Plan retraite : Emmanuel Macron ne supporte pas que Laurent Berger finisse par avoir raison<!-- --> | Atlantico.fr
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Laurent Berger à l'issue d'une réunion à l'Elysée.
Laurent Berger à l'issue d'une réunion à l'Elysée.
©ERIC FEFERBERG / AFP

Atlantico Business

Les erreurs du gouvernement et la solidité de l’intersyndicale préparent le terrain à une réforme des retraites qui a été préparée depuis longue date par Laurent Berger… une retraite par points qui ressemblerait beaucoup à celle de l’Agirc-Arrco, sans date obligatoire de départ mais avec une liberté individuelle de décider du moment et du montant.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Laurent Berger pourrait sortir comme le seul et vrai gagnant de ces lamentables péripéties au terme desquelles le président de la République sest piégé tout seul. La décision du Conseil constitutionnel, la semaine prochaine, ne changera pas grand-chose au destin de la loi. Quelle quelle soit, le Conseil constitutionnel aura permis de garantir que le processus démocratique aura été juridiquement respecté dans la forme. Depuis le début du conflit, Laurent Berger, le patron de la CFDT, a toujours dit quil respecterait les processus démocratiques. Et na jamais été ni approuvé, ni démenti par les autres chefs syndicaux de lintersyndicale.  

Parce que dans le fond, tout le monde est convaincu que la réforme des retraites telle quelle avait été voulue par Emmanuel Macron sera abandonnée. Soit le gouvernement finira par la retirer purement est simplement, soit il ne la promulguera pas. Soit on organisera le referendum dinitiative populaire, ce qui prendra presque un an, le temps denterrer le projet en l’état ou den concevoir un nouveau plus acceptable.

Il existe mille conseillers capables d’écrire un narratif pour permettre au gouvernement de ne pas perdre la face. Même si les ministres concernés perdent leur job, et dabord la première des ministres.

Peu importe, cette affaire est pliée. Et indépendamment des impacts politiques, chaque jour qui passe fait avancer le plan Berger pour transformer la réforme Macron en une retraite acceptable et responsable. La mécanique est en route. Elle imposera sa logique de transformation.

1er point:Quoi qu’on dise, il faudra réussir à équilibrer les régimes de retraites par répartition pour tenir compte de la démographie et de l’évolution des modes de travail. Si rien nest fait, les régimes par répartition sont condamnés parce quils resteront structurellement déficitaires. On ne pourra compter que sur limpôt ou sur un endettement extérieur pour financer le système. Mais ça sera intenable.

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2e point : quoi quon dise, il faudra trouver des solutions et sil ny a pas de solutions collectives, il y aura des solutions qui passeront par une utilisation différente de l’épargne individuelle, cest-à-dire principalement par des systèmes par capitalisation. Ce ne sera ni tabou, ni honteux. La fonction publique a bien accepté une complémentaire par capitalisation obligatoire pour soulager le régime général des fonctionnaires et personne n'a eu de crise cardiaque, y compris dans les syndicats les plus durs. 

3e point, quoi quon dise, il existe des solutions pour échapper aux contraintes qui fâchent et notamment la contrainte dun recul obligatoire de l’âge de départ. Laurent Berger en avait proposé une première esquisse, qui sappuierait non pas sur une punition mais sur des incitations. Le moyen le plus simple sappuierait sur le principe dune retraite par points au gré et en fonction des moyens de chacun. Ce système nimpose pas d’âge de départ, il laisse aux adhérents la liberté de choisir le moment de sa retraite avec les points quil a accumulés. Le principe de la solidarité nest pas abandonné, il passe par la fixation de la valeur du point. Le régime de lAgirc-Arrco qui concerne les personnels cadres intéressent plus de 12 millions de Français. Il est parfaitement géré dans les professions par les syndicats de salariés et de chefs dentreprise. Le système est à cheval sur la répartition et la capitalisation. Dans la mesure où il est bien géré, il dégage des excédents chaque année. Ces excédents sont placés sur les marchés financiers et génèrent des profits bénéfiques au système. Il est tellement intéressant que le gouvernement a été très tenté dutiliser ces excédents pour venir combler les déficits du régime général universel.

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Cette crise démocratique qui n’a que très peu à voir avec les retraites ni avec les « extrêmes ». Mais à laquelle le gouvernement ne comprend absolument rien

4e point: Quoi quon dise, Laurent Berger est très bien placé pour exercer le leadership dune nouvelle réforme des retraites. Il a respecté et protégé lintersyndicale en dépit de quelques différences idéologiques et techniques avec dautres syndicats comme la CGT. Il a permis des manifestations qui ne dégénèrent pas systématiquement dans la violence urbaine. La question est de savoir si Laurent Berger réussira à préserver cette unité syndicale au lendemain de la décision du Conseil constitutionnel parce quil va lui falloir imaginer dautres formes dactions. La prochaine manifestation de rue, jeudi prochain, devrait donc être pour lui la dernière.

Après quoi, il reprendra le dossier mais cette fois pour chercher un compromis. Sera-t -il suivi par la CGT?

On peut imaginer quil sera effectivement accompagné dans une stratégie de compromis actif, mais rien nest garanti.

Le comportement des syndicats pendant tous ces évènements a été relativement bien compris par lopinion. Les syndicats, et notamment la CFDT, bénéficient dun préjugé plus favorable quau moment des gilets jaunes où ils avaient été écartés du jeu.

Cette attitude provoque aujourdhui une ruée dadhésions nouvelles dont tous les syndicats profitent. Si par un comportement plus responsable, ils saperçoivent quils sont plus attractifs et « désirables », ils seront plus puissants dans la négociation.

La CGT a, elle aussi, besoin dadhérents. La nouvelle Secrétaire générale de la CGT pourrait gérer le changement vers plus de réformisme. En théorie, elle possède lADN et la formation pour cela. Elle a été élue par défaut certes, mais ses premières sorties publiques nont pas été très habiles parce quelle semble très surveillées par les militants historiques.

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Cela dit, l’évolution du marché syndical peut faire changer la CGT. Si la nouvelle secrétaire de la CGT campe sur des positions très radicales, elle perdra des adhérents. Et la CFDT en gagnera en confortant sa position de leader.

Le gros problème pour le CFDT ne sera pas la CGT ,mais plutôt sa relation, a priori de plus endifficile et compliquée, avec le président de la République. Tout sest passé jusqualors comme si le président de la République navait jamais supporté les positions et les projets de Laurent Berger. Or, ce président, plus que les autres, aurait besoin de contrepouvoirs puissants pour terminer son mandat.

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