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La France risque-t-elle vraiment d'être sanctionnée par les marchés ?
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Damoclès

Info ou intox ? C'est la rumeur qui agite le monde politique et économique. Selon Nicolas Sarkozy, une victoire de François Hollande entraînerait une défiance des marchés à l'égard de la France et une hausse brutale des taux d'intérêt. Mais qu'en pensent les marchés ?

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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Atlantico : Nicolas Sarkozy a déclaré mercredi que «si nous ne respectons pas la ligne de réduction de nos déficits et de notre endettement, à la minute les taux d'intérêt vont augmenter », emboitant le pas à François Fillon, qui avait déjà brandi le spectre d’une attaque spéculative contre la France si la gauche l’emportait. Ce risque est-il réel ou est-ce une manipulation de la droite ?

Jean-Marc Daniel : Un peu des deux. Déjà naguère, la droite a toujours accusé la gauche de menacer la stabilité du franc par son programme économique.

Effectivement, si François Hollande est élu, il y aura une montée des taux d’intérêt de la dette française. Mais c’est valable également si Nicolas Sarkozy n’annonce pas tout de suite après son éventuelle réélection des mesures d’austérité.

Le taux d’intérêt devient inquiétant, compte tenu de la croissance attendue, à partir de 3%. Actuellement, il tourne autour de ce taux : il est aujourd’hui de 2,93% pour des obligations à 10 ans. L’agence France-Trésor a pris les devants pour faire face aux besoins de financement de l’Etat en mai et début juin. Elle a donc des marges de manœuvre, le temps que la nouvelle équipe se mette en place.

Mais très rapidement, dans les premières semaines de mai et surtout après les législatives, le gouvernement devra mettre en place un plan d’austérité à l’italienne ou à l’espagnole. Il y a un vrai risque, quel que soit le président élu, car aucun des programmes n’est crédible sur le plan du redressement économique.

Pour l’instant, les marchés parient sur le fait que les programmes mis en avant ne seront pas appliqués. Ils voient trois choses : un discours de rigueur qui commence à apparaitre, une première réponse qui passe par des hausses d’impôts, des économies annoncées qui ne sont jamais concrétisées et des dépenses supplémentaires systématiques.

Si leur programme n’est pas plus crédible que celui de François Hollande, quel intérêt ont François Fillon et Nicolas Sarkozy à agiter le spectre d’une attaque des marchés ?

Leur programme n’est pas plus crédible que celui du PS, mais ils ont une force : leur expérience. Par ailleurs, ils ont depuis près d’un an modifié leur discours et leur gestion de la situation économique vers plus de rigueur.

Surtout, Ils ont annoncé qu’ils voteraient la règle d’or et respecteraient le Pacte de stabilitéet de croissance européen. Ils ne remettent donc pas en cause les principes fondamentaux de l’incontournable  politique de rigueur.

En fait, ce n’est pas tant le contenu  des programmes qui codifie la perception que les marchés ont de leur politique économique, plutôt l’affirmation en amont de ces principes fondamentaux.

Des principes fondamentaux que François Hollande ne veut pas entériner ?

Pour l’instant, François Hollande dit qu’il renégociera le pacte de stabilité et qu’il n’y a pas besoin d’appliquer la règle d’or. En plus, il aura besoin de l’apport de l’électorat du Front de gauche,  qui est bercé par un Mélenchon disant : « ils ont leurs chiffres, ils ont leurs règles comptables et moi j’ai une autre comptabilité qui est celle du droit à la vie ».  François Hollande, s’il est élu, sera obligé de négocier avec des gens qui contestent le principe même de l’austérité.

Quelle forme prendrait une attaque des marchés ?

Ce n’est pas vraiment une attaque en tant que tel. Les marchés vont simplement se délester de la dette française, car ils vont considérer que la France pourrait se trouver dans une situation à la grecque, c'est-à-dire une annulation plus ou moins forcée d’une partie de ses créances.

Si à moyen terme, Hollande part sur l’idée que le principe de l’austérité n’est pas bon, les marchés se diront qu’il vaut mieux se dessaisir de la dette française.

Cela se traduirait d’une part par une remontée des taux à l’émission à partir de juillet, auquel cas une partie des dépenses publiques serait absorbée par une charge de la dette accrue.

Depuis quelques jours, l’écart entre les taux français et allemand se creuse, au détriment de la France. Cette spéculation a-t-elle déjà commencé ?

Cela fait un certain temps qu’il y a un écart entre les taux d’intérêts, de l’ordre de 1,2 point. Ce qui est intéressant, c’est que dans le même temps les taux italiens sont orientés à la baisse. On voit donc que la signature italienne est crédible, alors qu’il y a des incertitudes sur celles de la France.

Les marchés ne sont donc pas positionnées contre François Hollande, c’est une défiance générale. Le programme de Nicolas Sarkozy est tout aussi mal vu.

Concrètement, pour éloigner cette menace, que doivent annoncer les candidats ?

François Hollande devrait annoncer qu’il respectera tous les engagements européens et que cette histoire d’embauche de fonctionnaires est abandonnées.

Nicolas Sarkozy quant à lui devra dire clairement que toutes les mesures qu’il a annoncé sur le plan des dépenses publiques seront examinées à l’aune de la réalité.

Les deux candidats ont basé leurs programmes sur les hypothèses de croissance de l’OCDE pour 2012 et 2013, pour se donner un gage de crédibilité. Mais pour les années suivantes, ils sont repartis sur des hypothèses gonflées, dans le déni du réel.

La seule solution pour recrédibiliser les programmes, c’est d’en abandonner une partie et de dire que dans tous les cas, ils seront conditionnés à la croissance. Si elle n’est pas au rendez-vous, ils ne seront pas appliqués.

Propos recueillis par Morgan Bourven

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