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Moi Président ! Complainte d’un dirigeant de PME aux candidats de tous poils
©Reuters

Les entrepreneurs parlent aux Français

Il est des mesures de bon sens qui devraient dépasser l’esprit partisan, pour s’appliquer, non par dogmatisme mais par réalisme. Des mesures qui parlent des hommes et des femmes dont le sort est lié aux décisions que prendront les uns ou les autres. Car au final, derrière ces guerres de chiffres se cachent des situations humaines, et que ces hommes et femmes rappellent qu’ils ne sont pas des statistiques.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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A l’heure où j’écris cet article, je ne sais pas encore si Fillon ou Juppé ont gagné la primaire. Mais quelque soit le gagnant et quelque soit le gagnant de celle de gauche qui pourrait être aussi surprenante que celle de droite, il est des mesures de bon sens qui devraient dépasser l’esprit partisan, pour s’appliquer, non par dogmatisme mais par réalisme. Non pour faire plaisir à l’Europe ou à un quelconque censeur international ou national. Non pour céder à un lobby au muscle plus puissant qu’un autre pour maintenir la musculation protectionniste telle qu’elle s’exerce depuis plus de 30 ans. Non pour céder à ce qu’on pense que le peuple pourrait bien penser par des gens qui pensent pour eux et non pour le peuple… (je sais il faut relire la phrase pour la comprendre !).

Des mesures qui parlent des hommes et des femmes dont le sort est lié aux décisions que prendront les uns ou les autres. Car au final, derrière ces guerres de chiffres se cachent des situations humaines, et que ces hommes et ces femmes rappellent, dans tous les pays du monde, qu’ils ne sont pas des statistiques, mais des humains et qu’il est temps de le rappeler à ceux qui les ont transformé en graphiques Powerpoint pour journal télévisé.

Il serait donc judicieux d’arrêter de parler des emplois que l’on va supprimer, pour expliquer ceux que l’on va créer. Des activités que l’on va sabrer pour expliquer celle que l’on va faire naître et croître. Des programmes que l’on va réformer pour évoquer ceux que l’on s’empêchera de vouloir faire depuis les châteaux-forts étatiques pour les laisser aux mains des français. De parler d’identité malheureuse ou heureuse, pour préférer la notion d’avenir, d’emploi, d’inclusion, car l’identité ne se construit que dans la réussite personnelle, la certitude d’avoir une existence, un destin, un avenir, comme une maison se repose sur ses fondations et sa capacité de résister aux outrages du temps avant de savoir si elle se distingue par son style gai ou austère. De parler du nombre de professeurs, avant de leur assigner un objectif pour nos enfants. De supprimer ou non le principe de précaution, avant de supprimer la classe politique qui a fait de l’absence de risque son ADN. Etc.

Mes 5 mesures si j’étais président, de façon très prétentieuse, seraient les suivantes, si je devais vraiment les annoncer. En effet, des mesures n’ont de sens que lorsqu’elles sont au service d’une ambition, d’une utopie, d’une croyance. Certains diraient d’une vision. Mais je n’aime pas ce terme car il fait plus appel à des vertus habituellement attribuées à des pythies ou pire, des cartomanciennes, qu’à des hommes politiques. Une nation pour être en marche, ou au pas de course, a besoin de savoir pourquoi elle marche et vers quoi. Savoir qu’elle s’élève plutôt que de stagner ou régresser, car être en marche ou au trot, vers l’abyme présente un intérêt assez réduit !

Les mesures sont les graines que l’on plante dans un terrain fertile et non sur une terre aride qui les rejette ou les ignore. La France est devenue un petit désert, sur le sol duquel aucune graine et mesure ne fera pousser quoi que ce soit, si l’on ne traite pas le sol, en priorité. Ce sol pour redevenir fertile demande les éléments « intellectuels » suivants :

Une obsession de l’élévation. Il faut expliquer en quoi l’objectif est bien de redonner à chaque enfant qui naît sur notre sol chaque jour, qu’il pourra améliorer la situation de ses parents, faire mieux, plus grand et plus haut.

Une obsession de la requalification. Les français ressentent la sensation désagréable du joueur qui reste sur le banc de touche. Dans cette position, malgré l’amitié qu’on a pour ses amis joueurs, on finit par déprimer, atteint d’un sentiment de déclassement qui s’aggrave à chaque partie à laquelle on sent bien que l’on ne participera plus. Il faut expliquer au français qu’ils vont pouvoir rentrer en seconde mi-temps après qu’on leur ait progressivement expliqué qu’ils resteraient sur le banc de touche, avant de devenir spectateur pour terminer finalement, à l’extérieur du stade.

Une obsession du partage de la valeur. Chaque travailleur, indépendant ou salarié, doit être intéressé au capital des entreprises, de son activité, à chaque instant et contribuer à ses moments de déprime, comme à la fête aux dividendes, car ces derniers sont le fruit de son travail. C’est à ce prix que les français pourront prononcer à nouveau le mot de libéralisme et de capital, voire même, soyons fous, d’entreprise, sans se blesser la bouche. Le meilleur moyen de créer les conditions d’un dialogue social renouvelé, d’une passion d’un capitalisme apaisé, sera de partager la réussite à laquelle ils contribuent. Le salaire ne peut plus être le seul étalon de mesure du partage de la valeur.

Une obsession de la mixité. Notre société fractionnée en silos verticaux et endogames doit retrouver la complémentarité de la cellule tribale originelle. Celles où faibles et forts, vieux et jeunes, leader et suiveurs, intellectuels et manuels, se voyaient comme un puzzle dont chaque pièce était indispensable et non comme une hiérarchie organisée pour exclure le grand nombre au profit du plus petit. Il faut que meurent les castes, mais pas leurs membres. C’est la coquille, devenue perméable à la différence, qu’il faut faire sauter, et non les hommes qui la composent. Une fois remis à l’air libre, ils retrouveront leur nature et leurs réflexes, et reprendront l’habitude de s’associer à la différence pour croître, plutôt que la refuser pour se protéger et exclure.

Bref, il faut devenir obsédé. Un obsédé compulsif de la liberté, de la confiance, de la complémentarité, de l’équilibre (et non de l’égalitarisme) et comprendre que la nature a inventé l’équilibre en tout pour que tout soit à l’équilibre. Si ces équilibres changent, si on ne peut éternellement maintenir des acquis qui répondaient à un contexte, il faut retrouver, chaque fois, un nouvel équilibre. Pour une renaissance. La France pourra renaître, non d’un programme d’économies diverses et de suppression des uns ou des autres, mais de la force issue de différences qui s’ajoutent pour renforcer nos édifices et notre avenir.

Une fois ces valeurs expliquées, les mesures auront un sens. Elles seront au garde à vous face à l’objectif et non le contraire. Des mesures ne bâtissent pas un avenir, c’est la définition de l’avenir qui entraînent des mesures qui y adhérent et y contribuent.

Mais si il faut vraiment choisir 5 mesures, alors je prendrai celles dont personne ne parle :

19 milliards d’euros pour les PME. Impôt ? Réduction de charges ? Que neni ! Simplement l’obligation pour les grands groupes de payer les PME à 30 jours, de façon impitoyable et contre des sanctions majeures et appliquées. Cela ne coûtera rien aux contribuables, ni à l’état et rapportera aux PME ce qui leur permettra d’embaucher, chacune entre 1 et 5 personnes en moins de 24 mois. Je rappelle que nous avons…3M de PME ! Faites le calcul. Il faudra même faire des « enfants sur une grande échelle » pour suivre le rythme !

20% des effectifs des organismes de contrôle des PME (fisc, inspection du travail, urssaf..) affectés à la formation et au conseil des PME plutôt qu’à leur contrôle et leur sanction. Ainsi en moins de 5 ans on pacifie la relation entre l’administration au sens large, et les entrepreneurs, créant ainsi les conditions pour passer de la défiance à la confiance, qui sera la mère de la confiance indispensable pour que la France du public et celle du privé marchent main dans la main plutôt qu’à coup de poings sur un ring de boxe.

Interdiction du cumul des mandats dans le temps (2 maximum) et réduction de 50% du nombre des députés et sénateurs. Suppression d’un échelon administratif, voire de 2, avant que tous nos présidents de région et de ville continuent à nous inventer des échelons supplémentaires chaque année. (Communauté de communes, métropoles et autres plaisanteries coûteuses et cumulardes). Il faut rafraîchir la vie politique et organiser le va et vient vers le travail « civil » et « politique ». Pour l’enrichir d’idées et d’hommes différents.

Révision de la pédagogie dans l’éducation nationale et suppression de 50% des effectifs de leur tutelle. Le pouvoir au prof, une fois que nous aurons défini ce que nous attendons d’eux. Laissons de côté les débats sur le collège unique ou inique, sur les effectifs, pour nous concentrer sur ce que nous devrions enseigner à nos enfants à l’heure ou le savoir devient rapidement obsolescent. Savoir favoriser leur créativité et découvrir qui ils sont et ce qu’ils pourraient faire, plutôt que de chercher à surclasser 3% au mépris des 97 autres. Le siècle sera celui des services et de l’agilité digitale, cela demandera d’être formé à l’adaptation plus qu’au latin ou à l’allemand. Les aider à se connaître plutôt qu’à ânonner un savoir prémâché leur sera plus utile. Tout commence par l’éducation. Faire de l’alternance, le mode majeur de formation dès le plus jeune âge.

Mettre le paquet sur le digital afin que la France puisse être une puissance majeure en moins de 5 ans. Y compris en la mettant, par une certaine forme de protectionnisme, à l’abri de la concurrence, le temps que nos start-up deviennent des géantes, capables de se défendre seules face aux prédateurs et d’aller tâter de l’international avec la puissance d’un catcheur plutôt que de chercher leur chemin la canne blanche à la main, par tâtonnement.  Passer l’investissement privé, en l’y incitant de 1.8Mds (dont nous nous gargarisons !) à 10Mds. Il n’y aucun risque à s’offrir un avenir. Il y a plus à gagner en perdant souvent de l’argent, qu’à le préserver dans les bas de laines de l’épargne longue, endormie dans les fondations immobilières qui sont sa destination principale.

Ce que j’en dis… Je ne suis qu’entrepreneur, donc je ne sais rien, car seuls ceux qui font l’ENA savent pour nous, avec le succès que l’on connaît ! Peut être devrions nous, une fois, remplacer l’école de l’excellence par celle de la rue. Avant que la rue ne se révolte.

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