répartition sont condamnés parce qu’ils resteront structurellement déficitaires. On ne pourra compter que sur l’impôt ou sur un endettement extérieur pour financer le système. Mais ça sera intenable.
À Lire Aussi
2e point : quoi qu’on dise, il faudra trouver des solutions et s’il n’y a pas de solutions collectives, il y aura des solutions qui passeront par une utilisation différente de l’épargne individuelle, c’est-à-dire principalement par des systèmes par capitalisation. Ce ne sera ni tabou, ni honteux. La fonction publique a bien accepté une complémentaire par capitalisation obligatoire pour soulager le régime général des fonctionnaires et personne n'a eu de crise cardiaque, y compris dans les syndicats les plus durs.
3e point, quoi qu’on dise, il existe des solutions pour échapper aux contraintes qui fâchent et notamment la contrainte d’un recul obligatoire de l’âge de départ. Laurent Berger en avait proposé une première esquisse, qui s’appuierait non pas sur une punition mais sur des incitations. Le moyen le plus simple s’appuierait sur le principe d’une retraite par points au gré et en fonction des moyens de chacun. Ce système n’impose pas d’âge de départ, il laisse aux adhérents la liberté de choisir le moment de sa retraite avec les points qu’il a accumulés. Le principe de la solidarité n’est pas abandonné, il passe par la fixation de la valeur du point. Le régime de l’Agirc-Arrco qui concerne les personnels cadres intéressent plus de 12 millions de Français. Il est parfaitement géré dans les professions par les syndicats de salariés et de chefs d’entreprise. Le système est à cheval sur la répartition et la capitalisation. Dans la mesure où il est bien géré, il dégage des excédents chaque année. Ces excédents sont placés sur les marchés financiers et génèrent des profits bénéfiques au système. Il est tellement intéressant que le gouvernement a été très tenté d’utiliser ces excédents pour venir combler les déficits du régime général universel.
À Lire Aussi
4e point: Quoi qu’on dise, Laurent Berger est très bien placé pour exercer le leadership d’une nouvelle réforme des retraites. Il a respecté et protégé l’intersyndicale en dépit de quelques différences idéologiques et techniques avec d’autres syndicats comme la CGT. Il a permis des manifestations qui ne dégénèrent pas systématiquement dans la violence urbaine. La question est de savoir si Laurent Berger réussira à préserver cette unité syndicale au lendemain de la décision du Conseil constitutionnel parce qu’il va lui falloir imaginer d’autres formes d’actions. La prochaine manifestation de rue, jeudi prochain, devrait donc être pour lui la dernière.
Après quoi, il reprendra le dossier mais cette fois pour chercher un compromis. Sera-t -il suivi par la CGT?
On peut imaginer qu’il sera effectivement accompagné dans une stratégie de compromis actif, mais rien n’est garanti.
Le comportement des syndicats pendant tous ces évènements a été relativement bien compris par l’opinion. Les syndicats, et notamment la CFDT, bénéficient d’un préjugé plus favorable qu’au moment des gilets jaunes où ils avaient été écartés du jeu.
Cette attitude provoque aujourd’hui une ruée d’adhésions nouvelles dont tous les syndicats profitent. Si par un comportement plus responsable, ils s’aperçoivent qu’ils sont plus attractifs et « désirables », ils seront plus puissants dans la négociation.
La CGT a, elle aussi, besoin d’adhérents. La nouvelle Secrétaire générale de la CGT pourrait gérer le changement vers plus de réformisme. En théorie, elle possède l’ADN et la formation pour cela. Elle a été élue par défaut certes, mais ses premières sorties publiques n’ont pas été très habiles parce qu’elle semble très surveillées par les militants historiques.
À Lire Aussi
Cela dit, l’évolution du marché syndical peut faire changer la CGT. Si la nouvelle secrétaire de la CGT campe sur des positions très radicales, elle perdra des adhérents. Et la CFDT en gagnera en confortant sa position de leader.
Le gros problème pour le CFDT ne sera pas la CGT ,mais plutôt sa relation, a priori de plus endifficile et compliquée, avec le président de la République. Tout s’est passé jusqu’alors comme si le président de la République n’avait jamais supporté les positions et les projets de Laurent Berger. Or, ce président, plus que les autres, aurait besoin de contrepouvoirs puissants pour terminer son mandat.
En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.
Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !