Nucléaire : ces erreurs du quinquennat Macron qui vont nous coûter cher (et pendant longtemps) <!-- --> | Atlantico.fr
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Bernard Accoyer et Chantal Didier publient «  Une affaire d’Etat, La tentative de sabordage du nucléaire français », aux éditions Hugo Doc.
Bernard Accoyer et Chantal Didier publient «  Une affaire d’Etat, La tentative de sabordage du nucléaire français », aux éditions Hugo Doc.
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"Une affaire d'Etat"

Bernard Accoyer et Chantal Didier publient « Une affaire d’Etat, La tentative de sabordage du nucléaire français » aux éditions Hugo Doc. Avec la fermeture de centrales électriques pilotables, telle que celle de Fessenheim, l'accès permanent des Français à une électricité bon marché est menacé. La mouvance anti-nucléaire a mis à mal une filière énergétique facteur de bien-être, de compétitivité économique et d'indépendance nationale.

Bernard Accoyer

Bernard Accoyer

Bernard Accoyer est le président de l'association transpartisane Patrimoine Nucléaire et Climat (PNC-France). Il a été député Les Républicains jusqu'en 2017 et président de l'Assemblée nationale de 2007 à 2012.

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Chantal Didier

Chantal Didier

Chantal Didier est une journaliste indépendante. Elle a été éditorialiste à l'Est Républicain.

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Atlantico : Bernard Accoyer, Chantal Didier, vous publiez « Une affaire d'Etat - La tentative de sabordage du nucléaire français » aux éditions Hugo Doc. Quelle est la réalité de la tentative de sabordage du nucléaire en France ?

Bernard Accoyer : Au tournant du millénaire, la France disposait d’un système électrique exemplaire, fournissant une électricité fiable et bon marché. Depuis, insensiblement puis de façon assumée, à partir de 2012, la France a changé de politique énergétique. Nous avons désinvesti dans le nucléaire, développé à marche forcée les énergies renouvelables intermittentes et fermé plus de 10 gigawatts de capacités de production électrique pilotable, dont Fessenheim. Les prévisions de demande d’électricité ont été délibérément sous-estimées ce qui a conduit à réduire notre appareil de production pilotable, le seul capable de répondre à tout moment à la demande.

L’idéologie antinucléaire a-t-elle « contaminé » plusieurs services de l’Etat ?

Chantal Didier : Oui. Certains X-Mines se sont convaincus des dangers du nucléaire et des bienfaits des énergies renouvelables. Ils ont essaimé dans la haute administration. D’autres antinucléaires ont fait carrière dans des agences de l’Etat, à l’ADEME notamment, qui conseillent les politiques en les orientant vers l’éolien et le voltaïque. S’y ajoutent les accords électoraux à gauche et les arrangements parfois à droite. C’est Nicolas Sarkozy qui a rattaché l’énergie au ministère de l’Environnement, parce qu’il voulait faire d’Alain Juppé un ministre d’Etat. Battu aux législatives qui ont suivi la présidentielle de 2007, l’ancien Premier ministre a démissionné. Mais le rattachement est resté !

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Quels sont les principaux dangers de ce sabordage du nucléaire pour la France ?

Bernard Accoyer : L’électricité est vitale et stratégique pour la France comme pour tous les Etats. Tout dépend aujourd’hui de l’électricité. Et la décarbonation de l’économie nécessaire pour lutter contre le réchauffement climatique va rendre l’électricité encore plus indispensable. Manquer d’électricité ou que son prix explose aura des conséquences industrielles, économiques et sociales qui pourraient être majeures.  

Pour l’environnement ?

Chantal Didier : Grâce au nucléaire, la France figure parmi les pays les moins émetteurs de gaz à effet de serre. Elle a laissé dépérir une production d’électricité décarbonée, pilotable et à bas coût. Alors que l’abandon progressif des énergies fossiles va conduire à une électrification exponentielle des chauffages, des transports, des modes de production, cet avantage permettait au pays de respecter ses objectifs de décarbonation sans imposer des restrictions aux Français. Il n’y aura pas de transition écologique sans recours au nucléaire.

Pour le coût de l’énergie de demain ?

Chantal Didier : La flambée actuelle des prix de l’énergie provient d’une baisse de la production d’électricité – il ne fallait pas fermer Fessenheim -, d’une hausse de la demande, d’un marché européen de l’énergie erratique. Et d’investissements très lourds dans l’éolien pour une production réduite et intermittente. Autant de facteurs aux effets durables, ce qui laisse présager une énergie chère pendant longtemps.

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Comment expliquer le désamour politique du nucléaire en France ?

Bernard Accoyer : Ce désamour est ancien, tenace et profond chez les idéologues de l’écologie politique pour qui la priorité n’est pas la lutte contre le réchauffement climatique, pour laquelle le nucléaire est indispensable, mais la sortie du nucléaire. Quant à l’opinion publique française, elle a été longtemps favorable au nucléaire, mais les accidents de Tchernobyl et de Fukushima ont créé une crainte vis-à-vis de cette énergie, ce qui est évidemment compréhensible. Pourtant aucun des morts de Fukushima n’a été causé par l’accident nucléaire, c’est le tsunami qui est en cause. Quant à Tchernobyl, survenu sur un type de réacteur abandonné en France depuis longtemps, dans le contexte de la fin de l’URSS,  le nombre de victimes reconnu par l’UNSCEAR est bien moindre que celui véhiculé par les adversaires du nucléaire. Enfin, depuis quelques mois,l’opinion publique française évolue dans un sens à nouveau favorable au nucléaire.

Le poids et l’influence des mouvements écologistes et des ONG sont-ils trop forts ?

Bernard Accoyer : Oui. Les ONG, dont le but officiel est la défense de l’environnement, font surtout de la politique et exercent des pressions sur les pouvoirs publics, les gouvernements, les entreprises. Elles n’hésitent pas à instrumentaliser les peurs et à user de moyens illégaux. La proximité, ou plutôt le continuum entre ces ONG et le personnel politique leader des partis se réclamant de l’écologie politique est officiel. Les exemples sont nombreux et concernent beaucoup des principales personnalités françaises de l’écologie politique. Dans les accords électoraux et de gouvernement, l’écologie politique exige toujours des postes et des décisions répondant à leur idéologie : ministère de l’Environnement, désengagement dans le nucléaire, développement à marche forcée des énergies renouvelables intermittentes…

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Au niveau européen, ONG et écologie politique ont également une influence forte qui conduit l’Europe vers de graves problèmes dans le domaine de l’énergie et de l’industrie automobile, de l’agriculture… pour ne citer que ces quelques domaines essentiels mais d’autres secteurs tels que les industries de défense sont dans leur collimateur. Sur tous ces sujets, la France est particulièrement visée.

Comment expliquer les attaques et les critiques envers le nucléaire de la part d’EELV, alors qu’il s’agit d’une énergie largement décarbonée ?

Chantal Didier : Les écologistes français ont été très influencés par Die Grünen allemands, lesquels sont marqués par leur pacifisme post-Seconde Guerre mondiale. Et par la propagande de la Stasi Est-allemande mêlant volontiers nucléaire civil et militaire. De plus, les Verts sont très liés aux ONG qui les abritent lorsqu’ils ne sont pas élus. Et ces ONG proclament dans leurs statuts leur refus du nucléaire. Ajoutez-y quelques affinités avec des groupes développant des énergies renouvelables et vous avez ce rejet d’une énergie décarbonée.

La France manque-t-elle de courage politique pour défendre le nucléaire ?

Bernard Accoyer : Depuis le début de ce siècle, la France n’a pas assez ou pas du tout défendu son nucléaire à Bruxelles. Avec des ministres officiellement antinucléaires de 1997 à 2002, puis de 2012 à aujourd’hui, il ne s’agit plus de défendre mais d’affaiblir la filière. Certes le président Macron a commencé début 2021 à défendre l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie mais le résultat, s’il se révèle positif, serait bien maigre d’autant que les 700 milliards de green bonds européens, et les nouvelles règles d’aides des Etats aux énergies propres, sont interdits au nucléaire. 

Comment jugez-vous l’attitude et le positionnement d’Emmanuel Macron sur ce sujet ?

Chantal Didier : Comme souvent chez le président de la République, les discours restent lettres mortes ou, pire, sont suivis d’effets contraires. Sur le nucléaire, l’ambiguïté macronienne est à son comble : il insiste sur la nécessité de cette énergie ; ses décisions vont en sens inverse, qu’il s’agisse de l’arrêt d’Astrid, des nominations au CEA, de la fermeture de Fessenheim, de la résistance à opposer aux Allemands en matière de réglementation européenne… Les choix positifs, comme la construction de nouveaux EPR, se font attendre. Sur un sujet aussi crucial que l’énergie – pour notre souveraineté, comme pour l’environnement – le « en même temps » devient une faute politique.

Quel regard portez-vous sur la décision de Bruxelles de reconnaître le nucléaire comme une énergie « de transition », permettant de bénéficier de financement dans le cadre de la taxonomie verte à l’échelle de l’Europe ? Cette décision représente-t-elle un motif d’espoir ?

Bernard Accoyer : Si, au bout de son parcours, le second acte délégué de la taxonomie verte inclut le nucléaire, ce sera comme une énergie de transition au même titre que le gaz qui émet 70 fois plus de CO2. Et ce sera  avec des conditions restrictives multiples qui restreindront les moyens de financements favorables au nucléaire. Nucléaire dont l’ampleur des investissements et la longue durée de l’amortissement font du financement une condition importante pour sa compétitivité.

Une autre politique énergétique est-elle encore possible ? La crise russe, les inquiétudes avec l’Ukraine, les politiques environnementales et nucléaires allemandes ou bien encore les récentes hausses de tarif de l’énergie et de l’électricité ne doivent-elles pas nous alerter et nous amener à repenser la politique énergétique en Europe ?

Bernard Accoyer : Oui. La politique énergétique conduite depuis 10 ans a placé la France dans une situation critique. La crise de l’électricité dans laquelle nous sommes rentrés n’est pas sans points communs avec la crise pétrolière des années 70, notamment sur le plan géopolitique. La France avait alors décidé de se doter d’un puissant parc nucléaire qui a fourni aux Français une électricité fiable et bon marché pendant des décennies. Ce parc, bien qu’amputé de façon irresponsable des 2 réacteurs de Fessenheim, est toujours là et produit 70% de notre électricité, il a fait de la France le pays leader du G7 quant à nos émissions de gaz à effet de serre par habitant.

La Programmation pluriannuelle de l’énergie, qui prévoit de fermer encore 12 réacteurs, doit être urgemment réécrite. Aucun réacteur, autorisé à fonctionner par l’ASN, ne doit être fermé et un important programme ferme de construction d’EPR2 engagé sans délai. Pas seulement 6 mais  une série importante pouvant atteindre 40 à 50 à l’échéance 2050 à 2060 et répondre aux besoins conformes à l’électrification massive et à nos objectifs climatiques. Quant aux énergies renouvelables, leur développement ne doit plus reposer sur les finances publiques, ni des conditions d’injections sur le réseau handicapantes pour les sources pilotables indispensables à notre sécurité d’approvisionnement.

Enfin, l'électricité ne peut plus être un objet de spéculation, avec des prix imprévisibles voire stratosphériques. L’électricité est un bien de première nécessité. Une réforme profonde de son marché s’impose, les Etats membres doivent être responsables de leurs choix énergétiques et en supporter les conséquences. Les interconnexions demeurant un support de solidarité pour l’approvisionnement.

Le sujet du nucléaire est-il suffisamment abordé et présent dans la campagne présidentielle en France ?

Chantal Didier : L’actualité impose la question à l’agenda de la campagne présidentielle et contraint les postulants à prendre position. Valérie Pécresse pour la droite républicaine et Fabien Roussel pour le parti communiste se sont heureusement emparés du sujet. Candidat voulant faire croire qu’il ne l’est pas, Emmanuel Macron esquive. Il ne pourra pas le faire jusqu’au 24 avril ! Il lui faudra expliquer comment il entend réussir la transition écologique sans décider la construction de nouvelles centrales nucléaires. Sauf à imposer une régression des modes de vie des Français. Le livre, en tout cas, pose les termes de l’équation. Avec sa solution : l’indispensable nucléaire !

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Extrait du livre de Bernard Accoyer et Chantal Didier, «  Une affaire d’Etat, La tentative de sabordage du nucléaire français », publié aux éditions Hugo Doc.

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